Après avoir croupi pendant quinze ans dans une prison australienne, Benjamin Barker s'évade et regagne Londres avec une seule idée en tête : se venger de l'infâme Juge Turpin qui le condamna pour lui ravir sa femme, lucy, et son bébé, Johanna. Adoptant le nom de Sweeney Todd, il reprend possession de son échoppe de barbier, située au-dessus de la boulangerie de Mme Nellie Lovett. Celle-ci l'informe que Lucy se donna la mort après avoir été violée par Turpin. Lorsque son famboyant rival Pirelli menace de le démasquer, Sweeney est contraint de l'égorger. L'astucieuse Mme Lovett vole à son secours : pour le débarrasser de l'encombrant cadavre, elle lui propose d'en faire de la chair à pâté, ce qui relancera du même coup ses propres affaires. Sweeney découvre que Turpin a maintenant des visées sur Johanna, qu'il séquestre avec la complicité de son âme damnée, le Bailli Bamford. L'adolescente a attiré les regards d'un jeune marin, Anthony, celui-là même qui avait sauvé Sweeney lors de son évasion. Amoureux fou de la jeune innocente, Anthony se promet de l'épouser après l'avoir arrachée à Turpin. Pendant ce temps, le quartier de Fleet Street s'est entiché des "tartes" très spéciales de Mme Lovett, et celle-ci se prend à rêver d'une nouvelle vie, respectable et bourgeoise, avec Sweeney pour époux et Toby, l'ancien assistant de Pirelli, comme fils adoptif. Mais Sweeney est bien décidé à mener à terme sa vengeance, quel qu'en soit le coût...

 
Les diaboliques
 
S'il est aujourd'hui difficile d'imaginer quelqu'un d'autre que Tim Burton à la réalisation de Sweeney Todd : Le diabolique barbier de Fleet Street, cela ne fut pas pour autant un choix évident. En effet, l'adaptation de la comédie musicale qui connut un succès phénoménal à Broadway à partir de 1979 aura attendu 25 ans avant de réussir à devenir un film. En effet, les studios hollywoodiens cherchaient depuis le début des années 80 à faire de ce projet une réalité.
Les raisons d'un tel development hell sont à chercher à plusieurs endroits. Tout d'abord, Stephen Sondheim, le compositeur de la comédie musicale, était très frileux de voir son oeuvre transposée au grand écran. Ensuite, il est difficile de passer après Len Cariou et Angela Lansbury, leurs 557 représentations et leur Tony Award. Enfin, le sujet même risque de ne pas pouvoir attirer une foule nombreuse dans les salles obscures.
 
 
 
En effet, si comédie musicale rime habituellement avec film tout public, surtout au cinéma (Chantons sous la pluie, Grease, ...), ce ne peut pas être le cas de Sweeney Todd : Le diabolique barbier de Fleet Street, qui raconte l'histoire d'un barbier tueur en série, qui égorge ses clients et confie les corps à son amie Mrs Lovett qui en fait des tourtes à la viande. Meurtre et cannibalisme pouvant difficilement être considérés comme des sujets légers.
Et les studios d'hésiter. Car, avant de trouver Tim Burton, dont l'univers est d'un certain côté très proche de celui de Sweeney Todd, les pontes d'Hollywood n'arrivent pas à trouver un chef d'orchestre idéal. Par contre, du côté des acteurs, nombreux sont ceux à se montrer intéressés par un tel challenge: de William Hurt à Michael Douglas, en passant par Harrison Ford, Dustin Hoffman, Robert De Niro, Al Pacino, Richard Dreyfuss, Gene Hackman, Robert Redford, Jack Nicholson, Steve Martin, Tim Curry, Kevin Kline ou bien encore Warren Beatty, tous les grands noms d'Hollywood sont prêts à se lancer dans l'aventure. Bien sur, avec l'arrivée de Tim Burton, personne n'est surpris d'apprendre que le rôle principal sera tenu par Johnny Depp, qui signe ainsi sa sixième collaboration avec le réalisateur. Si l'acteur avait déjà tenu le premier rôle d'une comédie musicale (le Cry Baby de John Waters), ce n'était cependant pas lui qui chantait. Logiquement, dans le rôle lui aussi très convoité de Mrs Lovett, on retrouve Helena Bonham Carter, Mme Burton à la ville.
 
 
 
Aucun des deux n'a d'expérience dans le chant, comme d'ailleurs la Némésis de Sweeney Todd, incarné par Alan Rickman. Le pari est risqué, de faire chanter tous les rôles principaux par des artistes n'ayant jamais fait leurs preuves dans le chant, voir n'ayant jamais chanté de leur vie (ce qui est le cas des trois rôles principaux, à savoir Johnny Depp, Helena Bonham Carter et Alan Rickman). Si aucun ne chante faux (pas plus que le surprenant Sacha Baron Cohen, qui joue la première victime du sanguinaire barbier), force est de reconnaître que nul ne se révèle être un chanteur d'exception (il suffit de comparer aux rôles secondaires, en particulier Jamie Campbell Bower et Jayne Wisener pour se faire une idée du fossé qui sépare un chanteur d'une personne chantant juste).
Même si les parties chantées ne sont pas transcendantales (tout en restant tout à fait acceptables), le reste du film est extrêmement soignée. Les décors sont tout bonnement splendides (et seront d'ailleurs récompensés par un Oscar), et les costumes d'une très grande qualité artistique, arrivant à tirer leur épingle du jeu en étant pourtant pratiquement monochromatiques. D'ailleurs, le film a été pensé comme un film muet (un comble pour une comédie musicale); en particulier dans la conception des personnages principaux, au teint blafard et aux yeux sombres, pratiquement noirs. D'ailleurs, Johnny Depp s'est inspiré d'un des plus grands noms du cinéma gothique pour composer son personnage, à savoir Boris Karloff (tout en ressemblant bizarrement à la fiancée du personnage qui a fait connaître l'acteur).
Johnny Depp s'est aussi inspiré d'un autre grand nom du cinéma expressionniste, à savoir Peter Lorre, tandis que du côté des chanteurs c'est vers Iggy Pop que Johnny Depp a été cherché l'inspiration. Les critiques, quand à eux, trouvèrent que sa voix tenait plus de celle de David Bowie.
 
 
 
Les cinéphiles attentifs pourront reconnaître au détour d'une scène l'acteur Anthony Head (Giles dans Buffy contre les vampires), qui lui pour le coup a déjà prouvé ses talents de chanteurs. Il était en effet prévu que son personnage périsse des mains de Sweeney Todd (ou plutôt de ses rasoirs), et revienne pour le final chanter, cette fois-ci en temps que fantôme. On devait aussi retrouver un autre proche collaborateur de Tim Burton, à savoir Christopher Lee. Cependant, et ce même si la fameuse chanson a été enregistrée, le passage fut coupé au montage, car il ne correspondait pas à l'ambiance générale du film. Pour le coup, le film aurait véritablement fait comédie musicale, et aurait perdu ce côté film d'horreur à la Hammer (le sang épais est d'ailleurs un hommage direct au studio britannique).
 
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