![]() |
Retour à la section dédiée au cinéma. |
|
![]() |
Césars |
catégorie |
Année | Gagnant
|
Meilleurs décors | 2005 | Jean-Pierre Fouillet |
![]() Enki Bilal est l'un des artistes français les plus talentueux de sa génération. Dessinateur et scénariste de génie, ses B.D. sont mondialement connues et sont parmi les plus vendus en France. Il passe derrière la caméra en 1989 (Bunker Palace Hôtel), puis récidive en 1966 (Tykho Moon). Deux films qui ne connaîtront qu'un vague succès d'estime. Lorsqu'il annonce le lancement de son prochain film, Immortel, tiré de son œuvre la plus connue, la trilogie Nikopol, le public est partagé: D'un côté ceux qui pensent que ce film sera comme les précédents, et d'un autre ceux qui estiment que l'artiste travaille là en terrain connu. Surtout que pour ce film, le voilà nanti d'un budget confortable, de 22 millions d'euros, soit son film le plus cher. De quoi laisser libre court à son imagination débordante, et qui sait, enfin rendre hommage aux planches de ses bandes dessinées. ![]() ![]() L'adaptation pure et simple de sa trilogie étant impossible, Bilal décide de se concentrer sur les deux premiers volumes, La foire aux immortels et la femme piège, écrite respectivement en 1980 et 1986. Il refond pratiquement totalement l'histoire, ne gardant que les éléments les plus notables: Jill, la femme aux larmes bleues, Nikopol le prisonnier politique enfermé depuis 30 ans en cryogénie, les dieux égyptiens et leur pyramide flottant au dessus d'une mégapole futuriste habitée par des humains et des mutants, un régime totalitaire (une enfance dans les dictatures politiques de l'Est ne s'oublie pas facilement), et quelques autres idées (les dieux jouant au Monopoly par exemple). Une des différences majeures, et notables dès les premières images, est l'emplacement même de l'histoire. Tandis que la B.D. prenait place à Paris, le film se déroule à New-York, bien plus vendeur pour qui compte s'attaquer à l'international, et en particulier aux U.S.A. Jill passe de journaliste à femme sans passé et sans souvenir, cobaye des expérimentations du docteur Turner désireuse d'en savoir plus sur cette mutante unique. La symbiose entre Nikopol et Horus, quand à elle, reste identique de celle de la B.D. Même si l'histoire change dans les grandes lignes, Bilal cherche avant tout à donner vie aux personnages et aux cases de sa bande dessinée, et pour y parvenir, il ne voit qu'un seul moyen, faire appel à l'infographie, pas seulement pour les détails, mais pour l'ensemble du film. Ainsi, très vite, il sera décidé de n'avoir pratiquement aucun acteur réel, sauf quelques exceptions correspondant aux personnages centraux de l'histoire, et de tout tourner en C.G.I. Résultat, des pans entiers de la B.D. se retrouveront à transposés l'écran, comme par exemple la première rencontre entre Horus et Nikopol dans une métropole désaffectée. A la vue de ces quelques images, les fans ont de quoi saliver! ![]() ![]() Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le casting, quoique limité en nombre d'acteurs, n'est pas forcement aisé, et en particulier pour les deux acteurs principaux, Jill et Nikopol. Enki Bilal, les ayant côtoyés pendant des années, a une idée ancrée en lui de à quoi doivent ressembler les deux futurs amants. D'ailleurs, le public aussi. Il est donc important de trouver deux personnes dont la ressemblance avec les héros de la B.D. soit évidente. Mais plus important encore, ils doivent savoir jouer la comédie, et de plus il faut qu'il se créé une alchimie entre les deux acteurs, rendant leur relation à trois crédible et intéressante. Pour Jill, ce sera l'ex miss France Linda Hardy qui sera choisie, Enki Bilal ayant été agréablement surpris par le charisme et l'énergie de la jeune femme. Après une petite séance de maquillage, la voilà transformée en une Jill plus vraie que nature (enfin que papier). Le choix de la belle est indéniablement l'une des grandes forces de ce film. Le seul défaut que l'on puisse lui trouver est une certaine ressemblance (en particulier dans le jeu) avec la Leeloo du Cinquième Élément de Luc Besson, incarnée par une Milla Jovovich encore jeune dans le métier, tout comme l'est Linda Hardy au moment du tournage d'Immortel. On pourrait trouver d'autres points communs entre les deux personnages, comme l'innocence, le côté unique dans l'univers, la couleur particulière des cheveux (orange pour l'une, bleue pour l'autre),... Pour Nikopol, un autre problème se pose. Enki Bilal, pour créer le personnage qui donnera son nom à la trilogie, s'était inspiré d'un acteur, le suisse Bruno Ganz, maintenant bien trop vieux pour tenir le rôle de Nikopol. Difficile de se séparer de l'image de l'acteur lors des castings. Finalement, le choix du cinéaste se portera sur l'un des acteurs montants du moment, l'allemand Thomas Kretschmann, remarqué dans le pianiste de Roman Polanski. De façon assez amusante, Bruno Ganz et Thomas Kretschmann se retrouveront à l'affiche ensemble, la même année, dans la chute, du cinéaste allemand Oliver Hirschbiegel. Les