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Immortel (Ad Vitam)

Affiche du film

 


 

Titre original

Immortel (Ad Vitam)

Synopsis

New York, 2095, en pleine campagne électorale. Dans la ville peuplée de mutants, d'extraterrestres et d'humains rééls ou synthétiques, trois noms : Horus, Nikopol et Jill... Trois êtres aux destins convergents dans un monde où tout est truqué : les voix, les corps, les souvenirs. Tout sauf l'amour, qui surgit comme une délivrance...

Genre

Science-Fiction

Année de production

2004

France

Date de sortie en France

24 mars 2004

Réalisateur

Enki Bilal

Musique

Sigur Rós
Goran Vejvoda

 
 

Casting

Acteur
Photo
Rôle
Linda Hardy
Linda Hardy Jill Bioskop
Thomas Kretschmann Alcide Nikopol
Charlotte Rampling Elma Turner
Frédéric Pierrot
Frédéric Pierrot John
Yann Collette Froebe
Paul Bandey Dayaks
Joe Sheridan Allgood

 


 

Nominations

Césars Césars
catégorie
Année
Gagnant
Meilleurs décors2005Jean-Pierre Fouillet

 

 


 

Critique du Film

Note :
 
 
New-York version Enki Bilal (Immortel)

 
Raped by a god

 
Enki Bilal est l'un des artistes français les plus talentueux de sa génération. Dessinateur et scénariste de génie, ses B.D. sont mondialement connues et sont parmi les plus vendus en France. Il passe derrière la caméra en 1989 (Bunker Palace Hôtel), puis récidive en 1966 (Tykho Moon). Deux films qui ne connaîtront qu'un vague succès d'estime. Lorsqu'il annonce le lancement de son prochain film, Immortel, tiré de son œuvre la plus connue, la trilogie Nikopol, le public est partagé: D'un côté ceux qui pensent que ce film sera comme les précédents, et d'un autre ceux qui estiment que l'artiste travaille là en terrain connu. Surtout que pour ce film, le voilà nanti d'un budget confortable, de 22 millions d'euros, soit son film le plus cher. De quoi laisser libre court à son imagination débordante, et qui sait, enfin rendre hommage aux planches de ses bandes dessinées.
 
Immortel (Ad Vitam) et son New-York futuriste   Une couple à trois dans Immortel

 
L'adaptation pure et simple de sa trilogie étant impossible, Bilal décide de se concentrer sur les deux premiers volumes, La foire aux immortels et la femme piège, écrite respectivement en 1980 et 1986. Il refond pratiquement totalement l'histoire, ne gardant que les éléments les plus notables: Jill, la femme aux larmes bleues, Nikopol le prisonnier politique enfermé depuis 30 ans en cryogénie, les dieux égyptiens et leur pyramide flottant au dessus d'une mégapole futuriste habitée par des humains et des mutants, un régime totalitaire (une enfance dans les dictatures politiques de l'Est ne s'oublie pas facilement), et quelques autres idées (les dieux jouant au Monopoly par exemple).
Une des différences majeures, et notables dès les premières images, est l'emplacement même de l'histoire. Tandis que la B.D. prenait place à Paris, le film se déroule à New-York, bien plus vendeur pour qui compte s'attaquer à l'international, et en particulier aux U.S.A.
Jill passe de journaliste à femme sans passé et sans souvenir, cobaye des expérimentations du docteur Turner désireuse d'en savoir plus sur cette mutante unique. La symbiose entre Nikopol et Horus, quand à elle, reste identique de celle de la B.D.
Même si l'histoire change dans les grandes lignes, Bilal cherche avant tout à donner vie aux personnages et aux cases de sa bande dessinée, et pour y parvenir, il ne voit qu'un seul moyen, faire appel à l'infographie, pas seulement pour les détails, mais pour l'ensemble du film. Ainsi, très vite, il sera décidé de n'avoir pratiquement aucun acteur réel, sauf quelques exceptions correspondant aux personnages centraux de l'histoire, et de tout tourner en C.G.I.
Résultat, des pans entiers de la B.D. se retrouveront à transposés l'écran, comme par exemple la première rencontre entre Horus et Nikopol dans une métropole désaffectée. A la vue de ces quelques images, les fans ont de quoi saliver!
 
