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Soupçons
	Titre original suspicion Synopsis Johnnie Aysgarth, désoeuvré et très séduisant, fait la conquête de la douce et riche Lina Mc Laidlaw. Contre l'avis de sa famille, elle l'épouse. Rapidement, Johnnie doit avouer qu'il est sans le sou... Sa femme en vient à le soupçonner de vouloir le tuer... Genre Drame Année de production 1941 Date de sortie en France 28 mai 1946 Réalisateur Alfred Hitchcock Musique Franz Waxman
	Casting Acteur Photo Rôle Cary Grant Johnnie Aysgarth Joan Fontaine Lina McLaidlaw Aysgarth Nigel Bruce Gordon Cochrane 'Beaky' Thwaite Cedric Hardwicke General McLaidlaw Dame May Whitty Mrs. Martha McLaidlaw Isabel Jeans Mrs. Newsham Heather Angel Ethel Leo G. Carroll Capitaine George Melbeck Lumsden Hare Inspecteur Hodgson Ben Webster William Howe Billy Bevan Le contrôleur dans le train Gavin Gordon Dr. Bertram Sedbusk Edward Fielding Le propriétaire de la boutique d'antiquités Alec Craig le réceptioniste au Hogarth Club Doris Lloyd Miss Wetherby Aubrey Mather L'exécuteur testamentaire Alfred Hitchcock L'homme postant une lettre

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Critique du Film

L'ombre d'un doute Lorsqu'Alfred Hitchcock s'attaque à l'adaptation du roman Complicité de Francis Iles (pseudonyme d'Anthony Berkeley) il n'en est qu'aux tous débuts de sa carrière américaine (et ce même s'il a déjà une filmographie très riche derrière lui). Sur la base de cette histoire, ainsi que de Quant à la femme, du même auteur, Hitchcock, aidé en cela de sa femme, Alma Reville, de Joan Harrison (la secrétaire personnelle du maître), ainsi que du scénariste Samson Raphaelson (qui quand à lui considérera après coup ce film comme sa plus grande réussite d'un point du vue scénaristique), s'attaque à l'adaptation pour le cinéma de cette histoire mêlant adultère, crime et suspense purement hitchcockien. Loin d'être aisée, l'adaptation va vite poser quelques problèmes. Ainsi, le personnage masculin principal est dans le roman un coureur de jupons réputé que le mariage n'arrêtera pas. Or, impossible de transposer un tel personnage dépravé à l'écran en ce temps là. Qu'il embrasse de nombreuses filles, soit, surtout avant la mariage, mais qu'il passe à l'acte avec celles-ci, impensable! Surtout lorsque l'homme en question est joué par un pur héros tel que Cary Grant. Mais que penser alors de cette fin, où le personnage est clairement montré comme étant un meurtrier (de sa propre femme qui plus est). Si cette fin satisfait pleinement Alfred Hitchcock, la RKO (le studio auquel fut prêté le cinéaste pour ce film) ne voit pas les choses sous le même jour. Et le fait que le cinéaste soit aussi producteur sur le film (une première pour l'homme) n'y ferra rien, il devra tourner une autre fin. D'ailleurs, le studio, peu satisfait du résultat, demandera au maître d'enlever toutes les scènes où Cary Grant apparaît comme inquiétant. Et Alfred Hitchcock de proposer un nouveau montage de seulement 55 minutes! Le studio acceptera donc, sous couvert d'une nouvelle fin, celle que l'on connaît maintenant, de laisser planer l'ambigauuml;ité du personnage tout au long du film. Résultat, un Cary Grant au charme indéniable, charismatique comme jamais, et en même temps de plus en plus inquiétant au fur et à mesure que l'histoire avance. De là à dire qu'il s'agit de l'un des meilleurs rôles de Cary Grant il n'y a qu'un pas. En tout cas il est sur qu'il s'agit de l'un de ses rôles les plus intriguant. De plus, ce film marque le début d'une collaboration qui sera fructueuse entre le cinéaste et l'acteur, puisque les deux artistes se retrouveront à collaborer encore par trois fois: Les enchaînés en 1946, La main au collet en 1953 et la mort aux trousses en 1959. En tout quatre films parmi les plus réussis du cinéaste. De façon générale, Alfred Hitchcock était très fidèle avec ses collaborateurs lui ayant donné satisfaction. C'est pour cette raison que l'on retrouve bien souvent les maecirc;mes acteurs et actrices d'un film à l'autre, et soupçons n'échappe pas à la règle, à commencer par l'actrice principale, Joan Fontaine, qui avait déjà travaillé pour le maître en 1940 pour le premier film américain du cinéaste, Rebecca. Soupçons rapportera même à l'actrice l'Oscar de la meilleure actrice (le seule de sa carrière et le seul Oscar de performance d'acteur de la carrière du cinéaste). Mais Hitchcock, qui savait aussi par moment se montrer désagréable, déclara que Joan Fontaine n'a eu son Oscar que grâce à un montage qui a su masquer les défauts du jeu de l'actrice. Soupçons montre encore une fois que le cinéaste n'usurpe pas sa réputation de très grand réalisateur. Dans ce film, il arrive à transformer une banale amourette en drame familial. D'autant plus que dans un premier temps le film se finissait en drame policier, avec mort à la clé, faisant de son film un thriller, tandis que dans le montage définitif le héros n'est plus un meurtrier (même si le spectateur peut encore douter), mais c'est l'héroïne qui devient le point central de l'histoire, en prenant conscience de sa paranoïa allant jusqu'à déchirer son couple. Comme quoi, une simple séquence, si elle est maitrisée, peut transformer tout le sens d'un film. Un passage en particulier est resté dans les annales du cinéma hitchcockien, il s'agit du moment où Cary Grant monte les escaliers, un verre de lait (d'une luminosité hypnotique) destiné à sa femme à la main. Ce passage est en quelque sort le moment où tout le film se joue. Est-il coupable? Le personnage joué par Joan Fontaine est-il fou? Dans la première version, elle buvait le lait, qui s'avérait empoisonné, mettant ainsi fin à son tourment et au doute. Sans un seul mot, tout le drame qui se joue à ce moment là est palpable, le spectateur ne pouvant s'empêcher d'imaginer les différentes possibilités ainsi que leurs conclusions, toutes plus ou moins tragiques. Un pur moment de génie cinématographique. Ce film fut un gros succès commercial, permettant ainsi à Hitchcock de gagner une grande liberté artistique pour ses prochaines productions, ce qui lui permettra de réaliser ses meilleurs films, comme Fenêtre sur cour (là aussi un grand moment de cinéma) ou bien encore L'inconnu du Nord Express.

 

Conclusion

Soupçons n'est pas le film d'Alfred Hitchcock le plus connu (ce titre se partage sans doute entre Psychose, les oiseaux ou peut-être La mort aux trousses). Il n'empêche que cette première collaboration entre le maître du suspense et Cary Grant est une très grande réussite du genre, avec en plus un Oscar à la clé pour Joan Fontaine.
Tout Hitchcock est présent dans soupçons: le suspense, l'humour, le basculement d'un genre à l'autre (de romantique l'histoire sombre dans le sordide de façon très graduelle), une maîtrise absolue du cinéaste de sa caméra, ainsi bien entendu qu'une femme en proie à la folie (comme dans Pas de printemps pour Marnie et sueurs froides pour ne citer que les plus connues de ses oeuvres).

Un film de très grande qualité, réalisé par un ciné au début de sa période la plus fastueuse, sa période américaine.