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Les Mythes de Cthulhu


 


 
Les Mythes de Cthulhu

Auteur

H.P. Lovecraft

 

Genre

Horreur
 

Année de sortie

1991
 

Résumé


 
Le plus grand écrivain américain après Edgar Poe dans le domaine du fantastique, Howard Phillips Lovecraft (1890-1937) reste aussi méconnu que lui dans son pays d'origine. Écrits dès l'âge de six ans, ses Premiers Contes - inédits en français - révèlent pourtant le génie précoce de celui qui allait rénover le fantastique en lui donnant une dimension cosmique. En deux romans et dix-huit nouvelles, Lovecraft imagine que les prodiges et les monstres du folklore européen (fantômes, sorciers, vampires), les abîmes temporels des religions orientales, les fables et légendes de l'Antiquité ne sont que les manifestations d'un culte secret unique. Culte de l'immense et monstrueux Cthulhu, l'un des Grands Anciens qui régnèrent il y a des millions d'années sur la terre et rêvent de la reconquérir. Regroupés pour la première fois, alors qu'ils étaient dispersés chez des éditeurs différents, ces vingt textes permettent de suivre la montée du mythe de Cthulhu dans l'inspiration de Lovecraft de 1917 à 1935. Entreprise couronnée par Les Légendes du Mythe de Cthulhu, la contribution des amis de Lovecraft à son mythe, faisant de celui-ci une épopée cosmique collective sur le modèle d'une Odyssée peinte avec les seules couleurs du cauchemar.

 

 


 

Avis

Note :
 

Oeuvres complètes, tome 1   Retour à la page des œuvres complètes de Lovecraft, tome 1.
 
 

 
Sont ici regroupées toutes les nouvelles "fondamentales" de la mythologie lovecraftienne. Il s'agit, et de loin, des écrits les plus connus et emblématiques de l'auteur, celles par qui il est devenu (après sa mort) l'auteur phare, influence majeure de plusieurs générations d'artistes, que ce soit littéraires, cinématographiques, dessinateurs, voir même musicaux.
 
Voici les nouvelles présentées dans ce volume:
 
Dagon Dagon (1917)
Cette nouvelle est l'une des plus emblématiques de son auteur, non seulement parce qu'elle fut l'une des toutes premières que Lovecraft écrivit en tant qu'adulte, mais aussi et surtout parce qu'elle vient poser les bases de sa mythologie, tant d'un point de vue thématique que narratif. On retrouve en effet le format, à savoir un testament ou journal intime d'un jeune homme qui a vu et vécu des choses qui l'ont rendu fou, des horreurs au delà de la compréhension humaine, et dont les implications bouleversent jusqu'au fondement des croyances de notre société.
Quoique souvent exclue des textes fondateurs du mythe de Cthulhu, cette nouvelle en a pourtant tous les oripeaux. La créature marine, dont le nom n'est jamais cité dans la nouvelle, en dehors de son titre, est par contre au cœur d'une autre nouvelle de l'auteur, Le Cauchemar d'Innsmouth, celle-ci étant pleinement admise comme faisant partie intégrante de la fameuse mythologie horrifique de son auteur.
Cette nouvelle, ainsi que Le Cauchemar d'Innsmouth, a été adapté en 2001 par Stuart Gordon, dans un film très logiquement appelé Dagon.
 
Nyarlathotep Nyarlathotep (1920)
Même si tous les fans de la mythologie lovecraftienne reconnaitront dans ce titre le nom de l'une des divinités les plus connus de l'univers du Reclus de Providence, cette très courte nouvelle n'a finalement que peu à voir avec la cosmogonie complexe de l'auteur. Il s'agit cependant bel et bien de l'un des textes fondateurs en cela que l'histoire du personnage telle que (brièvement) décrite dans la nouvelle servira de trame historique pour les autres apparitions du Grand Ancien dans les futures nouvelles de l'auteur.
On y retrouve cependant, comme toujours, cette idée d'horreur qui transcende l'espace et le temps, et face à laquelle l'homme ne peut rien. Et au lieu de plonger dans le fantastique, l'horreur lovecraftienne s'inspire plutôt d'une science-fiction d'un pessimisme absolue, où des entités extra-terrestres, pratiquement omnipotentes (et donc facilement confondue avec des dieux par une humanité superstitieuse incapable de comprendre les secrets de l'univers), cherchent à revenir dans notre univers d'où elles ont été bannies, non pas par des créatures bienveillantes (comme le reprendra plus tard à son compte August Derleth) mais par d'autres entités pour qui l'humanité n'est, au mieux, rien, au pire, des créatures manipulables, voir utilisables.
 
