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![]() Watchmen est un film qui revient de loin. cela fait en effet plus de vingt ans que le film cherche à se monter à Hollywood, sombrant dans ce qui s'appelle dans le milieu le development hell, et dont en général rien de bien glorieux de sort. C'est en effet en 1986 que le producteur Lawrence Gordon acquiert les droits de la bande dessinée de d'Alan Moore et Dave Gibbons (elle-même débutant en 1986, et se terminant en 1987). Le roi du cinéma d'action, Joel Silver est alors lui aussi attaché au projet, en association avec les studios 20th Century Fox et Warner Bros. Les studios demandent alors à Alan Moore d'adapter son histoire pour le grand écran, mais celui-ci refuse. Le scénariste Sam Hamm (le Batman de Tim Burton) est alors engagé. Il change notablement l'histoire, et en particulier la fin, où se mêlent ainsi assassinat et paradoxe temporel. La première version du script est disponible en septembre 1988, la production du film commence quand à elle en 1991. Terry Gilliam entre alors en scène. Embauché pour réaliser le film, il trouve le traitement de Sam Hamm non satisfaisant, en particulier en ce qui concerne les personnages. Charles McKeown (Brazil, ainsi que Batman, lui aussi) est engagé pour retravailler le scénario. En sort une nouvelle mouture (qui sera étrangement créditée à Terry Gilliam, Warren Skaaren et Sam Hamm). Arnold Schwarzenegger est alors pressenti pour incarner le Docteur Manhattan. Problème, et Joel Silver et Terry Gilliam sont connus dans le milieu pour dépasser les budgets qui leur sont alloués. Sur les 100 millions de $ demandés par les deux hommes, seul 25 millions leur sont accordés (soit le quart de leurs besoins estimés). Terry Gilliam préfère abandonner le projet, déclarant que Watchmen est infilmable, en particulier dans le giron des studios. Lawrence Gordon lui propose alors de tourner le film de façon indépendante, mais Terry Gilliam pense que le format souhaitable pour Watchmen est celui d'une minisérie d'environ 5 heures. Le projet est alors abandonné. ![]() ![]() Il faudra attendre les attentats du 11 septembre 2001 pour que le projet ne soit relancé. En effet, depuis la fin de la guerre froide, l'histoire avait beaucoup perdue de son sens, et l'électrochoc causé par la chute des tours replonge le monde dans une ambiance proche de celle compté par la bande dessinée, la peur ayant de nouveau fait surface. Lawrence Gordon, cette fois-ci avec Universal studio et Lloyd Levin en lieu et place de Joel Silver, fait appel à David Hayter (X-Men) pour scénariser et réaliser le film. Le but est alors de commencer le tournage début 2002. Seulement voilà, le premier jet n'est prêt qu'en juillet 2002, et le script n'est finalisé qu'un an plus tard, en juillet 2003. David Hayter et le studio se fâchent alors, et se séparent. Retour au point mort. Juillet 2004. C'est cette fois-ci au tour de la Paramount de s'intéresser à Watchmen, toujours d'après le script de David Hayter, avec maintenant Darren Aronofsky à la réalisation. Côté production, c'est toujours le duo Lawrence Gordon/Lloyd Levin qui tient les rênes du projet, auxquels vient se rajouter Eric Watson, producteur habituel des oeuvres de Darren Aronofsky. Mais bien vite, le cinéaste abandonne lui aussi le projet, pour aller tourner une histoire qui lui tient plus à coeur, The Fountain. Watchmen n'est pas pour autant arrêté, Paul Greengrass (la vengeance dans la peau) remplaçant Darren Aronofsky. La sortie du film est alors planifiée pour l'été 2006. Quelques noms d'acteurs et d'actrices sortent alors. Simon Pegg est pressenti pour jouer Rorschach, mais le comique refusera le rôle en déclarant: "je ne veux pas que les gens disent Simon Pegg EST Rorschach". D'autres acteurs montrent leur intérêt, comme Daniel Craig (là aussi pour jouer Rorschach), Jude Law (pour incarner Ozymandias), Sigourney Weaver ou bien encore Hilary Swank (toutes deux pour jouer le Spectre Soyeux). Tandis que de son côté, Paul Greengrass imagine Joaquin Phoenix dans la peau bleue du docteur Manhattan. ![]() Terry Gilliam, qui suit toujours le projet, lit alors le scénario de David Hayter et le trouve satisfaisant. Le cinéaste déclare cependant que jamais un studio ne produira un film, qui plus est à gros budget, aussi noir. Le fait est qu'en 2005, le studio, qui fait face à des problèmes financiers, décide de réduire drastiquement le budget du film, le rendant ainsi impossible à filmer en l'état. Une nouvelle fois, le film est mis en attente. Lawrence Gordon et Lloyd Levin entrent en octobre 2005 en négociation