deux acteurs se révéleront un choix excellent, leur couple fonctionnant à merveille à l'écran. Et lorsque le troisième larron, Horus (Thomas M. Pollard) entre en scène, l'alchimie entre les acteurs fonctionne encore mieux. Toute la partie Jill/Nikopol/Horus est de loin ce qui fonctionne le mieux dans le film. Film pensé pour se vendre à l'international, Immortel, Ad Vitam se devra donc d'être tourné en anglais. Mis à part Charlotte Rampling, britannique et donc parlant anglais pour le moins couramment, tous les autres acteurs seront doublés. Seuls les passages en égyptien ancien (enfin en égyptien ancien approximatif) et une scène en français, ne seront pas doublés dans la langue de Shakespeare. ![]() ![]() Fourmillant d'idées à chaque seconde, aussi bien d'un point de vue visuel que narratif, Immortel, Ad Vitam est d'une richesse thématique assez rare. Résultat le film n'est pas sans rappeler d'autres productions internationales. Et contrairement aux apparences, ce n'est pas forcément celui que l'on croit qui s'est inspiré de l'autre.... ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() On voit que nombreux sont les films à avoir puisés dans l'imagerie d'Enki Bilal, certains de façon plus ou moins consciente. De son côté, Bilal a moins de mal à reconnaître ses influences, bien au contraire. D'ailleurs, il fait citer à son héros, Nikopol, des vers de Charles Baudelaire (poème Une charogne), prouvant que sa culture ne s'arrête pas au cinéma. De la même façon, on retrouve dans la littérature moderne de nombreux récits rappelant l'univers d'Enki Bilal, ou en tout cas s'en approchant suffisamment pour être noté. Ainsi, dans la voie des Furies, de l'auteur américain David Weber, on retrouve une divinité (grecque dans le roman contre égyptienne dans la B.D. et le film) en symbiose avec le héros, et l'aidant à accomplir son destin. Dans le même genre d'idée, Dan Simmons, l'auteur de l'échiquier du mal, dans son diptyque Ilium/Olympos, fait des dieux grecs des habitants de la planète Mars, jouant avec les humains pour faire revivre la guerre de Troie, comme Anubis et Bastet jouent au Monopoly avec les humaines dans Immortel. ![]() ![]() Le film d'Enki Bilal est l'un des tous premiers films, et en tout cas le premier film français, à utiliser la technique du tournage total sur fond bleu. Cette technique, jusqu'à présent utilisée de façon partielle dans pratiquement tous les films à effets spéciaux, lorsqu'elle est poussée à son paroxysme, met entre les mains des infographistes l'intégrité et la qualité du film. Il n'est plus question de décors, accessoires et autre dépenses souvent très couteuses inhérentes aux films à effets spéciaux jusqu'alors. A l'étranger des films comme le capitaine Sky et le monde de demain (2004), Casshern (2004), Sin City (2005) et plus récemment 300 ont utilisé cette méthode. C'est la société française Duran qui s'est occupé des SFX numérique du film d'Enki Bilal. Entre des décors fabuleux (la ville de New-York, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur) et des personnages en CGI loupés (on les dirait sortis d'un jeu vidéo et non d'un film d'animation), le travail de la société française est en demi-teinte, et joue pour beaucoup dans la déception du spectateur. Le film manque cruellement d'unité de vision. En effet, pourquoi certains personnages sont-ils en CGI et d'autres sont-ils en chair en en os? Pourquoi certains de ces personnages en CGI sont-ils réussis sur certaines scènes et totalement loupés sur d'autres, à tel point que parfois on a du mal à reconnaître les personnages? Un manque de rigueur certain plombe le film. Un exemple flagrant (cette fois-ci imputable non plus aux SFX numérique, mais aux maquillages): Le dayak humanoïde! Ce personnage, censé représenter un danger et susciter la peur est tellement ridicule (on le croirait sorti d'une mauvaise série japonaise des années 80) qu'il prête plutôt à sourire, voir à rire. Si vous avez aimé Immortel (ad vitam), vous aimerez aussi:
|
![]()
Enki Bilal est meilleur dessinateur que réalisateur, cela de fait aucun doute. Même lorsqu'il s'attaque à sa propre oeuvre,
il a beaucoup de mal à obtenir un résultat pleinement satisfaisant. Débordant d'idées géniales, aussi bien visuelles
que narratives, Immortel peine du point de vue SFX à se maintenir au niveau des attentes du public.
Enki Bilal est heureusement conscient des problèmes de son film, à l'inverse de Christophe Gans sur son pacte des loups à la bête en CGI peu crédible, ce qui montre au moins que le cinéaste/dessinateur pose un regard impartial sur son travail. Rien que cela le rend sympathique. L'histoire, elle aussi, pêche parfois par une trop grande complexité, et est par moment très confuse. Dommage, car le film aurait pu être d'une grande qualité si Enki Bilal avait réussi à résoudre ses problèmes d'unité visuelle et de confusion narrative. La prochaine fois sera peut-être la bonne? C'est tout ce que l'on souhaite à l'un des plus grands artistes français! Un site web est dédié au film. Cliquer ici pour le visiter. |