Lorsqu'un navire britannique est coulé dans des eaux étrangères, les superpuissances mondiales se mettent à la recherche de sa cargaison : un système sous-marin de contrôle nucléaire...

 
007 aux sports d'hiver
 
En 1980 le studio qui produit les James Bond, United Artists, sort le dernier film de Michael Cimino, la porte du Paradis. Le film, dont le budget se chiffre à 40 millions de $ (à mettre en parallèle avec les 33 millions de $ de l'Empire contre attaque, tourné au même moment), ne rapporte que 3,5 millions de $ sur le sol américain, mettant le studio dans une situation financière très difficile. A tel point qu'il fallu que la MGM rachète le studio pour éviter que celui-ci ne ferme (pour la modique somme de 350 millions de $). Rien que pour vos yeux est en quelque sorte le film de la dernière chance pour le studio, qui ne peut se permettre un nouvel échec commercial. Avec un budget de 28 millions de $, rien que pour vos yeux n'est à priori pas un grand risque pour le studio, les films de la franchise 007 ayant toujours rapporté des sommes pour le moins rondelettes. Cependant, l'acteur principal, Roger Moore, commence à se faire vieux (il a plus de cinquante ans, cinquante quatre pour être exact, lorsque débute le tournage de cette douzième aventure de l'agent 007), et ne se sent plus à incarner cet agent secret séducteur et sportif. Le producteur, Albert R. Broccoli, se lance alors dans une campagne de casting pour trouver une nouvelle tête à l'agent secret britannique. De plus, il demande à ses scénaristes, Michael G. Wilson et Richard Maibaum, de prévoir une façon d'introduire ce nouveau James bond auprès du public. La solution trouvée sera de faire apparaître l'agent secret, lors de sa première scène, sur la tombe de sa femme décédée (voir au service secret de sa majesté pour les retardataires).
Pour le reste du scénario, les auteurs s'inspirent d'une nouvelle de Ian Flemming (c'est une première, jusqu'à présent seuls des romans avaient été adaptés). Ils y ajoutent une partie dans une station de ski, comptant ainsi sur l'engouement du public (et en particulier américain) pour les sport d'hiver suite aux JO d'hiver de 1980 s'étant déroulés à Lake Placid.
 

 
Une partie se découlera donc à la montagne (le tournage se fera en Italie, dans les Dolomites), tandis que le coeur de l'histoire prendra place en Grèce. Une partie au bord de la mer (tournage à Corfou), et une partie dans les Météores (le final). Bien entendu, une partie du film sera aussi tourné en studio, et comme d'habitude, le choix de Pinewood (et en particulier le 007 stage). Bref, un tournage encore une fois très diversifié en termes de locations. C'est le moins que l'on attend d'un film de la franchise.
La fin du film, se déroulant dans un monastère grec en haut d'un piton rocheux pratiquement inaccessible, a été pensé comme un hommage à deux films en particulier: les canons de Navarone, de John Lee Thompson, et la mort aux trousses d'Alfred Hitchcock, les deux films mettant en scène une grande scène d'escalade.
Pour réaliser ce nouvel opus des aventures de James Bond, Albert R. Broccoli pense à faire appel à Peter Hunt, qui avait déjà réalisé au service secret de sa majesté, dont l'histoire présente quelques points communs avec rien que pour vos yeux. Mais le cinéaste n'était pas disponible, parti réaliser un autre film (chasse à mort, avec Charles Bronson). Le producteur se tourne donc vers le réalisateur de seconde équipe de ce même James Bond, John Glen, après avoir été en pourparler avec Steven Spielberg. Le génial réalisateur, qui avait toujours rêvé de diriger un film de la franchise, était malheureusement lui aussi pris par un tournage (les aventuriers de l'Arche Perdue), et fut donc forcé de décliner l'invitation.
 

