
Deux ans avant
J.K. Rowling et sa saga
Harry Potter, le Royaume Uni voit sortir une saga de fantasy à destination de la jeunesse qui va
connaître un succès phénoménal. Il s'agit de
La Croisée des Mondes de
Philip Pullman.
Un succès aussi inattendu que le sera celui de la saga du
petit sorcier à lunettes, et qui
finira même par recevoir la prestigieuse Carnegie Medal l'année suivant sa sortie, en 1996.
Les points communs entre les deux sagas sont nombreuses: une preuve à destination de la jeunesse, un monde magique (dans le cas de
Philip Pullman on peut même parler de plusieurs mondes magiques), un jeune héros au destin prévu depuis
la naissance (une fille dans
A la croisée des mondes, et un garçon dans
Harry Potter),
un héros sans parents (abandonné par des parents aux ambitions de dimension divine chez
Philip Pullman, et
orphelin chez
J.K. Rowling), ...
Mais là où l'histoire de
J.K. Rowling reste très lisse, le cycle de
Philip Pullman se veut critique, voir douloureux, pour les institutions, et en particulier l'Eglise. L'auteur, athée
non seulement convaincu mais aussi revendicatif. L'attaque contre l'Eglise est virulente dans
Les Royaumes du nord, ce qui lui fut reproché (mais qui n'a pas bloqué
le succès du roman): Dénonciation de la manipulation des classes religieuses sur le commun des mortels, des mensonges d'état, et bien entendu, au fond, du mensonge absolu
que représente Dieu.
Le rôle des parents est aussi fortement critiqué dans le roman. Mais, il ne faut pas prendre à la lettre les rapports amour/haine entre les parents de
l'héroïne et cette dernière. Là aussi, le symbolisme anticlérical est fort, avec l'un luttant contre l'Eglise, et l'autre pour, et dans les deux cas contre
Lyra. Le passage, non pas encore à l'âge adulte, mais à l'adolescence est bien souvent violent. Et comme la vérité est toujours (normalement)
véhiculée par les parents, ici absents, il est tout à fait normal que Lyra fasse appel à un être extérieur, en l'occurrence
l'aléthiomètre, relique pratiquement intelligente.
L'un des succès du roman tient aussi dans des personnages qui suivent les humains partout, les daemons. Qui, en effet, n'a jamais rêvé d'avoir un ami magique? L'auteur
a eu l'idée de ces personnages, désormais indissociables de la saga, pour rendre explicite les premiers chapitres du roman, où Lyra se glisse dans le salon où
se réunissent les grandes instances du Jordan College. En donnant à son héroïne un personnage à qui parler,
Philip Pullman se donne ainsi la possibilité d'expliquer les événements de façon naturelle.
Le roman est très mouvementé, avec de nombreux retournements de situations, des personnages attachants, et un fond plutôt intéressant. Mais, le cycle reste
écrit à destination d'un jeune public, et les adultes sentiront parfois lourdement le poids narratif que cela implique. En comparaison, un
Harry Potter se lit plus facilement quel que soit son âge.
Le roman fut porté à l'écran en 2007 par
Chris Wetz sous le nom d'
A la croisée des mondes, la boussole d'or,
reprenant en cela le titre américain (
The Golden Compass) plutôt que le titre anglais (
Northern Lights). Le film n'a pas connu le succès escompté
et les suites ne furent jamais tournés, faisant de ce film une tentative gâché de porter cette oeuvre si intéressante à l'écran.