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Le Maître du Haut Château


 


 
Le Maître du Haut Château, édition Le Masque

Auteur

Philip K. Dick

 

Genre

Science Fiction
 

Année de sortie

1962
 

Résumé


 
En 1947 avait eu lieu la capitulation des alliés devant les forces de l'axe. Cependant que Hitler avait imposé la tyrannie nazie à l'est des Etats-Unis, l'ouest avait été attribué aux japonais.
Quelques années plus tard la vie avait repris son cours normal dans la zone occupée par les nippons. Ils avaient apporté avec eux l'usage du Yi-King, le livre des transformations du célèbre oracle chinoisa dont l'origine se perd dans la nuit des temps. Pourtant, dans cette nouvelle civilisation une rumeur étrange vint à circuler. Un homme vivant dans un haut château, un écrivain de science-fiction, aurait écrit un ouvrage racontant la victoire des alliés en 1945...


 


Avis

Note :
 
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L'uchronie est un genre à part dans le riche univers de la science-fiction puisqu'il propose, au lieu de s'évader vers des futurs plus ou moins proche comme c'est bien souvent le cas dans la SF, de réécrire l'histoire, sur le monde du "et si": Et si les sudistes avaient gagné la guerre de Sécession dans autant en emporte le temps de Ward Moore (ce roman étant par ailleurs l'une des références majeures de Philip K. Dick pour son maître du Haut château), et si la peste noire avait décimé les trois quart de la population européenne dans chronique des années noires de Kim Stanley Robinson, et si la magie avait existé au temps de la conquête de l'ouest dans les chroniques d'Alvin le Faiseur d'Orson Scott Card, et si Christophe Colomb n'avait pas conquis l'Amérique dans la rédemption de Christophe Colomb du même auteur, et si Adolph Hitler avait fait le choix de devenir auteur de science-fiction dans rêves de fer de Norman Spinrad. Et, bien entendu, et si les Alliés avaient perdu la Seconde Guerre Mondiale dans le maître du Haut château.
Le livre de Philip K. Dick, couronné en 1963 par le Hugo du meilleur roman, est un récit d'une densité thématique et d'une précision qui expliquent en grande partie son succès. En effet, nul question ici d'aventures extraordinaires (ou si peu), l'intérêt est ailleurs. Dans le rapport à la réalité tout d'abord. En nous montrant une trame historique autre, l'auteur nous force déjà à réfléchir sur notre propre histoire, mais aussi à mettre en avant la force de malléabilité de l'être humain, capable de s'adapter à toute forme de situation ou presque, restant la même personne sous des dehors à priori différents (ici, la religion/le Yi-King, le pouvoir, la guerre froide, ...). Et Philip K. Dick de finir son histoire de la façon la plus énigmatique possible, l'une des fins les plus singulières d'une œuvre pourtant bien souvent hermétique. En effet, l'une des trames narratives du roman met en avant un livre dans le livre, la sauterelle pèse lourd, uchronie dans l'uchronie, qui apparaît à la fin comme reflétant la réalité, à savoir un monde où l'Allemagne et le Japon ont perdu la guerre, et ce parce que l'oracle du Yi-King (une autre trame narrative à priori totalement cloisonnée de la première), ayant guidé l'écriture de la sauterelle, a énoncé la vérité. Alors, si le Japon et l'Allemagne ont perdu la guerre, la réalité que connaissent les protagonistes de l'histoire est donc fausse, tout comme peut aussi l'être potentiellement la réalité du lecteur. Et dans ce cas, où se trouve le véritable niveau de réalité (si tant est qu'il en existe un l'exemple de la sauterelle montrant une mise en abysse de plus en plus profonde du concept même de vérité)?
Ces questions, pratiquement tous les personnages dickiens viennent à se les poser. Que ce soient les héros d'Ubik, de Blade Runner, de coulez mes larmes, dit le policier, d'au bout du labyrinthe, ou bien encore du bal des schizos.
 
Le maître du haut château mélange volontairement les genres. Sur une base d'uchronie, et donc de S-F, Philip K. Dick cherche à imposer un récit mainstream (l'auteur a cherché toute sa vie durant à s'imposer en tant qu'auteur mainstream, et ce sans succès, son talent n'étant reconnu que dans le monde de la science-fiction), avec une pointe d'espionnage et de politique. Sur ce dernier point, l'auteur nous montre comment, et ce quel que fussent les vainqueurs, il était inévitable de tomber dans une Guerre Froide au niveau mondiale, Japon et Allemagne remplaçant les blocs occidentaux et communistes. Et l'histoire de se répéter pour les vaincus, les Etats-Unis apprenant petit à petit à se reconstruire sur les cendres de leur défaite, tout comme Japon et Allemagne, privés d'armées suite à leur défaite, sont devenus des puissances économiques de premier plan.
L'espionnage est abordé de feux façons. L'une via l'histoire de M. Baynes, espion type cinquième colonne, cherchant à empêcher le bombardement atomique du Japon (ce pays étant visiblement prédestiné, dans tous les multivers, à connaître l'horreur d'une attaque atomique). L'autre, via celle de Juliana, où un espion nazi cherche à assassiner Hawthorne Abendsen, l'auteur de la sauterelle pèse lourd.
 
Le maître du haut château est un roman sur le faux, peut-être le plus schizophrénique de tous les romans de Philip K. Dick, alors même que, chose rarissime chez l'auteur, aucun de ses personnages n'est atteint de cette maladie mentale. Le roman est comme une poupée russe de contrefaçons et de mensonges, dont en voici quelques facettes:
l'uchronie, symbole d'un univers faux par définition.
les faux objets historiques américains, fabriqués de toutes pièces par Frank Frink (l'un des nombreux personnages du roman à porter un faux nom, soit dit en passant), l'un des personnages principaux du roman, et vendus par Robert Childan, un autre héros du récit.
les fausses identités, de Frank Frink à Rudolf Wegener, en passant par le général Tedeki, Joe, et même Juliana, qui se fait passer à un moment pour une autre personne. Toutes symbolisent parfaitement le mensonge ambiant.
le livre dans le livre, faux monde dévoilant un autre faux monde.
la maison d'Hawthorne Abendsen, censée être un bunker imprenable, et n'étant finalement qu'une banale maison de banlieue.
...
 
Et cet univers d'être dominé par un oracle, le Yi-King, influençant, dans les faits sinon par destiné écrite, tous les événements du récit (à tel point que l'on est en droit de se demander si le récit n'a pas été écrit par Philip K. Dick en utilisant les tirages du Yi-King). Cette idée d'influence divine ou en tout cas surnaturelle, jamais attestée de façon absolue dans le récit, est une idée que l'on retrouve bien souvent chez un auteur pour qui dieu n'est jamais très loin, et ce quelle que soit la forme que l'on veut bien lui prêter.
 
Le maître du haut château est un livre qui traite de la lutte des classes, de la lutte des races, de la lutte des idéologies, mais aussi et surtout de la lutte des univers! Et Philip K. Dick, démiurge de son propre multivers, de créer des mondes tout ce qu'il y a de plus vrai comme Frank Frink créé des reliques tout ce qu'il y a de plus véridiques. Peut-être le plus grand chef d'œuvre de Philip K. Dick, ni plus ni moins.
 

 
Le Maître du Haut Château, chez J'ai Lu   Le Maître du Haut Château, chez J'ai Lu   Le Maître du Haut Château, chez J'ai Lu

 

 


 
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