La foire aux immortels   La femme piège

 
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le casting, quoique limité en nombre d'acteurs, n'est pas forcement aisé, et en particulier pour les deux acteurs principaux, Jill et Nikopol. Enki Bilal, les ayant côtoyés pendant des années, a une idée ancrée en lui de à quoi doivent ressembler les deux futurs amants. D'ailleurs, le public aussi. Il est donc important de trouver deux personnes dont la ressemblance avec les héros de la B.D. soit évidente. Mais plus important encore, ils doivent savoir jouer la comédie, et de plus il faut qu'il se créé une alchimie entre les deux acteurs, rendant leur relation à trois crédible et intéressante.
Pour Jill, ce sera l'ex miss France Linda Hardy qui sera choisie, Enki Bilal ayant été agréablement surpris par le charisme et l'énergie de la jeune femme. Après une petite séance de maquillage, la voilà transformée en une Jill plus vraie que nature (enfin que papier). Le choix de la belle est indéniablement l'une des grandes forces de ce film. Le seul défaut que l'on puisse lui trouver est une certaine ressemblance (en particulier dans le jeu) avec la Leeloo du Cinquième Élément de Luc Besson, incarnée par une Milla Jovovich encore jeune dans le métier, tout comme l'est Linda Hardy au moment du tournage d'Immortel. On pourrait trouver d'autres points communs entre les deux personnages, comme l'innocence, le côté unique dans l'univers, la couleur particulière des cheveux (orange pour l'une, bleue pour l'autre),...
Pour Nikopol, un autre problème se pose. Enki Bilal, pour créer le personnage qui donnera son nom à la trilogie, s'était inspiré d'un acteur, le suisse Bruno Ganz, maintenant bien trop vieux pour tenir le rôle de Nikopol. Difficile de se séparer de l'image de l'acteur lors des castings. Finalement, le choix du cinéaste se portera sur l'un des acteurs montants du moment, l'allemand Thomas Kretschmann, remarqué dans le pianiste de Roman Polanski. De façon assez amusante, Bruno Ganz et Thomas Kretschmann se retrouveront à l'affiche ensemble, la même année, dans la chute, du cinéaste allemand Oliver Hirschbiegel.
Les deux acteurs se révéleront un choix excellent, leur couple fonctionnant à merveille à l'écran. Et lorsque le troisième larron, Horus (Thomas M. Pollard) entre en scène, l'alchimie entre les acteurs fonctionne encore mieux. Toute la partie Jill/Nikopol/Horus est de loin ce qui fonctionne le mieux dans le film.
 
Film pensé pour se vendre à l'international, Immortel, Ad Vitam se devra donc d'être tourné en anglais. Mis à part Charlotte Rampling, britannique et donc parlant anglais pour le moins couramment, tous les autres acteurs seront doublés. Seuls les passages en égyptien ancien (enfin en égyptien ancien approximatif) et une scène en français, ne seront pas doublés dans la langue de Shakespeare.
 
Nikopol (Thomas Kretschmann) et Jill (Linda Hardy) dans Immortel   Jill (Linda Hardy) et ses larmes bleues dans Immortel

 
Fourmillant d'idées à chaque seconde, aussi bien d'un point de vue visuel que narratif, Immortel, Ad Vitam est d'une richesse thématique assez rare. Résultat le film n'est pas sans rappeler d'autres productions internationales. Et contrairement aux apparences, ce n'est pas forcément celui que l'on croit qui s'est inspiré de l'autre....
 Une ville divisée en 3 strates, avec d'un côté les riches, d'un autres les pauvres, et tout en bas les mutants. Dans la B.D. la division de la ville en secteurs existait déjà, mais avec seulement deux quartiers. Enki Bilal, sans renier son principe originel, a ajouté un secteur, faisant ainsi un clin d'œil à l'un des plus grands chefs d'œuvre du genre, le Metropolis de Fritz Lang.
 Le look général de la ville de New-York, et en particulier tout ce qui touche aux transports (taxis, voitures,...) semble tout droit sorti du Cinquième Élément, du réalisateur français Luc Besson. Ce dernier, pour son film, a fait appel au dessinateur, lui aussi français, Jean-Claude Mézières. Lorsque l'on sait que Mézières ont tous les deux travaillés pour le magazine Pilote, et ce dès le début des années 70, on est en droit de s'imaginer que chacun a du influencer l'autre, peut-être même de façon subliminale.
 L'apparence des bâtiments semble tout droit sortie du Blade Runner, du réalisateur Ridley Scott. Le chef d'œuvre du cinéaste britannique est fortement influencé par le travail du dessinateur Moebius. L'artiste a travaillé pour le Ridley Scott sur Alien, le huitième passager, et a servi de référence artistique pour Blade Runner. Or, Moebius, alias Jean Giraud et Enki Bilal se connaissent bien, en tout cas d'un point de vue artistique, puisque là encore les deux hommes ont collaborés à l'époque de Métal Hurlant, en gros de la fin des années 70 au milieu des années 80. Bref, au moment de la sorti de Blade Runner et de la foire des immortels. Difficile de dire qui a été inspiré par qui dans de telles conditions!
 La clientèle du docteur Turner (Charlotte Rampling) semble tout droit sorti de Brazil. Le clin d'œil est pour le coup totalement évident et intentionnel.
 L'usage que fait Jill (Linda Hardy) des pilules bleues et rouges est à quelque chose prêt la même que celle qu'en fait Neo dans Matrix. Lorsque l'on sait que les frères Andy et Larry Wachowski sont fans de bandes dessinées, il est difficile d'imaginer qu'ils ignorent le travail d'Enki Bilal. Bien sur, dans Matrix on retrouve aussi du Alice au pays des merveilles dans l'utilisation de ces pilules, mais l'intelligence des Wachowski avec leur film a été de se nourrir de toute la culture populaire internationale et d'en faire un condensé original.
 Les pyramides et les dieux égyptiens. Les fans du cinéma de Roland Emmerich diront que Stargate est la référence cinématographique en termes d'extraterrestres/dieux égyptiens. Mais il ne faut pas oublier que Roland Emmerich est allemand, et qu'en tant qu'européen, il y a fort à parier qu'il connait parfaitement la trilogie Nikopol.
 
