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Golden Globe |
catégorie |
Année | Gagnant
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Meilleur espoir féminin | 1964 | Tippi Hedren |
Oscar |
catégorie |
Année | Gagnant
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Meilleurs effets visuels | 1964 | Ub Iwerks |
Lorsque sort Les oiseaux, en 1963, Alfred Hitchcock est déjà une star internationale, adulé des fans et reconnus par ses pairs. Et pourtant, ce film en surprendra plus d'un. Tout d'abord, en étant interdit aux moins de 12 ans (le réalisateur ayant réalisé peu de films sujets à une classification non tout public). Ensuite, en donnant le premier rôle à une jeune fille inconnue (et mannequin qui plus est!), la très belle Tippi Hedren, alors que nombres d'actrices connues étaient prêtes à tourner pour le maître. Enfin, en livrant l'un des films les plus traumatisants de l'époque. Tiré d'une nouvelle de Daphné du Maurier, les oiseaux devait initialement être adapté à la télévision, dans le cadre de la sérié Alfred Hitchcock présente. Mais devant le potentiel énorme du scénario, il est vite décidé d'en faire un film. Et quel film! Le talent du cinéaste est à son apogée à cette époque, et tout ce qu'il touche se transforme en chef d'oeuvre. Mêlant (comme d'habitude) très habillement humour, comédie et suspens, Hitchcock arrive à emmener petit à petit son public vers l'angoisse et l'horreur. Lorsque l'on regarde la première image du film (la belle Tippi Hedren se baladant tranquillement en ville) et la dernière (les oiseaux à perte de vue sous des nuages noirs), on voit clairement le talent (non, le génie!) de l'homme. Crescendo, la tension monte, et arrive à une dernière partie apocalyptique rarement vue au cinéma. D'ailleurs, il n'y a pas de fin au film, au sens propre comme au figuré. Au sens propre: le film ne se termine pas réellement, et laisse même ses héros dans une situation périlleuse. Au figuré: le film se termine sans l'habituel The End. L'accumulation des deux "non-fins" laisse un effet de malaise au spectateur, face à cette inhabituelle fin de film. Le but était simple: Faire comprendre au spectateur que tout ne fait que commencer. D'une efficacité absolue! Plusieurs fins avaient étés envisagées. Dans l'une on retrouvait nos héros survivants arrivant à San Francisco, et trouvant le Golden Gate Brige totalement envahis par les volatiles enragés. Dans une autre, au contraire, les mêmes survivants, au volant de l'Aston Martin DB2/4 de Melanie (conduite par Mitch), échappaient aux oiseaux qui restaient au dessus de Bodega Bay, indiquant ainsi que seule la petite station était touchée par la folie des oiseuax. Personne ne savait quelle serait la fin du film, et surtout personne ne pensait que se serait celle finalement retenue. Ainsi, aucune information ne pouvait filtrer sur le climax des oiseaux. N'oublions pas qu'Alfred Hitchcock était un maître en communication. Le génial cinéaste a souvent (et surtout à ses débuts) é accusé d'être un piètre réalisateur. En voyant un film comme les oiseaux (mais aussi Fenêtre sur cour pour s'en citer qu'un) on se rend compte à quel point rien ne peut être plus faux. Maitrisant totalement le média cinéma, aussi bien d'un point de vue technique qu'émotionnel, le réalisateur britannique soigne sa mise en scène comme peu d'autres. Le film, à la limite du fantastique, nécessitait forcément une utilisation abondante d'effets spéciaux. La technique du blue screen ne correspondait pas aux besoins du film (trop de mouvement de la part des oiseaux, ce qui aurait eu comme conséquence de faire apparaître un halo bleuté autours des volatiles), il a donc fallu se tourner vers d'autres techniques. Ce fut la technique de la vapeur de sodium qui fut retenue, technique alors maitrisée presque uniquement par les studios Disney. Une grande majorité des trucages utilisa donc cette méthode. Ajoutons à cela les trompes l'oeil, les mate painting, les maquettes, les oiseaux empaillés, et nous avons une assez bonne idée des différentes solutions trouvées par les responsables des effets spéciaux. La scène la plus frappante est le court plan où l'on voir les oiseaux survoler la ville en feu. Ce passage est un composite utilisant le film au sodium (les oiseaux), les caches (une partie de la ville), et le mate-painting (la majorité de la ville). Le résultat à l'écran est saisissant. Surtout à une époque où les effets spéciaux numériques n'existaient pas. De nos jours, tout aurait été traité numériquement. Ce n'est pas sur que cela aurait été plus efficace. Pourtant, il faut reconnaître que les effets spéciaux ont vieillis, mais heureusement pas au dépend du film. Hitchcock