Franck Thilliez persiste et signe avec son nouveau roman dans le genre qui la caractérise, à savoir le polar ultra sombre
aux références cinéphiliques constantes. Il était donc logique qu'un jour, l'auteur de
la chambre des morts se retrouve confronté à
La Conspiration des ténèbres de
Theodore Roszak, sans doute le thriller le plus connu (et sans doute le plus réussi) sur base de film maudit. Et
le syndrome [E] de piocher allégrement dans le roman de
Theodore Roszak, y récupérant à la fois le
concept des images subliminales doublement cachées dans un film perdu, l'époque où le dit film a été tourné (l'âge d'or du cinéma Hollywoodien),
la disparition mystérieuse de son auteur. Même le message caché dans le film s'avère très proche de celui de
La Conspiration des ténèbres. L'hommage est trop forcé pour ne pas au mieux faire grincer des dents,
au pire accuser
Franck Thilliez de plagiat.
Du côté du cinéma et de la télévision,
Le Syndrome [E] s'inspire, comme pratiquement tous les romans de l'auteur, des séries policières type
les Experts, mais aussi de
la fin absolue du monde, l'épisode de la série des
Masters of Horror réalisée par
John Carpenter où la vision d'un film maudit pousse les gens au suicide (épisode lui-même proche d'un autre
film du même
Carpenter,
l'Antre de la folie, où
c'est cette fois-ci la lecture d'un livre qui rend fou). Enfin,
le syndrome [E] a un côté
la nuit des fous vivants (ou son remake
The Crazies) assez notable. Sans
parler de l'anecdote concernant
les yeux de la forêt, un des films mystérieux du roman, qui est une transposition fictionnelle du vrai film
Cannibal Holocaust de
Ruggero Deodato, scène du pal comprise, ainsi bien sur que l'obligation par la justice pour le cinéaste de prouver que les acteurs de son films étaient encore en vie!! Une
anecdote hallucinante qui montre à la fois le talent de mise en scène de l'homme et la crédulité des instances officielles.
Si reconnaître les influences cinématographiques de l'auteur est comme un jeu avec le lecteur, il est à double tranchant, car il montre les limites du romancier (inspiration plus
qu'influence, voir plagiat, avec tout ce que cela implique de déjà-vu et de perte de suspense), et surtout permet bien souvent au lecteur de prendre de l'avance sur l'intrigue, ce qui
est toujours dommageable dans un thriller.
Franck Thilliez s'en sort toutefois honorablement, en partie grâce à une gestion
judicieuse du rythme, et aussi de par son sujet même, toujours efficace (en gros, les expériences menés par les gouvernements à l'insu des populations qu'ils sont
censés protéger).
Le Syndrome [E] est aussi, après les semi-échecs que furent
Fractures et
L'Anneau de Moebius un moyen de revenir dans la course, en créant un cross-over entre ses deux héros fétiches,
Franck Sharko (
Train d'enfer pour Ange Rouge et
Deuil de miel) et Lucie Henebelle (
La Chambre des morts et
La Mémoire fantôme). Par contre, il est dommage que leur histoire soit aussi transparente et prévisible, fin
en forme de cliffhanger compris (une fin qui ouvre d'ailleurs sur la suite,
Gataca).
Si
le syndrome [E] se lit avec plaisir (on peut même dire qu'il se dévore), il montre toutefois les limites de son auteur,
Franck Thilliez, qui montre, au bout de presque dix romans, qu'il a bien du mal à évoluer (ses précédentes
tentatives pour sortir de son genre ne sont pas de franches réussites). Cependant, bien que moins connu qu'un
Maxime Chattam (qui lui
aussi place l'une de ses intrigues au Caire, dans
le sang du temps),
Franck Thilliez arrive à proposer des intrigues plus intéressantes, et des personnages plus fouillés, bref, à
se hisser dans le haut du panier des auteurs de polars non seulement français mais mondiaux.