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Golden Globes |
catégorie |
Année | Gagnant
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Meilleur réalisateur | 1973 | Alfred Hitchcock |
Meilleur film | 1973 | |
Meilleure musique | 1973 | Ron Goodwin |
Meilleur scénario | 1973 | Anthony Shaffer |
Frenzy, avant dernier film du Maître du suspense, Alfred Hitchcock, est surtout marqué par son retour dans son pays d'origine, l'Angleterre, après 20 ans d'exil (volontaire). Le dernier film qu'il y avait tourné était L'homme qui en savait trop (version 1956), avec James Stewart dans le rôle principal. Son départ pour les Etats-Unis lui avait apporté la gloire, le voir revenir au pays avait quelque chose de fort plaisant pour les britanniques. Depuis son départ, son style n'a pas diamétralement changé, il s'est surtout affiné, Hitchcock ayant perfectionné ses techniques et sa méthode de travail. Cependant, pour Frenzy il décide de changer la donne. Plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, Hitchcock a toujours aimé innover (mais toujours en pensant avant tout au film et au spectateur). Ensuite, il se devait de faire quelque chose de particulier pour marquer son retour parmi les siens. Et enfin, les moeurs ayant beaucoup évolués depuis le début de sa carrière (les années 20), il peut oser des choses auparavant impossible. Le cinéma est devenu plus permissif, en particulier en ce qui concerne la nudité et la violence, deux thématiques chères au Maître, qui jusque là avait plus sous-entendu que réellement montré. Pour Frenzy ce sera le grand saut! Se basant sur le roman Goodbye Piccadilly, Farewell Leicester Square du romancier Arthur La Bern, l'histoire, transformée par le scénariste Anthony Shaffer, se déroule en grande partie à Covent Garden, la Halle aux légumes de Londres, qu'Hitchcock connait bien, puisqu'il y a passé une partie de sa jeunesse (son père y travaillait). Fortement remanié, le scénario se voit calibré pour entrer dans le moule Hitchcockien, avec ce que cela implique de meurtres, mystères, et bien entendu suspense. Le film narrera donc la fuite d'un héros (Jon Finch), accusé à tort d'être le tueur à la cravate sévissant à Londres, rappelant fortement le Jack l'Eventreur de sinistre mémoire. La poursuite par la police d'un innocent est un classique du maître (Jeune et Innocent, Les 39 marches, pour ne citer que deux titres de la période anglaise du cinéaste), et le plaisir que prend le spectateur à suivre les mésaventures d'un héros poursuivi par les forces de l'ordre est toujours le même. D'ailleurs, dans ce film, comme dans de nombreux autres du réalisateur, les policiers sont un petit peu benêts, et même si Hitchcock n'a jamais voulu raconter son histoire, il est de notoriété publique que l'homme a eu dans sa jeunesse une expérience malencontreuses avec les forces de l'ordre, et que l'image qu'il en donnera tout au long de sa carrière est en quelque sorte sa réponse à cet évènement de jeunesse. Autre point commun avec nombres de films précédents de l'artiste: l'identité de l'assassin. Elle est connue très vite dans le film, comme pour rappeler que ce qui intéresse le maître n'est pas l'enquête menant au meurtrier mais bien autre chose (la fuite du héros, et les manigances du tueur, principalement). Le face à face entre les deux principaux protagonistes pour fonctionner doit, comme toujours, se baser sur des acteurs talentueux. Tandis que le héros (Jon Finch) est engagé sans même passer de casting (une simple vision d'une vidéo suffira au cinéaste pour se faire un avis), le rôle du tueur a tout d'abord été proposé au grand Michael Caine (comme bien souvent pour avoir un bon film, il faut avant tout un bon méchant). Devant le refus de celui-ci (Hitchcock en voudra d'ailleurs à l'acteur tout le reste de sa vie), ce sera Barry Foster qui sera engagé (il est vrai qu'une certaine ressemblance existe entre les deux acteurs). Barry Foster s'avère au final plus charismatique que Jon Finch, mais cela n'a aucun incidence sur le déroulement du film (mis à part que l'on prend beaucoup de plaisir à chaque apparition du tueur). Et certaines de ses apparitions seront marquantes. En particulier la scène de meurtre, au début du film. D'une violence inouïe (surtout pour