détestait tourner en extérieur, car il ne maitrisait rien (ni la prise de son, ni la lumière). Il tournait la maximum de scènes en studio, quitte à faire des raccords et des composite. Aussi bien l'une que l'autre méthode a été utilisée pour ce film, et la grande majorité des fois, cela est totalement invisible. L'art du trompe l'oeil étant une spécialité du cinéaste, cela n'a rien d'étonnant. Quelques exemples: un poteau masquant le raccord entre une prise de vue en extérieur et en studio, un acteur ouvrant une porte qui n'existe pas, quelques vrais oiseaux au milieu d'une foule de faux donnant l'impression que tous bougent... De nombreux cinéastes, plus de 40 ans plus tard, s'inspirent encore de la mise en scène des oiseaux. Entre l'utilisation des maquettes (repris par exemple dans Ghosts of Mars de John Carpenter, ou bien encore dans Total Recall de Paul Verhoeven) et les mate-painting et autres trompe l'oeil astucieux (il n'existe pratiquement pas un film de nos jours sans trucage visuel, mais citons The Machinist pour l'exemple), Alfred Hitchcock n'a rien inventé, mais il a poussé la technique dans ses derniers retranchements, marquant de façon indélébile les générations suivantes. D'un point de vue suspens, un cinéaste comme George Romero et sa nuit des morts-vivants est visiblement très inspiré des oiseaux (même si le cinéaste roi des Zombies s'en est toujours défendu). Il suffit de comparer le climax de deux films (l'attaque de la maison barricadée) pour voir à quel point l'un n'aurait sans doute jamais vu le jour sans l'autre. Les films de Zombies en auraient été différents à jamais. Alors que Steven Spielberg arrivera à terroriser tous les nageurs du monde avec ses dents de la mer, en 1975, Hitchcock est arrivé plus de 10 ans auparavant à rendre un des animaux considérés comme les moins dangereux, les oiseaux (et en particulier les mouettes), terrifiantes. Les deux réalisateurs ont su, grâce à leur talent, jouer avec les peurs de chacun. Peur des profondeurs pour le père d'E.T., et peur de l'inconnu et de l'incompréhensible pour le réalisateur de Psychose. Tandis que chez Steven Spielberg la musique joue un rôle primordial dans la montée de la peur, chez Hitchcock c'est tout le contraire. Le réalisateur a même été jusqu'à couper tout son par moment, et ce à l'insu du spectateur qui, pris dans l'intrigue, ne s'en rend pas compte. Aucune musique, aucune parole, aucun son. Il ne faut pas oublier que le cinéaste a commencé sa carrière dans le muet. Il a toujours eu un rapport au son (sous toutes ses formes) assez complexe. Estimant entre autre que si les spectateurs arrivent à suivre un film sans bande son c'est qu'il est réussi. On ne peut que lui donner raison. Tandis que son compositeur fétiche, Bernard Herrmann, est crédité sur les oiseaux, ce dernier n'a rien (ou presque) composé pour ce film. En effet, il a très vite été décidé de ne faire une bande son composée que de bruitages étranges (fait à partir d'un synthétiseur nommé mixtrautonium), et ce toujours dans la même optique chère au réalisateur: être efficace. Le film doit beaucoup au charme de son actrice principale, Tippi Hedren. Alors totalement inconnue, les oiseaux a fait d'elle une star du jour au lendemain. Le film commence par un clin d'oeil à son passé de mannequin, et en particulier dans la publicité. En effet, on la voit dans la rue se faire siffler. Cette scène est censée rappeler (à ceux qui s'en souviennent) la publicité de l'époque où elle apparaissait, et dans laquelle Hitchcock l'avait remarqué. Petite scène réservée aux fins connaisseurs... En dehors de cela, l'actrice s'est beaucoup impliquée dans son rôle, en particulier physiquement, même si ce n'était pas toujours de son plein gré. A tourner avec de vrais animaux, il arrive que l'on se blesse. C'est malheureusement ce qui lui est arrivé, pendant le tournage de la scène où elle se fait attaquer dans la chambre. Le tournage, qui a duré une semaine, l'a laissé blessée au visage, donc, mais aussi tellement épuisée qu'elle a fini à l'hôpital. Un body double a d'ailleurs été utilisé sur une ou deux scènes. Le principal est qu'elle s'en soit remise. Surtout que le jeu en valait la chandelle. Si vous avez aimé Les oiseaux, vous aimerez aussi:
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Maitrisé techniquement, montée lente du suspens jusqu'à un final apocalyptique à la limite du soutenable (et ce sans pratiquement aucun effet sanguinolent), les oiseaux est sans conteste l'une des plus grandes réussites du Septième Art. Inutile de préciser que tout amateur de cinéma se doit d'avoir vu au moins une fois dans sa vie ce qui est peut-être le meilleur film du cinéaste britannique? |