avec la Warner Bros pour reprendre le film. Un accord est signé en décembre de la même année. Le réalisateur, Paul Greengrass, est remercié, et il est décidé de reprendre le scénario à zéro. David Hayter, est prêt à retravailler sur le sujet. C'est alors que la Paramount s'embarque dans des négociations financières avec la Warner, déclarant ne pas être rentrée dans ses frais pour le travail effectuée. Là aussi, un accord est trouvé. La Paramount aura 25% des droits et des revenus pour le film, ainsi que les bénéfices pour la distribution à l'international. C'est la Warner qui fait appel à Zack Snyder, jeune réalisateur talentueux, dont le premier film, l'armée des morts, avait très bien fonctionné, et dont le suivant, 300, est déjà une adaptation de B.D., et met en jeux de gros effets spéciaux numériques. Zack Snyder est donc engagé en juin 2006. Alex Tse est quand à lui engagé au scénario, sur les bases des meilleurs drafts de David Hayter. Snyder, conscient de la complexité de l'histoire, décide de simplifier au maximum, et décide ainsi très tôt de changer la fin de l'histoire, ce qui laissera aussi plus de temps pour ce qu'il considère être le coeur de l'histoire: les personnages. Le tournage commence enfin, en septembre 2007, à Vancouver, pour un budget final de 120 millions de $, après 20 ans! ![]() ![]() L'histoire inventée dans les années 80 par Alan Moore et Dave Gibbons est d'une richesse rare, en particulier dans le monde des comics. A un point que le très sérieux Times place Watchmen parmi les 100 meilleurs écrits en langue anglaise depuis 1923, tandis qu'en 1988 la B.D. reçut un Hugo (récompensant les meilleurs romans et nouvelles de science-fiction et fantasy en langue anglaise). D'un point de vue historique, l'histoire des Watchmen est très riche (c'est d'ailleurs le propre des uchronies de qualité). Guerre froide, guerre du Viêtnam, évolution des moeurs américaines, et enfin (en tout cas dans la bande-dessinée), histoire des comics (la B.D. est aussi une réécriture sur fond de vérité historique de la façon dont se s'est créé le mythe du super-héro aux U.S.A.). Zack Snyder est tout à fait conscient de l'absolue nécessité de rester fidèle au roman graphique, sous peine de faire un hors sujet, à la façon du je suis une légende de Francis Lawrence. Mais comment faire alors que l'histoire est intimement liée à la tension Est-Ouest du début 80? Et bien, tout simplement en imposant cette période au Studio, là où Francis Lawrence a balayé la période où sa déroulait l'histoire de son unique survivant sur terre, avec tous les sous-entendus forcément liés à la guerre froide (les mêmes que dans Watchmen) pour une simple erreur de manipulation génétique. Là où l'un n'avait rien compris à l'histoire qu'il racontait, l'autre a tenu bon face aux facilités marketing. D'ailleurs tout le film de Snyder respire le respect au matériau d'origine, à tel point qu'il est facile de reconnaître les cases ayant été utilisées comme référence. Le cinéaste avait d'ailleurs fait de même avec 300, prouvant qu'il se met au service de l'oeuvre, et non pas le contraire. ![]() Mais à trop coller à la bande dessinée, Zack Snyder se retrouve finalement face à un problème de taille: la longueur de son film. Le premier montage dure trois heures. Mais là où un Peter Jackson, aussi bien pour le seigneur des anneaux que pour King Kong a su imposer une durée hors norme, Zack Snyder sait qu'il devra couper, pour arriver à une durée plus raisonnable. Il doit ainsi faire des choix, et supprimer quelques trames secondaires non indispensables. Ainsi, le personnage du Hibou, premier du nom, joué par Stephen McHattie, voit sa présence drastiquement diminuer à l'écran, au point de supprimer l'un des passages les plus émouvants de la B.D., à savoir la mort du personnage. Toute la trame, à priori totalement parallèle, et donc dispensable, de la B.D. dans la B.D., disparait elle aussi (elle reviendra dans un DVD qui est déjà annoncé, avec Gerard Butler à la narration de l'histoire, titrée Tales Of The Black Freighter, qui aura couté la bagatelle de 20 millions de $, et qui permettra aux fans de patienter avant la sortie de la version longue de Watchmen? qui durera, elle, 3H30). Malgré cette approche on ne peut plus humble vis à vis de l'oeuvre, Alan Moore s'est, encore une fois, totalement désengagé de l'adaptation de l'une de ses oeuvres, après avoir fait la même chose sur la ligue des justiciers extraordinaires, From Hell, et V pour Vendetta. Dave Gibbons, quand à lui, a eu un comportement radicalement opposé, se déclarant très impressionné du résultat. ![]() Le