Dessin s'inspirant de la cité sans nom d'H.P. Lovecraft La Cité sans nom (1921)
La nouvelle part d'un postulat relativement rare chez Lovecraft, à savoir une exploration archéologique aux fins fonds du monde, lui qui se fera une spécialité de l'horreur ancrée dans l'Amérique du Massachusetts (comme bien plus tard Stephen King le ferra avec le Maine). On retrouvera cependant cette idée dans l'une des histoires les plus connues de l'auteur, à savoir les montagnes hallucinées. L'histoire, narrée à la première personne, met un homme, seul au milieu de l'infinité désertique, face à une découverte horrifique qui vient, un classique chez Lovecraft, remettre en cause l'histoire de l'humanité et de la terre. Ici, il est question de cycles de civilisations, la notre n'étant aucunement un aboutissement, le passé lointain ayant connu des civilisations évoluées, peut-être même plus que la notre, des civilisations non humaines, et qui haïssent l'humanité.
Considéré comme l'une de ses nouvelles les plus réussies, la cité sans nom est capitale dans l'œuvre de Lovecraft, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, parce qu'elle est la première à mentionner le nom d'Abdul Alhazred, l'arabe fou qui deviendra par la suite l'auteur du Necronomicon (pour la petite histoire, le jeune Lovecraft tombe amoureux des 1001 nuits et, en hommage au texte, décide de se convertir à l'Islam -avant de rapidement changer d'avis- et prend le nom d'Abdul Alhazred). Ensuite, parce qu'elle est, pour son auteur, la première qu'il ait écrit directement liée au mythe de Cthulhu, et ce même si d'autres, telles que Dagon ou Nyarlathotep viendront à posteriori s'y intégrer.
Les inspirations officielles (c'est à dire avouées par Lovecraft) pour cette nouvelles sont doubles: Tout d'abord, la nouvelle de Lord Dunsany, Aventure probable des trois hommes de lettres; ensuite, un rêve lié à une lecture concernant Irem, la Cité des Piliers. Des critiques, tels que William Fulwiler, ont vue dans la cité sans nom l'influence d'Edgar Rice Burroughs, et plus particulièrement de son récit au cœur de la Terre. Il est vrai que Lovecraft a toujours été un grand admirateur de l'œuvre du père de Tarzan.
La cité sans nom est peut-être l'une des nouvelles les plus lovecraftiennes de l'œuvre de son auteur, tant tout est présent, du narrateur (masculin) seul face à l'univers, de la folie qui l'attend, de l'horreur spatio-temporelle, de l'impuissance de la race humaine à faire face à l'indicible, ainsi bien sur que la présence d'Abdul Alhazred.
 
La version audio du Molosse d'H.P. Lovecraft, avec la voix de K. Anderson Yancy Le Molosse (1922)
Après la cité sans nom qui cite Abdul Alhazred, Le Molosse est le premier récit de Lovecraft qui mentionne le Necronomicon, le livre maudit. Mis à part cette incursion du mythe de Cthulhu (ainsi que le nom de Leng, qui refait surface avec Celephaïs), cette nouvelle n'a finalement que peu à voir avec la mythologie de l'auteur. On a ici plutôt affaire à une "simple" vengeance d'outre-tombe, venant punir deux personnages décadents (dont le narrateur), qui auront eu le tort de se mêler de choses qui les dépassent.
Ce récit doit beaucoup à Edgar Allan Poe, dont Lovecraft était, son œuvre l'atteste, un grand admirateur. On y retrouve le goût du macabre et des morts qui reviennent se venger, sans toutefois la connotation souvent sexuée si chère à Edgar Poe.
 
La cité tentaculaire, ici tirée du Metropolis de Fritz Lang, telle que décrite dans la nouvelle Azathoth d'H.P. Lovecraft Azathoth (1922)
Le rattachement de cette très courte nouvelle au mythe de Cthulhu n'existe que par le titre, le reste de l'histoire étant totalement cloisonné vis à vis de la mythologie des Grands Anciens. Il est question ici de l'évolution tentaculaire de la société, et de ses villes de plus en plus oppressantes, gigantesques, tentaculaires même (et là on retrouve bien le lien avec l'horreur typiquement lovecraftienne), où le rêve n'a plus sa place. Onirisme et civilisation moderne sont donc ici mis en opposition, Lovecraft ayant clairement choisi son camp.
En 1927 le Metropolis de Fritz Lang donnera en quelque sorte forme au cauchemar urbain de cette nouvelle. Cette même année 1927, Lovecraft écrira la nouvelle La Quête onirique de Kadath l'inconnue, qui s'inspire d'Azathoth, mais cette fois-ci dans un format plus long.
 
Ebook Le Festival d'H.P. Lovecraft Le Festival (1923)
Cette nouvelle a été inspirée à l'auteur par une visite dans la petite ville de Marblehead, dans le Massachusetts. Une ville qui deviendra sous la plume de Lovecraft la ville maudite de Kingsport. L'auteur s'accapare un fête religieuses, ici Noël, et lui donne des significations toutes autres, totalement éloignées des croyances de son temps (car aux yeux de Lovecraft, elles ne sont que cela), et venant répondre à une cosmogonie horrifique dont la découverte ne peut que rendre fou.
Le festival utilise une autre idée que l'auteur utilisera à maintes reprises (La Quête onirique de Kadath l'inconnue, à travers les portes de la clé d'argent et bien sur Celui qui chuchotait dans les ténèbres), à savoir le principe des masques humains, cachant des créatures indicibles (une idée qui sera reprise au cinéma dans le film Men In Black, de façon plutôt comique, ainsi bien entendu que dans le film Necronomicon, dans son segment La bibliothèque).
L'Affaire Charles Dexter Ward fera référence au festival en parlant de rites étranges ayant lieu dans la cité de Kingsport.
 
Dessin d'inspiration lovecraftienne Le Descendant (1926)
Cette nouvelle relativement mineure de Lovecraft est la réponse de la part de l'auteur à un désir de montrer la richesse culturelle (bien entendu horrifique) de l'ancien continent (en l'occurrence l'Angleterre) par rapport au nouveau monde. On y retrouve le classique Necronomicon, le jeune homme qui se brule à trop vouloir jouer avec le feu (Williams), le fou (le personnage de Lord Northam), ainsi que le sorcier/membre de la famille des protagonistes (Lunaeus Gabinius Capito).
A noter que le personnage de Lord Northam est un hommage à deux des auteurs favoris de Lovecraft, à savoir Arthur Machen (Northam vivant à Gray's Inn, où vivait justement Machen), et ensuite Lord Dunsany (dix-huitième baron d'une lignée remontant au XIIème siècle, là où Northam est le dix-neuvième baron, son arbre généalogique remontant au plus lointain passé).
Lord Northam est bien entendu une sorte de réminiscence de Randolph Carter, personnage mythique de l'œuvre lovecraftienne.
Cette nouvelle reste inachevée.
 
