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L'Etrange Créature du Lac Noir

Affiche du film


Titre original

Creature from the Black Lagoon

Synopsis

Une expédition scientifique en Amazonie partie à la recherche de fossiles d'une étrange créature se retrouve face à un monstre préhistorique bien vivant : un hybride poisson-humain. Les scientifiques capturent la créature après qu'elle a tué l'un de leurs guides indigènes, mais celle-ci parvient à leur échapper. Bientôt, le monstre frappe à nouveau et enlève l'élément féminin du groupe pour l'entraîner dans sa tanière...

Genre

Fantastique

Année de production

1954

U.S.A.

Date de sortie en France

13 juillet 1955

Réalisateur

Jack Arnold

Musique

Henry Mancini
Hans J. Salter
Herman Stein

Casting

Acteur
Photo
Rôle
Richard Carlson
Richard Carlson David Reed
Julie Adams
Julie Adams Kay Lawrence
Richard Denning
Richard Denning Mark Williams
Antonio Moreno
Antonio Moreno Carl Maia
Nestor Paiva
Nestor Paiva Lucas
Whit Bissell
Whit Bissell Docteur Thompson
Bernie Gozier
Bernie Gozier Zee
Perry Lopez
Perry Lopez Tomas
Rodd Redwing
Rodd Redwing Louis
Ricou Browning
Ricou Browning La créature (sous l'eau)
Ben Chapman
Ben Chapman La créature (sur terre)

 

 

Critique du Film

Note :

La belle (Julie Adams) et la bête (Ricou Browning) dans L'Etrange Créature du Lac Noir de Jack Arnold

Plongée en eaux troubles

Fin 40/ début 50, le monde du cinéma est en crise. La raison? L'arrivée dans les foyers d'un concurrent sérieux: la télévision. Afin de lutter contre la petite lucarne le grand écran possède deux armes. La première: la couleur. Utilisée depuis plus d'une décennie déjà, l'utilisation de la couleur (sous toutes ses versions, que ce soit le technicolor, le cinecolor, le Kodachrome, ou encore les dizaines d'autres techniques utilisées) est bien sur la méthode la plus connue (et la plus efficace pour attirer les spectateurs). L'autre technique, ayant connue son heure de gloire dans les années 50, et qui revient cinquante ans plus tard à la mode, c'est la 3D. En cette année 1954 seront ainsi produits deux classiques du cinéma, l'Etrange créature du lac noir et le crime était presque parfait, d'Alfred Hitchcock. Ses deux films ont une chose en commun: même en 2D, ils restent de grands films.

l'homme poissson (Ben Chapman) et sa belle (Julie Adams), dans une position très ambigüe, dans L'Etrange Créature du Lac Noir de Jack Arnold

L'âge d'or de la 3D au cinéma est communément placé entre 1952 et 1955. C'est en effet à ce moment où la 3D a connu sa plus grande période d'activité au cinéma, avant de péricliter pour un temps, faute essentiellement aux coûts de tournage et de diffusion de ces films (pour rappel, la diffusion d'un film en 3D au cinéma nécessite, en plus des lunettes, un double système de projection, qui oblige le projectionniste à une précision très fine, faute de quoi les images seront décalées, et le film sera difficilement regardable). L'inconfort du au port des lunettes (qu'elles soient bicolores ou polarisantes) est aussi pour quelque chose dans le quasi abandon du système.
En 1953 était sorti au format 3D L'Homme au masque de cire, réalisé par André De Toth, film d'horreur qui avait connu un gros succès en salle. Le producteur William Alland, qui venait de produire un autre film en 3D à succès, Le Météore de la nuit (1953, déjà réalisé par Jack Arnold) est persuadé qu'il doit tourner son Etrange créature du lac noir, qui lui trotte dans la tête depuis un certain temps déjà, sous ce format. Et ce malgré les coûts liées au sujet du film, qui, faut-il le rappeler, se déroule en grande partie sous l'eau. Or, à cette époque, il n'existe pas encore de caméra 3D capable de filmer sous l'eau. Il faut donc l'inventer de toutes pièces.

