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L'Etau

Affiche du film


Titre original

Topaz

Synopsis

Au Danemark, en 1962, les agents américains organisent l'évasion d'un haut fonctionnaire russe et de sa famille pour obtenir des renseignements sur les activités et l'aide des Soviétiques à Cuba. Ils apprennent ainsi que l'URSS a l'intention d'y livrer des missiles.

Genre

Espionnage

Année de production

1969

U.S.A.

Date de sortie en France

13 mars 1970

Réalisateur

Alfred Hitchcock

Musique

John Addison

Casting

Acteur
Photo
Rôle
Frederick Stafford
Frederick Stafford Andre Devereaux
Dany Robin
Dany Robin Nicole Devereaux
John Vernon
John Vernon Rico Parra
Karin Dor
Karin Dor Juanita De Cordoba
Michel Piccoli
Michel Piccoli Jacques Granville
Philippe Noiret
Philippe Noiret Henri Jarre
Claude Jade
Claude Jade Michele Picard
Michel Subor
Michel Subor Francois Picard
John Forsythe
John Forsythe Michael Nordstrom
Alfred Hitchcock
Alfred Hitchcock un homme en fauteuil roulant dans le hall de l'aéroport

 

Critique du Film

Note :

L'Etau d'Alfred Hitchcock

La France, nid d'espions

A la fin des années 60, la côte de popularité d'Alfred Hitchcock n'est plus ce qu'elle était. Sa grande période, en gros du milieu des années 40 (avec Les enchaînés) à 1963 (les oiseaux), est belle et bien finie. Depuis 1964 (Pas de printemps pour Marnie, pourtant aujourd'hui considéré comme l'un de ses grands films), tous ses films se font descendre par la critique et plus ou moins boudés par le public. Qui plus est l'arrêt de sa série télévisée, the Alfred Hitchcock Hour, achève de noircir le tableau. Le génial réalisateur se sent alors abattu et fatigué, ne comprenant pas le désintérêt soudain que le public ressent vis à vis de son oeuvre.
En 1966, il tourne le rideau déchiré, avec dans les premiers rôles Paul Newman et Julie Andrews. Le tournage se passe très mal, entre les deux acteurs principaux d'un côté et le réalisateur de l'autre l'entente ne passe pas. De plus, le film est un échec commercial.
Persuadé que la raison de l'échec incombe en grande partie aux deux stars (qui a elles seules ont ponctionné la bagatelle de 20% du budget du film), Hitchcock décide, pour son prochain film, de ne faire appel à aucune star.

John Forsythe dans l'Etau, d'Alfred Hitchcock

Il décidera aussi de tourner son film majoritairement en extérieurs, alors qu'il détestait les tournages en décors naturels (il ne pouvait rien maîtriser sur son environnement, ce qui l'ennuyait profondément, lui qui pouvait être extrêmement pointilleux sur les détails). Bien sur, nombre de scènes seront tout de même tournés en studio (ainsi, une avenue de New-York fut reproduite en studio), mais cette modification de façon de tourner, qu'il avait déjà employé pour l'ombre d'un doute par exemple, n'est pas garant de la réussite du film.
Il décide aussi de ne faire appel à aucune star pour son nouveau film. Décision qu'il arrive à imposer au studio, Universal, contrairement à ce qui s'était passé pour le rideau déchiré.
Pour ce qui est de l'histoire, Hitchcock, au travers de son scénariste Samuel A. Taylor (qui lui-même avait adapté un roman de Leon Uris), s'inspire de plusieurs faits historiques, qu'il mélange et adapte. On retrouve la défection d'un haut fonctionnaire russe (inspiré de la véritable histoire d'Anatoliy Golitsyn), une cubaine travaillant pour les américains (tiré de l'histoire de la propre fille de Fidel Castro, Alina Fernández), un espion français travaillant dans les faits pour les américains (Philippe Thyraud de Vosjoli, a effectivement travaillé comme agent du SDECE avant de s'installer aux Etats-Unis).
Film au sujet sensible à l'époque (les relations internationales, et plus particulièrement les trahisons de hauts dignitaires et autres agents secrets), le film aura reçu quelques protestations, et en particulier celui du ministre de la culture française, André Malraux. Il faut dire que dans ce film, les français, même s'ils tiennent les premiers rôles, font tous preuve d'un manque cruel de patriotisme, et ce à commencer par le héros.