Cthulhu surgissant de sa cité engloutie de R'lyeh L'Appel de Cthulhu (1926)
L'Appel de Cthulhu est sans aucun doute une nouvelle centrale et majeure dans l'œuvre de Lovecraft, et ce alors même que son auteur ne l'estimait pas particulièrement. Qui plus est, cette nouvelle fut même une première fois refusé par Weird Tales, pourtant premier éditeur de nouvelles de Lovecraft.
On y retrouve tout ce qui fait le cœur même de l'univers lovecraftien: des dieux du fin fond de l'espace, venu s'installer sur Terre avant même l'apparition de l'homme, puis retenus prisonniers dans des lieus hors du temps voir de l'espace, et surtout, qui n'attendent qu'une occasion pour se réveiller et dominer de nouveau le monde. Ils communiquent avec leurs fidèles depuis leurs tombeaux par les rêves, leurs adorateurs étant soit des êtres inférieurs (ce qu'il faut traduire chez Lovecraft par des étrangers) soit des humains à la sensibilité extrême (c'est à dire des artistes). On y retrouve aussi les cultes secrets, éparpillés de part le monde, et communs à de nombreuses peuplades n'ayant pourtant aucun contact entre elles.
La nouvelle est découpée en trois parties. La première, l'horreur d'argile, se déroule dans un environnement proche de l'auteur (et donc à priori aussi du lecteur), en quelque sorte en pleine civilisation, et met en avant des hommes cultivés confronté à un mystère, des révélations oniriques, dont les ramifications semblent remonter aux plus lointain passé de la terre. La seconde partie, le récit de l'inspecteur Legrasse, suit une enquête d'un policier, en Louisiane, donc encore aux Etats-Unis, mais en même temps au milieu des humains inférieurs (en tout cas aux yeux de Lovecraft). Les deux parties se rejoignent, sans toutefois livrer la clé du mystère, par une étrange statuette sans âge, aux origines à priori non terrestres. La dernière partie, la folie venue de la mer, vient enfoncer le clou en révélant des secrets qui auraient du rester cachés. A noter que dans cette dernière partie, qui se déroule dans le Pacifique, Lovecraft nous entraîne au plus loin de la civilisation occidentale, au milieu de l'océan, et nous met face à la créature la plus emblématique de tout l'univers de son auteur: le grand Cthulhu.
Cette nouvelle connut en 2005 une adaptation cinématographique, sous la forme d'un film muet réalisé par Andrew Leman: The Call of Cthulhu.
 
Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn
 
Nodens, une divinité quelque peu à part dans la mythologie de Lovecraft L'Etrange Maison haute dans la brume (1926)
Cette nouvelle se déroule dans la cité de Kingsport, un lieu de première importance dans la mythologie lovecraftienne. Mais, une fois n'est pas coutume, l'horreur n'est pas véritablement au rendez-vous. Il y est plutôt question de magie, d'onirisme. La présence dans la nouvelle de Nodens, dieu devenu par la suite un Grand Ancien, est quelque peu surprenante dans une histoire de Lovecraft, ce dieu celte s'éloignant fortement des inventions du maître de l'horreur.
Cette nouvelle n'est pas sans rappeler les pérégrinations oniriques de Randolph Carter.
On retrouve dans L'Etrange Maison haute dans la brume, le personnage central de la nouvelle Le Terrible Vieillard, ici dans un petit rôle.
 
couverture anglo-saxonne pour La Couleur tombée du ciel d'H.P. Lovecraft La Couleur tombée du ciel (1927)
Lovecraft signe ici l'une des ses nouvelles les plus connues, et les plus emblématiques de son travail de révolution du genre dans le mélange de l'horreur et de la science-fiction. Il s'agit accessoirement de la nouvelle favorite de l'auteur. Elle fit d'ailleurs partie du premier recueil paru en France, préfacé par Jacques Bergier, grand défenseur du Reclus de Providence, et ce, dès les premières heures.
Dans la couleur tombée du ciel Lovecraft a cherché non seulement à créer une entité véritablement extra-terrestre, au delà de notre compréhension, mais aussi à fusionner les deux genres que sont l'horreur et la science-fiction, cette dernière dans son acceptation première, à savoir scientifique et d'anticipation. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce double pari est réussi. Rares seront par la suite les auteurs à réussir à imaginer des entités extra-terrestres aussi différente de notre univers (on pourrait citer comme rare contre exemple le Frank Herbert de l'étoile et le fouet). Chez Lovecraft l'entité est pour ainsi dire indéfinie physiquement (une couleur inconnue, ce qui est d'une impossibilité scientifique absolue mais fonctionne à merveille dans un récit); il est très difficile de déterminer si elle est pensante ou pas (est-ce seulement une Intelligence), et, plus frappant encore, personne, et surtout pas l'auteur, ne peut dire quelles sont ses motivations ou ses buts. L'horreur, progressive mais omniprésente, vient non seulement de l'incompréhension face à l'inconnu, mais aussi de l'inefficacité de la part des être humains à lutter contre cette entité. Et la fin, laissant entendre qu'elle est peut-être toujours là, tapie au fond du puits, fait planer le doute quand à son possible retour, d'autant plus horrible que la vallée où elle se terre va bientôt être recouverte d'un lac artificiel (pour rappel son mode de contagion passe par l'eau du fameux puits).
Lovecraft laisse place ici à tout son matérialisme. Nulle trace d'une quelconque magie, ou de croyances obscures et maudite, ce qui en cela éloigne la couleur tombée du ciel des autres nouvelles du mythe de Cthluhu, et ce même si, par de nombreux côtés (et en particulier le danger et l'horreur venant de l'espace) elle est clairement de la même mouvance thématique. A la place, la science y tient une place prépondérante, et son inefficacité n'est pas un aveu de la part de Lovecraft quand à un manque de confiance dans la science, mais bien au contraire, le fait que même la science, dernier recours face à l'obscurantisme, ne peut rien face à de telles manifestations. Lovecraft donne suffisamment la part belle aux expérimentations et analyses scientifiques pour prouver la confiance qu'il pouvait avoir dans la science.
Cette nouvelle, tombée depuis dans le domaine public (comme nombre d'écrits de l'auteur) a été adapté à plusieurs reprises au cinéma. Officiellement en 1965 par Daniel Haller sous le titre le messager du diable (avec Boris Karloff en tête d'affiche), puis en 1987 par David Keith sous celui de The Curse, mais aussi officieusement avec des films comme danger planétaire (Irvin Yeaworth, 1958, avec un tout jeune Steve McQueen en tête d'affiche) et ses suites et remakes, dont le Blob (Chuck Russell, 1988).
 
