![]() |
Retour à la section dédiée au cinéma. |
|
![]() Visiblement, Alfred Hitchcock n'a jamais eu de chance avec les films en costumes. Les amants du Capricorne est le troisième (et dernier) film de ce genre réalisé par le maître, après le Chant du Danube et la taverne de la Jamaïque. Entre le premier film qui aura déçu et le réalisateur et la critique, et le second qui aura fortement déplu à Daphné Du Maurier, l'auteur du roman dont est tiré le film, l'artiste britannique n'a jamais reçu (c'est le moins que l'on puisse dire) un accueil chaleureux sur ses films d'époque. Et, malheureusement, ce sera la même chose avec les amants du Capricorne. Les critiques, en dehors de François Truffaut et Claude Chabrol, ont descendu en flèche ce film, jugé vide de sens et en même temps extrêmement prétentieux. Les deux cinéastes français (alors critiques, et déjà grands fans du cinéma hitchcockien), quand à eux, ont toujours crié haut et fort que ce film était l'un des chefs d'oeuvre cachés et incompris du cinéaste. Et en effet, d'un certain côté, il est difficile de ne pas leur donner raison. Techniquement, le film est sans contexte l'un des plus complexes tournés par le réalisateur, même si seul l'oeil expert pourra le discerner. En effet, le film, tout comme la Corde tourné l'année précédente, utilise régulièrement la technique très complexe à mettre en oeuvre du plan séquence. Pour rappel un plan séquence, comme son nom l'indique, est une séquence (chapitre) tourné sans coupure (un unique plan). Cela implique donc une synchronisation absolue entre les mouvements de caméra, le jeu des acteurs, la lumière, etc. Ajoutons à cela le problème de concentration et de qualité de jeu attendu par les acteurs lors de telles séquences et l'on comprend mieux la difficulté inhérente à ce genre de plans. Surtout quand, comme c'est le cas ici, un acteur (ou une actrice) doit se livrer à un long monologue émotionnellement fort, d'une seule traite, sans coupure aucune, et surtout, sans droit à l'erreur. Ingrid Bergman donne ainsi toute la mesure de son talent lors d'un plan séquence de pas moins de 8 minutes 30, où elle dévoile l'âme de son personnage, dans une scène qui mérite de figurer au panthéon des grandes scènes de cinéma. Pour tourner de telles scènes (le film en compte un assez grand nombre), il a fallu, afin de permettre à la caméra de se déplacer librement, prévoir les décors en fonction de ses mouvements. Autrement dit, prévoir les mouvements de caméra bien avant le début du tournage, afin de permettre aux décorateurs de fournir les faux plafonds, murs articulés et autres trompes l'oeil à temps pour le tournage. ![]() Loin de n'être qu'un film technique, les amants du Capricorne est même tout le contraire. En effet, le film a été monté pour et autour de l'actrice principale, Ingrid Bergman, alors au sommet de sa gloire. Ce film marque d'ailleurs le début de sa déchéance hollywoodienne, non pas tant en raison de son échec commercial (le film aura été l'un des plus gros bides de la carrière d'Alfred Hitchcock, en même temps qu'un véritable désastre financier), mais à cause de son histoire sulfureuse (en tout cas pour l'époque) avec l'acteur italien Roberto Rossellini. Le film donne la part belle à l'actrice, qui fait encore une fois preuve de son immense talent de comédienne, en particulier lors de deux scènes d'anthologie: la première, déjà abordée précédemment, est celle de son long monologue sans coupure aucune (plan séquence de 8 minutes); la seconde lors du final du film, où l'actrice, sans pratiquement aucun geste, uniquement au travers de son regard, arrive à faire passer son personnage par toute une gamme d'émotions, et arrive à amener le public à lui faire voir pratiquement tous les événements du film sous un oeil nouveau. Et ce, sans rien dire. Du très grand art! Cette scène est d'ailleurs considérée par certains comme l'un des meilleurs gros plans de toute l'histoire du cinéma. Il faut dire qu'Alfred Hitchcock a toujours su tirer le meilleur de ses actrices, et en particulier en gros plan (voir par exemple, dans le même genre d'idée la première apparition de Grace Kelly dans Fenêtre sur cour). Mais la belle actrice suédoise n'est pas la seule à faire preuve de son talent dans ce film. Joseph Cotten (Citizen Kane) prouve encore une fois ici qu'il possédait un charisme animal remarquable (ainsi qu'une voix unique). Même si l'acteur ne fut pas le choix initial du cinéaste (qui lui préférait Burt Lancaster, on a l'impression que le rôle fut écrit pour lui. Seuls les meilleurs sont capables d'une telle prouesse. Si vous avez aimé les amants du capricorne, vous aimerez aussi:
|
Les amants du Capricorne fait partie des quelques films que le maître du suspens a renié. L'échec phénoménal y est
sans doute pour quelque chose. Il dira jusqu''à dire par la suite qu'il a regretté avoir tourné ce film. De même qu'il
regrette d'avoir confié l'adaptation à son ami Hume Cronyn (déjà vu dans
l'Ombre d'un doute et dans Lifeboat), qu'il jugea trop inexpérimenté.
Ce film, quoique non exempt de qualités, les amants du Capricorne reste l'un des films les moins inoubliables du cinéaste. Cependant, les amateurs de la grande Ingrid Bergman trouveront dans ce film une grande performance de l'actrice. Rien que pour la performance de la star, le film mérite que l'on s'y intéresse. ![]() |