L'Etrange Créature du Lac Noir de Jack Arnold

L'histoire quand à elle s'éloigne des poncifs du genre, où les scientifiques sont soient des fous dangereux (à l'instar du classique la fiancée de Frankenstein) soit des mégalomanes cherchant à contrôler la terre. Ici, les scientifiques sont les héros, et leur seul but est d'étudier, de faire des découvertes, et d'apprendre. Le seul à ne pas rentrer dans ce moule cherchera à tirer un profit de la créature, soit sous forme d'argent, soit sous forme de gloire.
L'idée de base est venue au producteur William Alland suite à une discussion avec l'un des ses amis, qui lui avait parlé d'un mythe brésilien parlant d'une créature mi-homme, mi-poisson, hantant les eaux de l'Amazone. Cette idée est ensuite confiée aux scénaristes Harry Essex et Arthur A. Ross (d'après une histoire de Maurice Zimm). Ils vont venir y rajouter cette idée liée à l'évolution, ce qui donne en plus d'une certaine cohérence scientifique, une assise idéale pour faire frissonner le spectateur (la peur des origines de l'homme et de son évolution, surtout en cette époque de guerre froide, est très présente).
La créature quand à elle, est due au talent conjoints de Harry Essex, Arthur A. Ross, Maurice Zimm, ainsi que de la dessinatrice Millicent Patrick (qui assura une bonne partie de la promotion, son sex-appeal jouant pour beaucoup dans ce choix). La créature, comme tous les grands monstres d'Universal (la Momie, Dracula, le loup-garou, et bien entendu la créature de Frankenstein), est imaginée non comme un monstre sanguinaire et démoniaque, mais comme un personnage au destin dramatique, attachante et surtout pathétique.

une nage trè,;s suggestive entre la créature (Ricou Browning) et la belle Julie Adams dans L'Etrange Créature du Lac Noir de Jack Arnold

Comme bien souvent les monstres chez Universal (mais pas seulement), la créature aura une attirance forte (presque contre-nature) pour une femme. Ainsi King Kong aura Fay Wray, Frankenstein Mae Clarke, L'homme invisible Gloria Stuart, et l'Etrange créature du lac Noir Julie Adams. Si initialement l'actrice ne voulait pas jouer dans un film estampillé horreur (contrairement à aujourd'hui, le cinéma de genre n'avait pas la côte auprès des artistes), elle se laissa (facilement) persuader de jouer dans le film. Elle reconnait maintenant qu'il s'agit sans doute de l'un de ses meilleurs films.
Si son personnage semble à priori n'être ni plus ni moins qu'une énième présence féminine, uniquement là pour crier à chaque apparition du monstre (ce qu'elle fera sans aucun doute), il s'avérera que son personnage, et ce que l'actrice en ferra, ira bien plus loin que la simple touche féminine. Très sexy, surtout pour l'époque, Julie Adams livrera lors d'une baignade anthologique, l'une des passages les plus érotiquement chargés du cinéma de son temps. Le maillot de bain qu'elle porte dans cette séquence a été créé spécialement pour le film et est conçu à la fois pour donner l'impression d'être absent (lors des scènes en contre-plongées) et en même temps de modeler le corps de l'actrice comme peu de maillots de bain peuvent le faire. Véritable fantasme incarné, l'actrice exacerbe ce qu'il y a de bestial dans le spectateur, tout comme le personnage fait ressortir le côté humain de la créature.
En plus du côté fortement sexué du personnage, l'actrice sert aussi à faire passer un message important pour le cinéaste, et central quand à l'histoire: celui des dégâts causé par l'homme sur la nature. Tout d'abord bien sur par l'attirance que la créature ressentira envers la belle, mais aussi de façon plus subtile lors d'une scène en particulier où l'actrice jette une cigarette dans le lagon, et où l'on voit la créature observer la jeune femme. L'image est claire: l'homme pollue la nature, et les conclusions ne peuvent être que dévastatrices. Résultat, peu de temps après, les héros du film font mourir les poissons du lagon dans le seul but de retrouver la créature.