L'Affaire Charles Dexter Ward L'Affaire Charles Dexter Ward (1927)
Il s'agit de l'un des rares romans écrit par l'auteur, ainsi que l'une de ses œuvres les plus connues.
 
L'Affiche du film Horreur à volonté (Daniel Haller), adaptation de l'Abomination de Dunwich L'Abomination de Dunwich (1928)
L'un des plus grands textes de son auteur, détaillé ici
 
Dessin d'artiste représentant la nouvelle de Lovecraft, Celui qui chuchotait dans les ténèbres Celui qui chuchotait dans les ténèbres (1930)
Celui qui chuchotait dans les ténèbres est une nouvelle très bien conçue d'un point de vue narratif, en particulier dans la gestion de la montée de la tension et du suspense. Si l'histoire commence comme une pure histoire de science-fiction -avec il est vrai un entrelacement fort avec les histoires légendaires de forêts hantées, elle dérive peu à peu vers l'horreur lovecraftienne, le tout avec une impression d'impuissance (le héros et le protagoniste au cœur des événements mystérieux, le professeur Akeley ne communiquent que de façon épistolaire, créant ainsi un sentiment de passivité de la part du lecteur, dont l'identification se fait avec le narrateur). Et lorsque le héros se rend enfin sur place, les lieus et les enjeux sont déjà connus, plongeant le lecteur et le narrateur dans l'oppression, le mystère et l'horreur. Et la conclusion de la nouvelle de placer celle-ci parmi les plus réussies de Lovecraft.
Si aujourd'hui le concept du cerveau survivant loin de son corps est devenu un véritable cliché de la science-fiction, ce n'était pas le cas en cette année 1930, et Lovecraft faisant à ce moment preuve d'une audace thématique passionnante, et ce même s'il ne faut pas le premier à avoir cette idée (le scientifique J.D. Bernal, dès 1929, avançait la possibilité théorique de séparer et de conserver opérationnel un cerveau).
Celui qui chuchotait dans les ténèbres a inspiré Brian Yuzna dans son segment Whispers du film Necronomicon, en s'éloignant toutefois de la suggestion pour se complaire dans le gore, une approche pourtant inverse à celle de Lovecraft, le moins que l'on puisse dire étant que l'auteur était peu friand d'horreur démonstrative.
 