l'époque), elle se veut le plus réaliste possible. Assister au viol, puis au meurtre d'une femme que l'on vient juste d'apprendre à connaître est d'un sadique que seul un grand réalisateur peut mettre en place. En plus de la violence physique et mentale, cette scène montre aussi les premières images de nudité tournées par le maître, ce qui est encore plus frappant. Beaucoup ne sont pas ressortis indemnes de cette scène. Le second meurtre quand à lui ne nécessite plus une seule image, après le carnage du premier assassinat. Au contraire, la caméra s'éloigne de le chambre où l'on sait qu'il va se passer absolument la même chose que précédemment. Et là encore, il s'agit d'un personnage que l'on avait appris à apprécier. Là où d'autres réalisateurs moins talentueux auraient fait dans la surenchère d'hémoglobine et de violence (le concept même du slasher), Hitchcock quand à lui va dans le sens opposé et ne montre plus rien. Enfin, pas tout à fait, car le cinéaste nous réserve un de ses tours, avec une lutte entre un cadavre atteint de rigor mortis et un tueur cherchant à récupérer son épingle de cravate, le tout à l'arrière d'un camion de pommes de terre en marche. Le mélange de macabre et d'humour fonctionne parfaitement, surtout après la tension des minutes précédentes. Ce n'est ni plus ni moins qu'une leçon de cinéma que nous offre une fois de plus Alfred Hitchcock. Frenzy présente donc des scènes de nudité, et ceci pour la première fois dans la carrière du metteur en scène. Bien entendu, il n'en toucha pas un mot aux actrices pendant le casting. Roi des tours pendables, il leur fit croire qu'elles auraient à se dénuder pour les besoins du film, alors qu'il avait depuis le début prévu l'utilisation de body double. Encore une preuve que l'homme se voyait avant toute chose comme un amuseur. Mais un amuseur pour public averti! Car Frenzy est aussi le film le plus violent de la carrière du cinéaste. A tel point qu'en Angleterre, où il était attendu comme le loup blanc, le film écopa d'un interdiction aux moins de 18 ans, le classant ainsi dans la catégorie X (il s'agit du seul film de la carrière d'Alfred Hitchcock à avoir connu un tel traitement. En France, le film se retrouva interdit au moins de 12 ans, ce qui le rendit plus accessible. Il faut dire aussi que la France a toujours beaucoup apprécié Hitchcock, et qu'Hitchcock le lui a bien rendu, quoique souvent à sa façon bien à lui (dans Frenzy, la femme de l'inspecteur est une cuisinière amateur s'essayant à l'art culinaire français). Dans le registre de l'humour et du clin d'oeil, Hitchcock était connu pour ses apparitions dans chacun de ses films. Pour Frenzy il avait imaginé jouer le rôle du premier cadavre, flottant sur le Tamise. Mais cela ne collait pas avec le personnage de tueur/violeur du scénario. Il fut donc remplacé par une femme nue, son apparition dans le film se bornant à un rôle de curieux cherchant à voir le corps sur la berge. Mais il fut toutefois possible de voir Hitchcock flottant dans les bandes-annonces du film. Si vous avez aimé Frenzy, vous aimerez aussi:
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Frenzy est sans doute l'un des films les plus dérangeants du cinéaste,
Alfred Hitchcock, peut-être même plus que ses plus grands films,
Les oiseaux, ou bien encore Psychose. En effet, tandis que dans ses autres films la
violence restait très cinématographique, elle est ici plus brutale et moins photogénique. Lorsque l'on y rajoute les scènes
de viol et de nudité on voit que le cinéaste a véritablement voulu avec ce film aller dans les derniers retranchements horrifiques
des spectateurs.
Bien sur, l'humour (macabre) est toujours présent, servant à faire baisser la tension et à maintenir le spectateur captivé par les images. Alfred Hitchcock prouve encore une fois qu'il est un grand manipulateur des images et des émotions, et qu'il arrive à faire pratiquement ce qu'il veut de son audience. Si les acteurs avaient été plus charismatiques ce film aurait pu être considéré comme l'un de ses meilleurs. Tel qu'il est, il n'en reste pas moins un excellent film de suspense, qu'il faut impérativement remettre dans le contexte de l'époque si l'on veut comprendre l'ampleur du côté subversif du réalisateur de la mort aux trousses. |