 
Pendant ce temps là, le casting pour remplacer Roger Moore commencent, et ce même si l'acteur accepte finalement de tourner un dernier James Bond (en tout cas ce qu'il pense être un dernier James Bond). Sont donc vus, en prévision pour le prochain film de la saga, Octopussy, de nombreux acteurs, dont James Brolin, Timothy Dalton (qui obtiendra finalement le rôle en 1987), et même Lambert Wilson. Roger Moore sera finalement ravi de ce Bond, puisqu'il le considérera comme le meilleur qu'il ait tourné. Cela aura sans doute une influence notable sur son retour dans le smoking de l'agent secret pour Octopussy, puis pour Dangereusement vôtre.
Lors du casting pour le précédent film de la franchise, Moonraker, une jeune actrice française avait été remarquée. Même si elle ne sera finalement pas retenue, les producteurs s'en souviendront pour ce nouvel opus. Après Claudine Auger (Opération Tonnerre, en 1965), et avant Sophie Marceau (le monde ne suffit pas, en 1999) et Eva Green (Casino Royale, en 2006), Carole Bouquet devient donc la nouvelle James Bond Girl originaire de France. L'actrice, âgée de 23 ans à l'époque du tournage, a connu très tôt la gloire et le succès. Presque trente ans plus tard, elle est toujours considérée comme l'une des meilleures actrices de l'Hexagone. De toutes les actrices ayant fait un passage par la franchise 007, elle est l'une des seules à réussi à faire reconnaître son talent. Elle garde d'ailleurs un souvenir plus que mitigé du tournage de ce film.
Le méchant de l'histoire, quand à lui, sera incarné par l'acteur Julian Glover. Il est amusant de noter que l'acteur avait été sur la liste des acteurs potentiels pour incarner Bond dans les années 60. De plus, alors que le film aurait pu être réalisé par Steven Spielberg, parti réalisé les aventuriers de l'Arche Perdue, Julian Glover se verra proposer le rôle du méchant (encore une fois) dans le troisième opus des aventures de l'archéologue, Indiana Jones et la dernière croisade, avec dans l'un des tous premiers rôles, le premier 007 de la franchise, Sean Connery. Comme quoi, le monde du Septième Art est vraiment petit!
A noter que Pierce Brosnan, le futur James Bond (de 1995 à 2004), doit en partie sa chance à sa femme, Cassandra Harris, qui est une des James Bond Girl de ce film, et qui a fait se rencontrer l'acteur et le producteur, Albert R. Broccoli, pendant le tournage de ce film.
 

 
Rien que pour vos yeux est considéré par certains fans de la saga comme un film maudit. Il est en effet marqué par plusieurs accidents. Une cascadeuse a été blessée pendant le tournage de la mort de la comtesse; Paolo Rigoni, cascadeur lui aussi, a trouvé la mort dans un accident de Bobsleigh, en tournant la poursuite à la montagne. Topol, l'un des acteurs principaux, a lui aussi été blessé pendant une scène (l'attaque de l'entrepôt de Kristatos).
Enfin, ce film est aussi marqué par l'absence de M, incarné jusqu'à là par Bernard Lee. L'acteur est en effet décédé peu de temps avant le tournage, et Albert Broccoli a refusé de la remplacer.
Pour un film déjà repoussé (il est annoncé à la fin de l'espion qui m'aimait comme étant le prochain 007), cela fait beaucoup de malchance.
Ajoutons à cela un problème de censure lié à l'affiche du film, jugé trop provocatrice (il est maintenant impossible de dénombrer le nombre d'affiches s'inspirant de celle de rien que pour vos yeux, l'une des plus flagrante étant celle du transporteur 2). Cette affiche, créé par Bill Gold, a, en plus de fâcher la censure, fait couler beaucoup d'encre quand à l'origine de cette fameuse pair de jambes. Sont-ce vraiment celles de Carole Bouquet? Il aura fallu attendre des années pour que le secret soit enfin révélé. Et bien, non, ce ne sont pas celles de la petite française, mais celles d'un mannequin new-yorkais, Joyce Bartle. Mais au final, quelle importance? Tout le monde sait bien que les interminables jambes Pretty Woman ne sont pas celles de Julia Roberts; cela ne change en rien ni la qualité du film ni la beauté de l'actrice.
Un autre scandale a ébranlé la sortie du film: la présence parmi les James Bond Girl d'un transsexuel, Tula, dont c'est la seule apparition cinématographique. Pas très compatible avec l'ambiance glamour de James Bond....
Par contre, le générique du début est lui l'un des plus connus de la saga. Très réussi (et très sexy, sans être vulgaire), il est aussi le premier à mettre en scène la chanteuse de la chanson titre du film, ici Sheena Easton. Le générique est fait de façon à ce que l'on croit la chanteuse nue, ce qui n'est bien évidemment pas le cas.
 