Dessin d'artiste représentant la nouvelle de Lovecraft, Les Montagnes hallucinées Les Montagnes hallucinées (1931)
Cette nouvelle est en quelque sorte la version enrichie de la cité sans nom; en effet, on retrouve dans les deux cas un archéologue qui découvre une cité perdue, cachée dans une région inaccessible (un désert dans un cas, l'Antarctique dans l'autre), et apprendra en étudiant les œuvres d'art qui s'y trouvent que celle-ci avait été construite par des créatures pré-humaines, des éons avant que l'homme n'apparaisse sur Terre. De plus, dans les deux histoires, le héros découvrira que cette cité est loin d'être inhabitée, les bâtisseurs ayant survécu au temps, et qu'ils sont loin d'être amicaux à l'encontre des humains.
Les origines des montagnes hallucinées est à chercher à divers endroits. Tout d'abord, dans l'intérêt que portait Lovecraft dans l'Antarctique, peut-être l'une des dernières régions non encore explorées sur Terre. L'expédition de Richard Evelyn Byrd entre 1928 et 1930 (soit un an avant l'écriture de la nouvelle) n'est bien entendu pas négligeable en termes d'inspiration. De plus, il faut savoir que Lovecraft avait le froid en horreur, et quoi de mieux pour exorciser son aversion que d'en faire une histoire (ce qui sera une constante chez l'auteur). La nouvelle doit aussi beaucoup à l'un des maîtres du Reclus de Providence, à savoir Edgar Allan Poe, en particulier via son roman Les Aventures d'Arthur Gordon Pym (que Lovecraft cite textuellement dans les montagnes hallucinées). Cette influence ira jusqu'au fameux cri horrifique au centre de la nouvelle, Tekeli-li, directement tiré des écrits d'Edgar Poe.
Comme pour ainsi dire toujours chez l'auteur, le récit ne compte que des hommes, la femme n'ayant (et ce n'est pas par sexisme) pas de place dans l'œuvre de Lovecraft. De plus, tous ces hommes sont des scientifiques, travaillant pour l'Université de Miskatonic, et, cerise sur le gâteau, ont pour ainsi dire tous lu le Necronomicon. Mais qui, dans l'œuvre de Lovecraft, n'a pas lu le Necronomicon?
Les Montagnes hallucinées se différencie cependant des autres récits de l'auteur, déjà par sa longueur, mais aussi et surtout en abordant le genre d'un point de vue scientifique, faisant de ce texte le plus rationnel de toute l'œuvre d'H.P. Lovecraft, allant même jusqu'à pour ainsi dire démythifier ce que d'aucuns appelleront le Mythe de Cthulhu. En effet, Lovecraft aborde son récit comme un compte-rendu effectué par un scientifique, Dyer (que l'on retrouvera dans une autre nouvelle de l'auteur, dans l'abîme du temps), avec tout ce que cela implique de faits bruts, totalement éloigné des habituels envolées ésotériques de l'auteur. Mais plus important encore, les descriptions sont ici explicites, en particulier celles des créatures, les Anciens, mesurées, disséquées, et surtout décrites, un fait rarissime chez l'auteur, plus habitué aux ellipses et aux allusions. De plus, dans ce récit se trouve sans doute l'une des très rares descriptions que l'on pourrait qualifier de gore de toute l'œuvre de Lovecraft (la description du carnage dans le camp, suite au réveil des Anciens).
En s'éloignant de son côté fantastique pour se tourner vers un récit plus science-fictionnel, en tout cas dans le fond si ce n'est dans la forme, Lovecraft brouille aussi les pistes quand à sa cosmogonie, ou en tout cas l'aborde avec un angle différent de ce à quoi ses lecteurs pouvaient s'attendre. En effet, les créatures peuplant l'univers de l'auteur sont ici clairement définies comme des entités extra-terrestres, y compris les "dieux", Cthulhu, Azathoth, Nayrlathotep, et autres Yog-Sothoth en tête, tout comme le sont les Anciens, et même les monstrueux Shoggoths. De plus, et c'est surtout là où Lovecraft vient détromper tout le monde, toutes les créatures ne sont pas de monstrueuses entités, malignes et obscènes. Sans tomber dans le manichéisme de son successeur, August Derleth, Lovecraft nous décrit des créatures, les Anciens (tout comme les Mig-Go de la nouvelle Celui qui chuchotait dans les ténèbres), certes totalement inhumains, y compris dans leur façon de penser, qui peuvent en effet s'avérer dangereux pour les être humains, mais qui n'en restent pas moins des créatures non diaboliques, combattants les Grands Anciens et leurs séides. Et pour nous le faire comprendre, Lovecraft fait une description clinique des créatures (lui qui nous avait habitué aux flou artistique et aux insinuations dans des descriptions), les démystifiant par la-même, en les rendant tangibles. Une autre race, certes différente, mais finalement loin d'être monstrueuse, et ce même si elle peut s'avérer dangereuse. D'ailleurs, il agira totalement différemment avec le Shoggoth, quand à lui typiquement lovecraftien, donc horrifiant.
Avec les Anciens, Lovecraft prouve que sa cosmogonie est loin d'être unilatérale, et présente différents facettes qu'il est à priori difficile de faire cohabiter (les rêves, les "Dieux", les entités extra-terrestre, ...). Et pourtant, avec les montagnes hallucinées il arrive à faire se rejoindre toutes ses idées, en les liants toutes entre elles de façon originale et terriblement efficace. Ainsi peuvent se croiser des créatures intrinsèquement mauvaises et impies, telles que les Grands Anciens et leurs serviteurs, tels que Ceux des Profondeurs, des entités dangereuses de par leur différence même, telle la Couleur tombée du ciel, et d'autres moins dangereuses, tels que les Mi-Go ou les Anciens.
Ceux-ci, venant des fins fonds de l'univers, et ayant colonisé la Terre bien avant l'apparition de l'être humain, est plus ou moins à l'origine de deux mouvances ufologistes et pseudo-scientifiques: Les Anciens Astronautes d'un côté, rendus célèbres par des auteurs comme Jacques Bergier (l'un des "découvreurs" de Lovecraft en France) ou bien encore Erich von Däniken; et le mythe des cycles dans l'évolution des civilisations, la notre se trouvant dans un creux évolutif, des civilisations plus florissantes et évoluées nous ayant précédés.
Enfin notant que cette nouvelle annonce clairement que la magie, si présente dans les textes de Lovecraft, n'a rien de surnaturel, et qu'elle n'est que le reflet d'une science inconnue des humains, voir trop complexe pour être seulement appréhendée par l'homme.
Si aujourd'hui les montagnes hallucinées est vu comme l'un des textes majeurs de Lovecraft, il n'en fut pas mois refusé par Weird Tales, car jugé trop long. Il finira par sortir, quatre ans plus tard, dans un autre magazine, Astounding Stories.
Si cette nouvelle n'a à ce jour toujours pas été adapté au cinéma (le réalisateur Guillermo del Toro s'y attèle sans succès depuis des années déjà), on la retrouve en source d'inspiration dans deux œuvres du cinéaste John Carpenter: The Thing tout d'abord, et ce même si celui-ci est l'adaptation d'un nouvelle de John W. Campbell, La Bête d'un autre monde; ainsi que dans l'Antre de la folie, dont le titre anglais, In the mouth of madness est un hommage au titre anglais de la nouvelle, At the Mountains of Madness.
 