Frederick Stafford et Karin Dor dans l'Etau

Héros incarné non pas par un acteur français, mais par un autrichien, Frederick Stafford. Ceci dit, l'homme n'aura pas de mal à incarner un agent secret français travaillant pour les américains. En effet, il fut par deux fois l'agent secret Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS117 (dans Furia à Bahia pour OSS 117, en 1965, et Estouffade à la Caraïbe en 1967). Il faut dire qu'il a la tête de l'emploi!
Alfred Hitchcock, grand ami de la France, a cependant confié les autres rôles principaux à des acteurs de l'Hexagone. On retrouve en particulier Michel Piccoli et Philippe Noiret, ainsi que la jeune Claude Jade, révélée par François Truffaut (qui lui-même était un grand fan du cinéaste britannique) en 1968 dans baisers volés. Hitchcock, sachant très bien que le public américain aura du mal à voir un film où aucun visage ne lui est familier, fera appel à John Forsythe, qu'il avait déjà dirigé dans Mais qui a tué Harry? quelques années auparavant.
On retrouve aussi dans l'étau l'actrice allemande Karin Dor (que les fans de l'agent secret britannique le plus connu avaient pu voir On ne vit que deux fois deux ans plus tôt). La belle y tient un rôle relativement difficile. Maîtresse du héros (et donc vu par association d'idées comme une briseuse de ménage et donc comme une "méchante"), cubaine (et donc communiste), rendre sympathique son personnage n'était pas forcément facile. Et pourtant l'actrice y arrive à merveille, faisant même de l'ombre à la gentille femme du héros, Nicole (Dany Robin). La scène où son personnage se fait tuer par son (ancien) protecteur est l'une des plus belles morts de la carrière d'Alfred Hitchcock, la robe de l'actrice s'étalant sur le sol comme une tâche de sang (une façon pour le cinéaste de contourner la censure). Cette scène aura même fait dire à un critique que Karin Dor est l'une des actrices qui sait le mieux mourir.

Apparition d'Hitchcock dans l'Etau

Malgré l'intelligence d'Alfred Hitchcock pour éviter la censure, le film connaîtra de nombreuses coupes et reshoot. En effet, les premiers screen tests (des avants premières où les spectateurs donnent leur avis sur le film) ont été désastreux: le film est jugé trop long, et la fin non satisfaisante. Dans cette fin originelle, on devait voir le héros, Frederick Stafford, affronter en duel le chef de Topaze (Michel Piccoli). Mais cette fin fut jugée peu convaincante (le héros ne n'abat pas le méchant, qui se fait abattre par un tueur caché dans les gradins du stade Charlety). Devant l'accueil pour le moins mitigé, Hitchcock dut tourner une seconde fin, où cette fois-ci Michel Piccoli fuyait la France à bord d'un avion. Même si l'organisation Topaze était vaincue, le méchant s'en sortait, ce qui ne convenait pas au public. N'ayant plus le temps de tourner de nouvelles scènes, Hitchcock réutilisa certains plans précédemment tournés (et déjà vus). Ce n'est ainsi pas Michel Piccoli que l'on voit rentrer chez lui, mais Philippe Noiret (ce dernier ayant eu un accident avant le tournage, il fut obligé de jouer avec une béquille). Un habile montage et le spectateur n'y voit que du feu. Mais même un habile montage ne peut masquer une fin bancale.

   
 


Conclusion

Antépénultième film d'Alfred Hitchcock, l'Etau (titre français choisi car Topaze était un film français célèbre de Marcel Pagnol) est un film mineur de la filmographie de l'un des plus grands noms du Septième Art, mais un film mineur chez Hitchcock vaut bien souvent plus qu'un film majeur chez un autre cinéaste.
Il est indéniable par contre au visionnage de ce film que le Maître est sur le déclin, sans doute fatigué et usé par une vie passée au service du public. Le cinéma a peut-être évolué plus vite que le bonhomme. Mais il gardera ses fans jusqu'au bout. La preuve? Claude Chabrol, fan de toujours du cinéaste britannique, a réalisé le tout dernier plan de l'étau pour faire plaisir à celui qu'il considérait comme l'un des plus grands réalisateurs tous genres confondus.
Ne boudons pas notre plaisir, car voir quelque uns des plus grands noms du cinéma français dans un film d'Hitchcock est toujours un plaisir (voir aussi le procès Paradine, L'homme qui en savait trop et son remake américain).

Karin Dor dans l'Etau, d'Alfred Hitchcock


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