
L'uchronie est un genre à part dans le monde de la science-fiction et de la fantasy. Par science-fiction, on entend généralement
(à tort) histoires futuristes mettant en scène des technologies incroyables et des voyages intersidéraux (comme par exemple chez
Isaac Asimov . Par fantasy on comprend souvent mondes magiques ou en tout cas fantastiques,
bien souvent (mais pas toujours) dans un passé fantasmé de l'humanité (l'exemple le plus connu étant
Le seigneur des anneaux de
J.R.R. Tolkien, dans le sous genre de l'heroic fantasy). L'uchronie serait quand à elle
un subtil mélange de ces deux sous-genres, avec comme impératif de se dérouler dans notre passé, de préférence
proche (en général les XVIIIème ou XXIXème siècles). Les exemples les plus connus de ce genre sont la saga
d'
Alvin le faiseur d'
Orson Scott Card et bien entendu
le maître du haut château de
Philip K. Dick.
Greg Keyes, avec sa tétralogie de
l'âge de la déraison, nous plonge
dans un XVIIIème siècle totalement fantastique, où l'alchimie est une science qui fonctionne, à tel point que d'aucuns
deviennent pratiquement immortels grâce à ce procédé, tandis que d'autres inventent des armes de destruction massives à
faire pâlir tous nos armements modernes. Les personnages principaux de cette saga ne sont autres que Benjamin Franklin, Isaac Newton, Louis XIV
et bien d'autres encore, ainsi que quelques personnages inventés par l'auteur. Comme tout américain qui se respecte,
Greg Keyes voit en son compatriote,
Benjamin Franklin, le plus génial de tous. Ce qui
n'étonnera personne, le Père fondateur des Etats-Unis ne pouvant être que l'homme le plus important du Monde...
C'est bien du côté du réalisme historique que le cycle de
Greg Keyes pose
problème. Les personnages réels sont traités de façon extrêmement superficiels, et il semble évident que
l'auteur ne s'est pas attaché à respecter les hommes qui ont fait notre histoire (mis à part
Benjamin Franklin,
évidemment). A tel point qu'il est parfois bien difficile de reconnaître l'Homme derrière le personnage de fiction. Bien sur, il est
normal de faire des concessions vis à vis de la réalité historique, afin de rendre son histoire plus dramatique, ou à minima
intéressante, mais trop de concession tue la crédibilité de l'histoire.
Dommage, car
Greg Keyes maîtrise le rythme de son récit, et sait créer de
façon régulière des cliffhangers (en gros, toujours laisser un personnage dans une situation dangereuse en fin de chapitre). Un roman
comme
le code Da Vinci est soit dit en passant uniquement écrit sur ce mode.
En tout cas, le roman se lit très facilement, et ce grâce à un récit très fluide (tout comme dans son autre cycle,
les royaumes d'épines et d'os). Indéniablement, l'auteur a pris des cours d'écriture et en a tiré des leçons.
Un lecteur aguerri y trouvera peut-être à redire (le côté trop forcé de l'écriture au détriment de la
spontanéité, ou en tout cas de l'impression de spontanéité), mais il serait toutefois dommage de bouder un roman tel que
celui-ci, qui en donne pour son argent, à savoir détendre son lecteur.
A noter que tout comme
Orson Scott Card dans
la stratégie Ender,
l'utilisation de pseudos chez
Benjamin Franklin a beaucoup inspiré
Greg Keyes.
Mais là où
Card arrivait à en transcender le concept,
Greg Keyes ne fait que revisiter l'histoire. Etrangement,
Benjamin Franklin n'en sort pas
grandi, alors que le roman se veut une sorte d'ode au génie de l'Homme.
Le roman
les démons du Roi-Soleil fut récompensé par le Grand Prix de l'imaginaire (catégorie roman étranger) en 2002.
Titre précédent / Titre suivant de la Saga de l'âge de la déraison
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