Version anglo-saxonne du Cauchemar d'Innsmouth Le Cauchemar d'Innsmouth (1931)
Le Cauchemar d'Innsmouth a connu un étrange destin. Ecrite en 1931, cette nouvelle déplut à son auteur, qui refusa de la publier. Son ami August Derleth la proposa pourtant à Weird Tales, qui la refusa, en raison de sa longueur. Elle sortira finalement, en version court roman, quatre ans plus tard, soit après la mort de son auteur (il s'agit de la seule nouvelle à ne pas avoir connu de parution du vivant de Lovecraft), avant de sortir en version expurgée dans Weird Tales en 1942. Aujourd'hui, elle est considérée comme l'une de ses nouvelles les plus réussies.
Comme bien souvent, H.P. Lovecraft a puisé son inspiration dans ses lectures. Ici, il s'agit des nouvelles Le chef de port de Robert W. Chambers (1904), Face de poisson d'Irvin S. Cobb (1911), ainsi que Dans l'abîme d'H.G. Wells (1896). Mais loin de plagier ses prédécesseurs, Lovecraft en tirera quelque chose d'unique.
Le récit se découpe en cinq chapitres, chacun faisant monter l'angoisse pour atteindre son paroxysme dans le dernier. Le premier nous prépare aux évènements, nous annonçant que l'armée était intervenue dans une petite ville de pêcheurs, Innsmouth, et qu'elle avait sans doute torpillée un petit récif au large de celle-ci. Le narrateur, Robert Olmstead, est sans doute le seul à savoir pourquoi. Le second chapitre revient sur les raisons qui ont poussées le jeune homme à passer par la ville D'Innsmouth, son arrivée dans la ville, ainsi que son enquête préalable quand aux raisons qui pousse les habitants des villages alentours à éviter la mystérieuse petite ville côtière. Le troisième chapitre est centré autour du récit de Zadok Allen, un alcoolique et SDF, qui connaît toutes les histoires et légendes d'Innsmouth, et qui racontera à Robert Olmstead l'horrible pacte passé par la capitaine Obed Marsh. Le quatrième et avant dernier chapitre plongera le lecteur dans la nuit d'horreur que vivra le narrateur dans le petit village, où sa vie et sa santé mentale seront mis en cause. Dans le dernier chapitre, échappant aux habitant dégénérés d'Innsmouth, Robert Olmstead reviendra sur un épilogue qui commencera de façon classique, c'est à dire en faisant retomber la pression, avant de venir écraser le héros, lors d'un twist mémorable, avec une malédiction familiale remettant en parie le récit en cause, offrant au Cauchemar d'Innsmouth l'une des fins les plus mémorables de toute l'œuvre de l'auteur.
Si le récit est si efficace, c'est sans doute parce que Lovecraft a su créer un lien d'identification entre le narrateur et le lecteur, en rendant le personnage central palpable. Et si Robert Olmstead apparaît comme une transposition littéraire de l'écrivain (même goûts vestimentaires et culinaires, même mode de vie solitaire,...) ce n'est sans doute pas un hasard.
Lovecraft offre ici une double dose d'horreur, la première venant pour ainsi dire faire oublier la première. En effet, après nous avoir décrit le calvaire que subit le héros durant cette nuit funeste, la conclusion, où l'on apprend l'ascendance Marsh du héros, ainsi que sa transformation, affichant rapidement le fameux "masque d'Innsmouth", offre une version non seulement horrifique du destin du jeune homme, mais aussi, de part son changement de comportement, d'horreur quand aux implications (absence de libre choix, destin incontrôlable, ...).
Si Lovecraft fait de la ville d'Innsmouth un personnage à part entière (preuve en est les dessins de celle-ci que l'auteur en fit), la nouvelle doit son efficacité du talent de l'écrivain à jouer avec de nombreuses peurs, pour la plupart ressenties par Lovecraft: peur de la mer, peur de la dégénérescence (et par répugnante association d'idée, peur et haine des étrangers), peur de la foule, auxquelles on peur rajouter la peur liées aux cauchemars dont on ne peut s'éveiller (la fuite sans fin est un cauchemar classique des angoissés), ainsi bien entendu que la peur typiquement lovecraftienne liée au monstre se cachant derrière une apparence à priori humaine. Ici, il s'agit des hybrides humains/Profonds, mais on retrouve cette idée dans des nouvelles telles que Celui qui chuchotait dans les ténèbres, l'Abomination de Dunwich, ou bien encore le festival.
Preuve de son impact, Cette nouvelle a été adaptée à de nombreuses reprises, en particulier au cinéma. De façon plutôt fidèle, avec Dagon de Stuart Gordon en 2001; de façon tordue (approche gay du genre!) avec le Cthulhu de Daniel Gildark, réalisé en 2007. Enfin, de façon plutôt éloignée avec le Lemora de Richard Blackburn, réalisé en 1973, avec des vampires en lieu et place de Ceux des Profondeurs.
 
L'étrange rat de la maison de la sorcière La Maison de la sorcière (1932)
La Maison de la sorcière est considérée comme l'une des écrits les moins réussis de Lovecraft. A tel point que l'ami de l'auteur, August Derleth lui en parlera, au point de faillir mettre un terme à la carrière de nouvelliste de son ami. Alors même que celui-ci, honteux vis à vis de son travail, ne voulait pas la faire paraître, August Derleth le proposa au magazine Weird Tales qui la publia. Ce qui n'empêcha pas la nouvelle de continuer à être critiquée. Et encore aujourd'hui, elle continue à avoir mauvaise presse.
Il faut bien avouer que vis à vis des grands textes de l'auteur, cette nouvelle fait pâle figure, tant dans son déroulement, assez peu surprenant, que dans ses ambitions narratives, somme toutes très classiques. L'une des seules véritables bonnes idées est d'avoir voulu rapprocher sorcellerie et science, au point de faire rejoindre l'un et l'autre pour qui sait transcender les connaissances humaines. En cela, La Maison de la sorcière rappelle les idées de l'auteur que l'on peut retrouver dans des histoires comme les montagnes hallucinées. A ceci prêt que l'auteur revient sur son idée de base en faisant fuir sa sorcière devant un crucifix, un cas unique dans l'œuvre de Lovecraft, qui a ici bien du mal à s'expliquer.
Le héros, typique mâle étudiant à l'Université Miskatonic, est, comme souvent chez l'auteur, d'une neutralité volontairement affligeante (ce qui permet une identification plus simple de la part du lecteur). Si l'on rencontre dans cette histoire l'une des rares femmes lovecraftienne, la sorcière Keziah Mason, elle est à la fois laide, dangereuse, pour ainsi dire hors du temps, et corps et âme au service des créatures démoniaques, en particulier l'Homme Noir (sans doute Nyarlathotep). Elle est affublée de son familier, pour le coup un personnage réussi car notable, le rat à visage humain Brown Jenkins. Et si la nouvelle réserve un twist (encore un héros lovecraftien qui finit mal!), cette fin ne viendra pas faire oublier la fadeur d'une nouvelle au potentiel pourtant intéressant (des voyages outre-dimension grâce à la compréhension de la science quantique).
August Derleth en écrira un plagiat en 1957 sous le nom de L'héritage Peabody Cette nouvelle fut adaptée en 2005 par Stuart Gordon pour la télévision pour la série Masters of Horror.
 
