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Golden Globes |
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Année | Bénéficaire
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Meilleure promotion pour l'entente internationale | 1952 |
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Golden Globes |
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Année | Bénéficaire
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Meilleure musique | 1952 | Bernard Herrmann |
![]() Le jour où la terre s'arrêta est du au producteur Julian Blaustein, qui cherchait à tourner un film symbolisant les deux peurs symptomatiques de son époque: la guerre froide d'un côté, et la bombe atomique de l'autre. Après avoir lu quelques deux cents nouvelles à la recherche de son histoire, il porte son choix sur l'histoire écrite par Harry Bates, Farewell to the Master, et en acquiert les droits pour 500 $, pour la 20th Century-Fox. Le mogul Darryl F. Zanuck accepte de financier le film, que d'aucuns, y compris son actrice principale, Patricia Neal, considèrent comme un énième film de science-fiction bas de gamme, qui il en pullule tant à cette époque. Pour rappel, la science-fiction n'avait pas l'image qu'elle a aujourd'hui, et était rarement considérée comme bankable. Il faudra attendre le Star Wars de George Lucas pour que la donne ne change. Julian Blaustein voulait, au travers de son film, faire en quelque sorte l'apogée des Nations-Unies, une institution toute récente (elle fut créée en 1945), et, d'après beaucoup, seule capable s'assurer un avenir serein à l'humanité. Mais, époque oblige, le film servira plus l'image des Etats-Unis que des Nations-Unies, et ce à la fois à cause du poids de la toute puissante MPAA (la censure américaine), et en même temps en raison des mentalités (américaines en l'occurrence), en pleine guerre idéologique. ![]() Pour réaliser le film, c'est le génial Robert Wise qui sera engagé. L'homme s'était fait reconnaître en 1949 en obtenant le pris de la critique au Festival de Cannes (pour Nous avons gagné ce soir. Il deviendra par la suite le génie reconnus, par quatre Oscars (pour West Side Story et La Mélodie du bonheur). Il était indéniablement l'homme de la situation, non seulement en raison de son talent, mais aussi parce qu'il était en phase avec le concept de l'histoire (c'est à dire d'un antimilitarisme affiché, en une époque ou cela n'était pas vraiment de bon ton). Si on rajoute à cela que le cinéaste croyait aux ovnis (il faut dire que c'était dans l'air du temps), on comprend pourquoi il fut choisi. Robert Wise, prenant à contre courant le genre, désirait faire du jour où la terre s'arrêta un film réaliste, ce qui explique pourquoi le film est si chiche en scènes purement science-fictionnelles, le réalisateur se concentrant sur la psychologie et les impacts d'un rencontre du troisième type. Lorsque, en 1979, Robert Wise réalisera Star Trek : Le Film, il fera de même, tirant pratiquement un trait sur l'univers de Gene Roddenberry pour en faire quelque chose de plus métaphysique, à la 2001, l'Odyssée de l'espace. Pour les décors, en particulier ceux du vaisseau spatial, Robert Wise fait appel au prestigieux architecte Frank Lloyd Wright, tandis que le tournage proprement dit se découpe en deux équipes, l'une (la principale) qui tournera dans les studios de la 20th Century Fox, à Los Angeles, avec les acteurs et le réalisateur, et la seconde qui ira tourner à Washington les scènes extérieurs. Ainsi, aucun des acteurs du film n'aura mis les pieds à Washington pour les besoins du film. La musique, quand à elle, est confiée à Bernard Hermann, le compositeur fétiche d'Alfred Hitchcock, qui signera ici l'une de ses partitions les plus connus. Danny Elfman déclarera même avoir eu l'envie de devenir compositeur en entendant le score du jour où la terre s'arrêta. ![]() Le rôle de l'extra-terrestre, Klaatu, avait à l'origine était pensé pour être tenu par une star. Robert Wise et Julian Blaustein imaginaient Spencer Tracy dans la peau du messager de l'espace. Puis, après le refus de l'acteur, le rôle est proposé à Claude Rains, quand à lui intéressé, mais malheureusement, pris par ses obligations à Broadway, se voit obligé de décliner l'offre. Finalement, changeant leur fusil d'épaule, Robert Wise et Julian Blaustein décident de faire appel à un quasi-inconnu, Michael Renie, se disant qu'un visage inconnu permettra de rendre cette rencontre du troisième type plus cohérent auprès du public. De même, le rôle du robot géant Gort sera confiée à total inconnu (et pour le coup même pas acteur), Lock Martin, engagé uniquement en raison de sa taille (2m30!). George Lucas fera exactement la même chose lorsqu'il engagera Peter Mayhew pour jouer Chewbacca dans La Guerre des étoiles. Lock Martin était, avant d'être engagé par Robert Wise videur au prestigieux Grauman's Chinese Theatre d'Hollywood Boulevard (lieu de nombre de premières et où fut organisé par trois fois la cérémonie des Oscars, entre 1944 et 1946). A noter que si le personnage de Gort est d'une force colossale, il en va à l'inverse de Lock Martin, qui avait bien du mal à tenir dans son costume, et qui s'est avéré incapable de tenir Patricia Neal ou bien Michael Renie dans ses bras (d'ailleurs, si les effets spéciaux sont en général dans le film de très bonne facture, lorsque Gort porte Helen les câbles sont pour le moins apparents). La majorité des autres protagonistes du film ne sont que des stéréotypes (en général des militaires). Restent à part le personnage tenu par Hugh Marlowe, antipathique à souhait, et ce dès sa première apparition, et