
Ce dernier tome vient conclure la saga
A la croisée des mondes de
Philip Pullman, saga qui avait
débutée en 1995 avec
Les Royaumes du nord, et qui avait connu un succès phénoménal,
et ce même si, dès 1997,
J.K. Rowling et sa saga
d'
Harry Potter vient quelque peu faire de l'ombre au succès de
Philip Pullman. Mais cela n'empêchera pas
le Miroir d'ambre de non seulement connaître un énorme
succès en librairie, mais aussi de se voir remettre le prix Whitbread (renommé en 2006 le prix Costa) du meilleur roman, en 2001. Un fait unique dans l'histoire de la
littérature jeunesse!
Le Miroir d'ambre reprend la recette qui avait fait le succès des deux tomes précédents (voyage à travers les mondes, enfants contre un monde d'adultes,
sorcières, ours qui parlent, daemons,...), mais ose cependant prendre de la distance vis à vis de son héroïne, Lyra, qui passe le premier tiers du roman endormi.
C'est Will, le compagnon de Lyra, qui devient alors le personnage principal, tandis que Mary Malone, apparue dans
la Tour des Anges, voit son importance grandir, au point de devenir l'un des personnages centraux de ce dernier volume.
Le thèmes abordés dans les deux premiers tomes sont toujours présents, mais tout particulièrement la quête de l'indépendance (indépendance vis
à vis de l'autorité; qu'elle soit professorale, parentale, ou bien entendu religieuse). Car Lyra, après avoir fui ses parents, puis l'Eglise, a maintenant un but bien
plus grand encore: libérer l'humanité du joug de la mort. D'ailleurs, de façon presque surprenante, une fois son but accompli, on la verra retourner vers les symboles
autoritaires qu'elle avait justement fui: le Jordan College, qu'elle finira par reconnaître comme étant son seul chez-soi; ses parents, et ce même si elle ne les reverra
que très peu (voir pas du tout dans le cas de son père); et même dans un certain sens la religion (les harpies, personnages mythologiques, son au centre de la nouvelle
idéologie religieuse -et salvatrice- proposée par Lyra à l'humanité). De plus, Mary, ancienne religieuse, devient un symbole maternel pour Will, dont la
quête s'achève en même temps que celle de Lyra.
Et comme dans toute histoire à forte connotation mythologie, la fin de la quête ne se ferra pas sans sacrifice. Qu'il soit physique (Will perd deux doigts dans
La Tour des Anges, tout comme Frodo en perd un dans
Le Retour du Roi), spirituel (la séparation d'avec leur deamons), et même sentimental (Will et Lyra ne
pouvant pas vivre l'un avec l'autre, chacun devant retourner dans son monde). Même les pouvoirs de chacun devront être abandonnés (le couteau pour Will et le pourvoir de
Lyra de lire l'aléthiomètre). En comparaison, la saga d'
Harry Potter, pourtant destiné
à la même audience (les jeunes et les adolescents) laisse pratiquement totalement de côté la partie sacrificielle, rendant la saga de
J.K. Rowling de ce point de vue là plus timide et lisse que celle de
Philip Pullman.
Mais
A la croisée des mondes, s'il s'inspire clairement du mode de fonctionnement des récits épiques et mythologiques, puise aussi son inspiration ailleurs, et
en particulier dans les grands récits de science-fiction modernes, et en particulier chez
Zelazny et son
cycle des Princes d'Ambre (les voyages à travers les
mondes parallèles),
Philip K. Dick (l'utilisation du I-King comme moyen de divination permettant de comprendre le
fonctionnement de l'univers, comme dans
Le Maître du Haut-Château), ou bien encore
Dan Simmons et son
fabuleux
Endymion / L'Eveil d'Endymion (l'amour impossible et la séparation déchirante à travers le temps/
les dimensions entre les êtres aimés). Inspiration ne voulant en aucun cas (en tout cas chez
Philip Pullman) dire
plagiat, cela ne diminue nullement le plaisir que l'on prend à lire cette saga.
A noter aussi une forte ressemblance avec le cycle de
Greg Keyes,
l'Age de la déraison, qui traite, tout comme
A la croisée des mondes, de la lutte entre les humains
et les anges, une lutte dans les deux cas animée par la jalousie.
Philip Pullman saura tirer une larme aux fans de la petite Lyra et de ses amis, arrivant habillement à jouer avec les
attentes du lecteur (et en particulier du jeune lecteur, le vieux briscard sentant venir l'auteur à l'avance), tout comme il arrive à conclure brillamment une saga qui pouvait
facilement s'effondrer sous son propre poids, l'auteur ayant mis la barre relativement haut en termes de prétentions narratives.