Version anglo-saxonne du Monstre sur le seuil Le Monstre sur le seuil (1933)
Cette nouvelle est l'une des dernières écrites par Lovecraft. Elle est aussi considérée comme l'une de ses moins bonnes, marquant une sorte de tarissement en termes d'inspiration, à laquelle il manque le rythme et l'originalité qui ont fait la marque de fabrique de l'auteur de nouvelles comme le cauchemar d'Innsmouth (une nouvelle qui possède un lien étroit avec le monstre sur le seuil), les montagnes hallucinées, ou bien encore la couleur tombée du ciel. Et ce malgré un début de texte explosif, où le narrateur explique qu'il a tué son meilleur ami mais qu'il ne se considère pas comme son meurtrier.
Le monstre sur le seuil a bien du mal à masquer ses défauts, en particulier son manque de nouveauté, autant vis à vis de la concurrence que par rapport aux autres textes de son auteur. Quand au "mythe de Cthulhu", la nouvelle faisant clairement partie de cet ensemble de textes lovecraftiens, rien de nouveau n'en ressort.
A un détail prêt: la femme: les textes de Lovecraft sont avares en femmes, en particulier les femmes séduisantes, Le Monstre sur le seuil étant peut-être le seul à en faire intervenir une, qui plus est centrale au récit, à savoir Asenath Waite Derby. Si à priori cet apport nouveau aurait pu (du?) apporter du sang neuf, le résultat s'avère quasiment dévastateur. En effet, ici Lovecraft a bien du mal à cacher sa misogynie, décrivant la femme comme inférieure intellectuellement parlant à l'homme, bonne uniquement à être utilisée par ce dernier. Après le racisme, une autre facette sombre du personnage est clairement mise à jour dans un texte.
Le narrateur, Daniel Upton, est loin d'être le personnage principal du récit. Il n'en est en fait que le rapporteur, et son utilité est essentiellement de faire contrepoids avec le principal protagoniste de l'histoire, Edward Pickman Derby. Ainsi, si les deux personnages sont mariés (un fait là aussi extrêmement rare dans l'œuvre de Lovecraft), l'un a fait un mariage heureux (il n'est donc que très brièvement survolé dans le récit, dans le seul but de faire apparaître plus clairement les problèmes d'Edward Derby), l'autre ferra donc un mariage catastrophique, voir horrifique. Toute l'histoire tourne donc autour d'Edward Pickman Derby et son étrange femme Asenath.
Derby est clairement une projection littéraire de l'auteur (ceci est particulièrement évident avec la description de l'enfance maladive du personnage, pratiquement un décalque de celle de Lovecraft). Et ce jusqu'à un mariage difficile, où les deux parties semblent vivre dans des mondes différents. Et lorsque l'on sait que la nouvelle a été écrite alors que le divorce entre Lovecraft et Sonia Greene a été entériné, après une séparation de fait depuis plusieurs années, on se dit que l'image que se fait l'écrivain de son ex-femme n'est pas très belle.
Et pourtant, entre Asenath Waite et Edward Pickman Derby, tout comme dans l'histoire Greene/Lovecraft, tout semblait bien commencer, Asenath étant même décrite comme séduisante (un fait unique dans l'œuvre de Lovecraft). Ce physique avenant est à peine contrebalancé par quelques défauts qui, pour les habitués du Reclus de Providence, renvoient directement aux Hybrides qui peuplent le cauchemar d'Innsmouth (et annonçant ainsi dès les premières pages des problèmes clairement monstrueux). Rapidement, Asenath va s'avérer bizarre. Très bizarre même, puisque faisant preuve d'un côté masculin pour ainsi-dire contre-nature (assimilé par Lovecraft à l'intelligence, la force de caractère, l'indépendance, et autres traits accusant franchement l'auteur comme machiste misogyne). Et finalement, Asenath d'apparaître comme étant une apparence trompeuse, non pas comme le professeur Akeley dans Celui qui chuchotait dans les ténèbres, mais une simple marionnette, habitée par l'âme d'un autre, son père, le terrifiant Ephraim Waite. Une idée qui sera reprise de façon plus inspirée dans son avant-dernière nouvelle, Dans l'abîme du temps (qui, soit dit en passant, sera publiée avant Le Monstre sur le seuil), et qui avait déjà été traitée dans l'un de ses plus grands textes, L'Affaire Charles Dexter Ward.
Le Monstre sur le seuil s'avère donc décevante sur plus d'un point: narrativement faible, avec un suspense pour ainsi dire quasiment inexistant (avec cependant un début et un climax plutôt réussis), ressassant des thèmes déjà traités auparavant en mieux (les hybrides de Ceux des Profondeurs, par exemple, mais aussi les sorciers cherchant à vaincre leur mortalité, comme dans La Maison de la sorcière), et dévoilant des faces désagréables de son auteur. Et les seules idées un tant soit peu originales, elles seront mieux ailleurs (le transfert d'esprit).
 