celui joué par Sam Jaffe, un mélange entre Einstein et Oppenheimer (connu pour corriger les notes sur tableau noir de ses collaborateurs). Sam Jaffe a d'ailleurs bien failli ne pas apparaître dans le film, l'acteur faisant partie de la liste noire du maccarthisme. ![]() Le jour où la terre s'arrêta est clairement un film à messages. Si celui moralisateur, annonciateur d'un avenir noir si les peuples n'arrivent pas à s'entendre, est en soit d'un bon sens qu'il est difficile de critiquer (et d'autant plus courageux en cette période de guerre froide), la façon dont l'idée est passée est plus discutable. A savoir, si vous ne vous mettez pas d'accord en faisant la paix, nous allons vous détruire. C'est à dire exactement le comportement qu'appliquent les Etats-Unis de part le monde (et ce encore de nos jours). Une certaine idéologie de la paix.... On retrouve tout au long du film des traces de cette apologie de l'American Way of Life, Le jour où la terre s'arrêta étant un film (volontaire?) de propagande pro-américaine. Quelques exemples: ![]() ![]() ![]() A priori cette façon de faire ne dérangea personne, puisque le film remporta le Golden Globe de la meilleure promotion pour l'entente internationale, une récompense typique de cette période trouble de guerre froide. Alors bien sur, le film de Robert Wise est loin d'être aussi manichéiste, et relativise cette propagande, en particulier par la vision très négative que donne le cinéaste de l'armée de son pays. En effet, l'armée, et ce par deux fois, tire sur le personnage de Klaatu, et ce sans raison aucune, avec comme risque à la clé ni plus ni moins que la fin de notre monde. De plus, ils n'arriveront jamais à bloquer Gort, même en y mettant tous les moyens possibles et imaginables. Enfin, cette même institution, cherchant à percer les secrets du vaisseau, n'arrivera à rien. Le message est clair: le monde serait mieux dans les militaires. C'est d'ailleurs en grande partie pour montrer cela que Robert Wise a accepté de faire le film. Un film qui par contre donne la part belle aux scientifiques qui, sans trop rechigner, acceptent de tous se donner rendez-vous devant le vaisseau de Klaatu pour entendre la bonne parole venue des étoiles. ![]() Fait amusant, le scénariste Edmund North a glissé dans son script un sous-texte christique qui avait totalement échappé au réalisateur (il s'en rendra compte quelques années plus tard). En effet, un parallèle très fort existe en Klaatu/le Christ: ![]() ![]() ![]() ![]() A noter que la résurrection finale du personnage devait à l'origine être définitive, apparaissant comme quasi-divine. Cependant, cela ne plus pas à la MPAA, la censure américaine, qui ne voulait en aucun cas des extra-terrestres capable de se comparer à Dieu. La MPAA obligea Robert Wise à faire dire à Klaatu une phrase totalement hors de propos, That power is reserved for the Almighty Spirit (ce pouvoir est réservé à l'Esprit Tout Puissant). Ainsi, en une petite phrase, le film, qui devait être universel et véhiculer un message quasiment athée (car, en prenant le recul lié à l'immensité de l'Espace et l'éloignement de la terre, que reste-t-il des religions, qui s'avèrent être si locales? Rien!), fait des extra-terrestres des monothéistes que l'on soupçonne être chrétien!!! Mais ni Robert Wise ni le scénariste Edmund North n'avaient le poids suffisant pour faire plier la MPAA. ![]() Le film ne connut lors de sa sortie qu'un simple succès d'estime, gagnant cependant suffisamment d'argent pour être rentable, rapportant quelques 1,85 millions de $ pour un budget d'1,2 millions. Et mis à part l'étrange Golden Globe de la meilleure promotion pour l'entente internationale, le film ne fut pas récompensé, et totalement ignoré aux Oscars. Cependant, d'année en année, le film devint culte, au point d'être aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands films de science-fiction jamais tournés. En 1995, la National Film Registry décida de le préserver, obtenant par la même une reconnaissance officielle de la part des institutions gouvernementales, là où la culture populaire l'avait déjà absorbé, entre une adaptation radiophonique (1954, avec Michael Renie reprenant son personnage, et Jean Peters dans celui tenu par Patricia Neal), et surtout le passage de la phrase "Klaatu barada nikto" pratiquement dans l'inconscient collectif (on le retrouve cité dans de nombreux films, comme par exemple l'armée des ténèbres de Sam Raimi). Si vous avez aimé Le Jour où la terre s'arrêta, vous aimerez aussi:
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Film culte, le jour où la terre s'arrêta est considéré -à juste titre- comme un chef d'œuvre de la science-fiction, et comme l'un des meilleurs films de
son auteur, Robert Wise.
Pourtant, le film, pensé et réalisé en pleine guerre froide, ne peut que difficilement masquer son sous-texte de propagande pro-américaine (d'où est pourtant exclue l'armée), ce qui pourra faire grincer des dents nombre de spectateurs. De même de la relative naïveté scénaristique, où l'on voit une humanité finalement relativement peu préoccupée d'un point de vue philosophique de l'arrivée d'un extra-terrestre sur Terre, et uniquement mue par la curiosité (à quoi ressemble-t-il? Peut-on toucher son vaisseau?...), là où une telle rencontre devrait être un véritable choc culturel, comme le montrera brillamment (presque cinquante ans plus tard) le film Contact de Robert Zemeckis, et à peine quelques années plus tard la guerre des mondes de George Pal. Mais malgré tout le jour où la terre s'arrêta reste une œuvre majeure du Septième Art, à voir absolument. ![]() |