 
Certains choix drastiques ont étés faits pour ce James Bond. Après un Moonraker très science-fiction, et un l'espion qui m'aimait plein de gadgets, il est décidé de mettre Bond seul face à ses ennemis, sans gadget aucun. L'explosion de la Lotus au début du film est un symbole de ce choix. Pendant tout le film, 007 devra faire appel à son ingéniosité pour vaincre ses ennemis. Il se verra même obligé de conduire une 2CV pour échapper à des ennemis en Mercedes. Cette poursuite, signée Rémi Julienne, comme toujours, est l'une des plus connues (si ce n'est la plus connue) de toute la saga James Bond.
Tout comme le final, filmé en décors naturels aux Météores, en Grèce, qui s'éloigne on ne peut plus de celui de Moonraker. Tandis que dans le précédent film, 007 part combattre ses ennemis à coup de lasers dans l'espace, le voilà dans l'un des sites les plus typiques de la Grèce, sans électricité (ou juste le minimum), à se battre contre des gens "normaux" (pas de Requin à l'horizon), et dont le seul but est la possession d'un ordinateur militaire.
Quand à ceux qui se demandent pourquoi Blofeld (dont le nom n'est pourtant pas cité) meurt de façon aussi soudaine et étrange, il y a deux raisons à cela. La première est que les producteurs voulaient prouver que Bond pouvait se passer de son ennemi juré (mais ne l'avait-il pas déjà fait dans les précédents films?). La seconde raison (en fait la principale) est que le personnage de Blofeld était en discussion juridique. Le nom et le personnage furent abandonnés (ce qui permit à la Warner de réutiliser le chef du SPECTRE dans jamais plus jamais).
 
Preuve que les producteurs avaient raison, le film remporta 195 millions de $ de recettes, et ce sans compter les produits dérivés (dont une adaptation en bande dessinée).
 
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Pour cette dernière production 007 estampillée EON Productions, rien que pour vos yeux arrive à clore un chapitre en beauté, puisque non seulement le succès commercial fut au rendez-vous, mais le film est encore considéré comme l'un des plus emblématiques de la saga. Il est vrai qu'il est typique du moule 007 version Roger Moore, c'est à dire un mélange de nonchalance, d'humour détaché et de glamour parfois outrancier, avec de nombreuses scènes de bravoure (une poursuite en ski, d'ailleurs parfois à la limite du ridicule tant elle est fait trop étalage des différents sports d'hiver, mais aussi un scène d'action sous-marine très efficace), et bien sur, de superbes filles.
Par contre, ce film est aussi l'un des films de la saga où le méchant est le moins charismatique. Cela n'est pas la faute de l'acteur, Julian Glover, mais bien de son personnage, aux motivations et aux buts somme toute assez minables.
Mais comme toute production 007, le film est efficace, visuellement réussi (et pas trop daté), et on ne s'ennuie pas en le regardant, ce qui est le but premier du cinéma. Mission réussie, encore une fois.
 
L'agent 007, toujours sous les traits de Roger Moore, reviendra dans Octopussy.