Les créatures de la nouvelle Dans l'abîme du temps Dans l'abîme du temps (1935)
Cette nouvelle, déjà á l'époque considérée comme l'une des toutes meilleures de son auteur, est l'avant-dernière nouvelle écrite sous son nom (il a par la suite servit de nègre à Kenneth Sterling pour sa nouvelle Dans les murs d'Eryx et à R. H. Barlow pour Night Ocean) par H.P. Lovecraft, entre novembre 1934 et février 1935. Elle sera publiée pour la première fois en juin 1936 dans le magazine Astounding Stories. Ce texte peut être considéré comme une sorte de suite aux montagnes hallucinées, non seulement parce que l'on retrouve cité le héros de cette nouvelle, William Dyer, mais aussi est surtout car dans l'abîme du temps reprend les thèmes des montagnes hallucinées et les développe. Sans s'éloigner tout à faire de son genre de prédilection, l'horreur, ce texte serait pourtant plus à classifier (si tant est que l'on ait besoin de le faire) dans la catégorie science-fiction. En effet, Lovecraft aborde l'histoire de façon très descriptive, aussi bien en ce qui concerne l'architecture (l'amour de l'auteur pour les pierres et les monuments est évident à la lecture de son œuvre) qu'en ce qui concerne les créatures, décrites ici de façon extrêmement détaillée, aussi bien d'un point de vue anatomique que culturel, historique, et social. Nous sommes loin des suggestions et autres absences de description qui abonde lorsqu'il se penche sur le cas de ses Grands Anciens. Car ce qui intéresse l'auteur ici ce n'est pas l'horreur d'une rencontre impie, mais bien de mettre l'homme face à l'infini du temps et de l'espace, relativisant la place de celui-ci dans l'univers, au point de confronter le lecteur, et ce sans jamais en parler, au concept même de dieu, un concept qui n'a plus de sens lorsqu'on regarde l'espace-temps avec du recul, comme le font les membres de la Grande-Race.
L'athéisme de Lovecraft est omniprésent dans ses textes, mais celui-ci est peut-être celui où c'est le plus visible, tant le concept de religion perd ici tout son sens. L'homme ne représentant plus qu'une poussière dans l'immensité de l'univers, il est tout à fait envisageable et c'est ce que fait Lovecraft) d'imaginer des entités intelligentes ayant vécu avant nous, et surtout d'autres à venir. Cette thématique trouvera un écho et une nouvelle jeunesse quelques années plus tard avec le boom de l'ufologie et des civilisations oubliées.
Ce qui rend cette nouvelle horrifique est donc le constat déprimant de la place de l'homme dans l'univers, le tout sur fond, mythe de Cthulhu oblige, de danger tapi au fin fond d'un espace-temps incompréhensible de l'homme, et qui causera la fin de la Grande Race, et, peut-être aussi de l'homme. De toute façon, le temps de l'Homme passera, et d'autres formes de vie, peut-être même plus intelligente et adaptées, prendront le relais, y compris sur Terre. De ce point de vue là, dans l'abîme du temps est encore plus efficace que les montagnes hallucinées, cette dernière étant quand à elle plus viscérale, avec à la clé, en guise de climax, une pure créature lovecraftienne.
 
Celui qui hantait les ténèbres Celui qui hantait les ténèbres (1935)
Cette nouvelle est typique du mode de fonctionnement de Lovecraft en termes d'hommage et d'écriture. D'hommage car l'auteur a toujours glissé des références plus ou moins évidentes à ses amis et proches dans ses nouvelles. Et d'écriture car, non content d'être typique du style ampoulé (et ce jusque dans ses défauts) de l'écrivain, il est aussi typique de son goût pour lier entre elles toutes ses nouvelles, ainsi que celles de ses amis. Ici, le clin d'œil est fait à Robert Bloch, au travers du personnage de point de vue Robert Blake. La nouvelle est la suite du tueur stellaire, écrite par Bloch en 1935, dans laquelle un personnage clairement identifiable à Lovecraft y trouvait la mort. Robert Bloch donnera une suite à celui qui hantait les ténèbres en 1950 sous le titre l'ombre du clocher. Lovecraft rend donc ici la monnaie de sa pièce au père de Psychose en le tuant à son tour.
La créature qui se tapit au fond de la fameuse boite mystérieuse n'est jamais décrite, laissant le lecteur dans l'inconnu, une technique redoutable d'efficacité. Tout au plus est-elle identifiée comme pouvant être un probable avatar de Nyarlathotep. L'idée est plutôt intéressante en soi. Mais pourquoi un homme en proie à l'effroi, qui plus est dans le noir, irait décrire sur papier ses dernières impressions? Bien sur, d'un point de vue narratif, cela fonctionne à la perfection, mais cela n'est pas crédible d'un point de vue logique.
Celui qui hantait les ténèbres, sans être une mauvaise nouvelle, est très loin d'être l'une des meilleures de son auteur, y compris comparée à ses nouvelles hors mythe de Cthulhu.
 
Le Necronomicon d'après H.P. Lovecraft Histoire du Necronomicon (1927)
Petit texte à usage des fans uniquement, puisque relatant l'histoire du Necronomicon, ouvrage fictif inventé par H.P. Lovecraft, et que l'on retrouve dans nombre de ses nouvelles.
L'auteur, se rendant compte de l'ambiguïté lié à l'éventuelle existence du livre maudit, émettra l'idée auprès de ses amis qu'un jour certains penseront que le livre existe vraiment. Et quoi de plus satisfaisant pour un écrivain de voir ses histoires prises au sérieux au point de les croire vraies! Surtout lorsqu'elles touchent au pur fantastique comme se fut le cas pour Lovecraft.

 

 


 
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