film de Zack Snyder se veut avant tout une histoire de personnages. Et s'il est bien une chose dont Watchmen ne manque pas, c'est de personnages. Des super-héros pour la plupart, tous très bien brossés, loin de des habituels stéréotypes super-héroïques. Peu de filles dans Watchmen, mais pourtant, elles ont leur importance dans l'histoire. Une grande même: ![]() ![]() ![]() ![]() Du côté des hommes, plus de rôles présents: ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() D'autres super-héros secondaires gravitent autours de cette poignée de personnages centraux. D'ailleurs, à part Moloch le mystique (joué par Matt Frewer), aucun super vilain n'est à l'affiche de ce Watchmen (et encore, même Moloch est un ex super vilain). A peine croise-t-on en plus de Moloch un ironiquement nommé Big Boss (Danny Woodburn). Les autres héros costumés (les Minutemen), que ce soit l'homme-insecte (qui finit fou), Dollar Bill (dont la mort prématurée a bien évidemment été une source d'inspiration pour les indestructibles), le Capitaine Metropolis ou bien encore le Justicier Masqué, ont tous un rôle bien plus important dans la BD que dans le film. Rien que de très normal, lorsque l'on voit la densité de la BD. Les 5 heures d'envisagées par Terry Gilliam n'auraient pas été de trop! Mais si Zack Snyder a pratiquement fait disparaître certains personnages de son film, il a aussi modifié certains des personnages principaux. Ainsi, le Hibou II est devenu bien plus impressionnant physiquement dans le film que dans la BD, le rendant plus moderne et agressif dans son apparence. Il en fut de même pour le Spectre Soyeux seconde version. Tandis qu'Ozymandias se voit affublé d'un costume qui n'est pas sans rappeler les exubérances du costume du Caped Crusader dans les deux films de Joel Schumacher, à savoir Batman Forever et Batman & Robin. ![]() Loin de se limiter à se moquer gentiment de ses collègues réalisateurs de films super-héroïques, Zack Snyder s'efforce, en plus de rester fidèle à la BD, de glisser le plus de références possible dans son film. Certaines sont plus flagrantes que d'autres, mais le film en est truffé. Parmi les plus marquantes citons: ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() On trouve aussi des références à d'autres films, comme le Se7en de David Fincher, ou encore Le Jour où la Terre s'arrêta, de Robert Wise. ![]() Watchmen, adaptation parfaite de la bande dessinée? Presque. Car Zack Snyder possède quelques tics de réalisation qui peuvent parfois gêner, comme par exemple l'utilisation abusive de ralentis (déjà présent sur 300). L'abus de violence qui tuerait n'importe qui, même des super-héros (qui n'ont ici pas de super pouvoirs), peut aussi parfois choquer, et trop rappeler au spectateur qu'il regarde un film (ce que paradoxalement doit absolument faire oublier le réalisateur). Dommage que ces quelques petits défauts viennent légèrement noircir ce qui reste l'un des meilleurs films de super-héros jamais tournés, et ce malgré la période de development hell par lequel est passé Watchmen. Le film connut dès sa sortie un gros succès en salle lors de sa première semaine, mais très vite la fréquentation, en tout cas aux Etats-Unis, chuta notablement. Bien sur les produits dérivés (y compris un jeu vidéo) permettront de rapporter une somme plus que rondelette de billets verts, et c'est bien tout ce que l'on peut souhaiter à un film qui a au moins le mérite d'être entier, et de ne pas prendre le spectateur pour un enfant (d'ailleurs, le film est interdit aux moins de 17 ans non accompagnés, une première pour un film de super-héros). Si vous avez aimé Watchmen, les gardiens, vous aimerez aussi:
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Après 20 ans de lutte, Watchmen sort enfin sur les écrans. Et quel film. Sanglant comme jamais dans l'univers des super-héros,
sexué à mort (là aussi un cas unique dans cet univers ultra codifié), et surtout intelligent. Un film qui fait
réfléchir tout en s'amusant, cela est bien rare à Hollywood, encore plus rare dans les grosses productions.
L'uchronie, un genre qui fait pourtant peur à Hollywood, est ici extrêmement bien rendu, en évitant le piège du trop. Zack Snyder prouve, après l'armée des morts et 300 qu'il a tout compris au cinéma d'Entertainment. Les fans de la B.D. seront ravis de voir un film ayant su rendre l'ambiance de ce qui est aujourd'hui considéré comme l'une des toutes meilleures bandes dessinées jamais écrites. Les autres, peu au fait de cet univers, pourront s'y perdre tant le monde de Watchmen est riche. Mais l'effort vaut le coup ![]() |