Très sexy Julie Adams dans L'Etrange Créature du Lac Noir, de Jack Arnold

Pour incarner la créature, le cinéaste fit appel à deux acteurs. Le premier, Ben Chapman, fut engagé pour sa grande taille (presque 2 mètres). Il incarne la créature lorsqu'elle se déplace sur terre. Une fois le costume enfilé, le monstre dépasse allégrement les deux mètres. Pour simuler le problème de déplacement de la créature sur la terre ferme, le cinéaste eu l'idée de mettre des poids aux pieds de l'acteur, cach&ecute; dans le costume. Ben Chapman se retrouve alors handicapé dans sa marche, donnant à son personnage un air pataud. Ajoutons à cela que l'acteur ne voyait que très peu avec le costume (ce qui causa quelques contusions à Julie Adams lors du climax du film.
Le second à entrer dans le costume de la bête est Ricou Browning. Spécialiste de la plongée, l'homme servit initialement à effectuer des tests, afin de vérifier la faisabilité d'un tournage en eau trouble. Mais le réalisateur, trouvant la façon de nager de l'homme intéressante, décida de l'engager pour jouer la créature lors des séances marines. Le fait qu'il soit capable de tenir sous l'eau sans respirer pendant 4 minutes était aussi un plus non négligeable. Jack Arnold tenait absolument à ce qu'aucune bulle d'eau ne passe à travers le costume, se qui interdisait l'usage de bouteilles pas exemple. Dans les deux suites que connut l'étrange créature du lac noir ce "détail" ne fut cependant plus respecté, et le spectateur attentif pourra remarquer les bulles sortant du costume du monstre.

L'Etrange Créature du Lac Noir, de Jack Arnold

Techniquement, le film fut une réussite, la caméra prévue pour le tournage en 3D fonctionnant comme espéré. Le film sortit dans les salles, et le public fut ravi. Ravi d'avoir peur comme rarement au cinéma (et ce même si aujourd'hui un tel film n'a plus aucune chance de terrifier le moindre spectateur). L'efficacité du film est indéniable. Cependant, beaucoup de cinéma eurent des difficultés à diffuser le film comme prévu, et la majorité préféra la méthode moins efficace mais plus simple (et moins onéreuse) de la 3D par lunettes bicolores plutôt que par lunettes polarisantes.
Mais le film devint presque immédiatement un classique, et la créature de devenir l'un des monstres ayant le plus de produits dérivés.
Le 19 octobre 1982, l'émission française la dernière séance, animée par Eddy Mitchell, proposa le film en version 3D, avec lunettes fournies dans le commerce, mais l'expérience fut un échec, et plus jamais un film en 3D ne fut projeté à la télévision française depuis.

L'Etrange Créature du Lac Noir, de Jack Arnold

Le film connut deux suites directes. La première fut tourné par Jack Arnold; il s'agit de La Revanche de la créature, et date de 1955. Le second, cette fois-ci tourné par John F. Sherwood, date de 1956 et se nomme La créature est parmi nous.
Dans les années 80 (en 1982 pour être exact), le réalisateur John Landis se voit attaché au remake de l'étrange créature du lac noir, mais le projet est annulé. Pourquoi? Le studio ne voulait pas financer un film en 3D, et ce pour deux raisons: un budget trop important lié au tournage en 3D, et surtout un désir de ne pas concurrencer un autre film en 3D sortant à la même époque, les dents de la mer 3D). En 1995, un autre réalisateur se voir proposer de remaker le chef d'oeuvre de Jack Arnold; il s'agit de Peter Jackson, mais celui-ci préféra se lancer dans un King Kong qui n'aboutira que 10 ans plus tard, après un premier refus, mais cela est une autre histoire. En 2002 c'est au tour de Guillermo Del Toro d'être pressenti pour tourner le remake du film de 1954, mais devant un planning surchargé le réalisateur du Labyrinthe de Pan est remercié. En 2005, c'est Breck Eisner qui est engagé. Depuis, le projet est toujours ouvert.

   
 


Conclusion

Julie Adams terrifiée par L'Etrange Créature du Lac Noir de Jack Arnold

L'Etrange créature du lac noir, premier film en 3D à être en partie tourné sous l'eau est considéré aujourd'hui comme l'un des chefs-d’oeuvre du cinéma fantastique, aux côtés de films comme Frankenstein ou Dracula (version Lugosi). La créature est elle aussi devenue une référence du genre, entrant au panthéon des monstres classiques d'Universal, aux côtés de la créature de Frankenstein, de la momie, de Dracula, et du loup-garou. D'ailleurs, dans le film The Monster Squad (1987), on retrouve les cinq créatures ensemble. Elles, et pas d'autres.

Un classique, que tout amateur de film de genre se doit de voir au moins une fois dans sa vie, ne serait-ce que d'un point de vue historique, tant il est vrai que ce cinéma s'éloigne des poncifs actuels du cinéma d'horreur, beaucoup plus accès sur la violence et le gore, et beaucoup moins sur ses monstres.

Au fait, que tous ceux qui se demandent où Steven Spielberg a eu l'idée de ses plans sous-marins dans les dents de la mer ne cherchent plus: Il a tout pris à Jack Arnold.

scéance de maquillage pour L'Etrange Créature du Lac Noir de Jack Arnold


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