On voit que nombreux sont les films à avoir puisés dans l'imagerie d'Enki Bilal, certains de façon plus ou moins consciente. De son côté, Bilal a moins de mal à reconnaître ses influences, bien au contraire. D'ailleurs, il fait citer à son héros, Nikopol, des vers de Charles Baudelaire (poème Une charogne), prouvant que sa culture ne s'arrête pas au cinéma. De la même façon, on retrouve dans la littérature moderne de nombreux récits rappelant l'univers d'Enki Bilal, ou en tout cas s'en approchant suffisamment pour être noté. Ainsi, dans la voie des Furies, de l'auteur américain David Weber, on retrouve une divinité (grecque dans le roman contre égyptienne dans la B.D. et le film) en symbiose avec le héros, et l'aidant à accomplir son destin. Dans le même genre d'idée, Dan Simmons, l'auteur de l'échiquier du mal, dans son diptyque Ilium/Olympos, fait des dieux grecs des habitants de la planète Mars, jouant avec les humains pour faire revivre la guerre de Troie, comme Anubis et Bastet jouent au Monopoly avec les humaines dans Immortel.
 
Les dieux de l'Egypte ancienne sont réveillés   Jill (Linda Hardy), une femme à part dans Immortel d'Enki Bilal

 
Le film d'Enki Bilal est l'un des tous premiers films, et en tout cas le premier film français, à utiliser la technique du tournage total sur fond bleu. Cette technique, jusqu'à présent utilisée de façon partielle dans pratiquement tous les films à effets spéciaux, lorsqu'elle est poussée à son paroxysme, met entre les mains des infographistes l'intégrité et la qualité du film. Il n'est plus question de décors, accessoires et autre dépenses souvent très couteuses inhérentes aux films à effets spéciaux jusqu'alors. A l'étranger des films comme le capitaine Sky et le monde de demain (2004), Casshern (2004), Sin City (2005) et plus récemment 300 ont utilisé cette méthode.
C'est la société française Duran qui s'est occupé des SFX numérique du film d'Enki Bilal. Entre des décors fabuleux (la ville de New-York, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur) et des personnages en CGI loupés (on les dirait sortis d'un jeu vidéo et non d'un film d'animation), le travail de la société française est en demi-teinte, et joue pour beaucoup dans la déception du spectateur. Le film manque cruellement d'unité de vision. En effet, pourquoi certains personnages sont-ils en CGI et d'autres sont-ils en chair en en os? Pourquoi certains de ces personnages en CGI sont-ils réussis sur certaines scènes et totalement loupés sur d'autres, à tel point que parfois on a du mal à reconnaître les personnages? Un manque de rigueur certain plombe le film.
Un exemple flagrant (cette fois-ci imputable non plus aux SFX numérique, mais aux maquillages): Le dayak humanoïde! Ce personnage, censé représenter un danger et susciter la peur est tellement ridicule (on le croirait sorti d'une mauvaise série japonaise des années 80) qu'il prête plutôt à sourire, voir à rire.
 
Si vous avez aimé Immortel (ad vitam), vous aimerez aussi:
 
  Film Pourquoi
Sin City Sin City Parce que les deux films ont en commun la même technique de tournage en fond vert, sans pratiquement aucun décor.
300 300 La référence du film tourné dansa sa totalité en écran bleu.
 
 


 

Conclusion


 
Nikopol (Thomas Kretschmann) et Jill (Linda Hardy) dans Immortel

 
Enki Bilal est meilleur dessinateur que réalisateur, cela de fait aucun doute. Même lorsqu'il s'attaque à sa propre oeuvre, il a beaucoup de mal à obtenir un résultat pleinement satisfaisant. Débordant d'idées géniales, aussi bien visuelles que narratives, Immortel peine du point de vue SFX à se maintenir au niveau des attentes du public.
Enki Bilal est heureusement conscient des problèmes de son film, à l'inverse de Christophe Gans sur son pacte des loups à la bête en CGI peu crédible, ce qui montre au moins que le cinéaste/dessinateur pose un regard impartial sur son travail. Rien que cela le rend sympathique.
L'histoire, elle aussi, pêche parfois par une trop grande complexité, et est par moment très confuse.
 
Dommage, car le film aurait pu être d'une grande qualité si Enki Bilal avait réussi à résoudre ses problèmes d'unité visuelle et de confusion narrative. La prochaine fois sera peut-être la bonne? C'est tout ce que l'on souhaite à l'un des plus grands artistes français!
 
Un site web est dédié au film. Cliquer ici pour le visiter.
 

 


 
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