Maxime Chattam s'est depuis quelques années forgé une bonne réputation
dans le milieu du policier, et ce, grâce essentiellement à sa
trilogie du mal
(
l'âme du mal,
In tenebris, et
Maléfices).
Le sang du temps, écrit plus récemment, est un
roman "stand alone", sans aucun rapport avec ses précédents romans.
Alors que l'on pouvait s'imaginer que son style allait s'améliorer au fil des romans, passant d'intéressant à passionnant, c'est
hélas tout le contraire qui se produit. On retrouve les défauts déjà présents dans sa
trilogie du mal,
et plus précisément dans le premier volume,
l'âme du mal, avec un
découpage du récit très artificiel, et trop visible. Le côté trop binaire du récit (un chapitre pour Marion,
un autre pour Matheson, puis de nouveau Marion, ...) est typique de son auteur, et marque un manque de maturité de conteur encore non
résolu. S'il s'agissait du seul problème de ce roman, cela pourrait encore passer, mais malheureusement le récit accumule
lourdeurs, maladresses, voir même incohérences (la perle du roman: le détective Matheson qui utilise son téléphone
portable, et ce en 1928!, suivi de près par une référence à
Agatha Christie présenté comme l'auteur telle
qu'elle est connue aujourd'hui, alors qu'en 1928 elle ne commençait qu'à peine sa carrière).
Le roman met un certain temps (voir un temps certain) à rentrer dans le vif du sujet, vif du sujet représenté par un journal intime
vieux de 75 ans. Il est assez difficile d'impliquer le lecteur avec un livre dans le livre, et encore plus lorsqu'il s'agit de thriller ou de
fantastique. Là où un
H.P. Lovecraft excellait dans le domaine (le journal
intime était la grande spécialité du reclus de Providence),
Maxime Chattam
fait un hors sujet et se plante au final en beauté. Le problème majeur étant de nous raconter le journal intime à la
troisième personne (et non à la première), voir même de prendre comme personnage de point de vue d'autres personnes (ce qui
est d'un point de vue narratif avantageux mais d'un point de vue réaliste totalement impossible et illogique). Résultat, il est très
difficile de croire dans toute cette partie se déroulant au Caire. C'est d'autant plus dommage que tout le côté thriller est
lié à l'enquête de l'inspecteur Matheson.
Ajoutons enfin à cela un retournement de situation final de l'enquête risible et ne rimant strictement à rien, remettant totalement
en cause la raison d'être de ce journal intime. Comme si un twist ridicule ne suffisait pas l'auteur en remet une couche à la dernière
page, presque pire que le précédent.
Le roman donne véritablement l'impression d'avoir été bâclé par son auteur. Au final, il semble que l'histoire a
échappé à son créateur, qui s'est laissé porté par l'ambiance plus que par la cohérence. C'est d'autant
plus dommage qu'il y a de très nombreuses bonnes idées dans
le sang du temps, et que cela aurait pu aboutir à un excellent
roman entre des mains expertes.
Il est plutôt préférable de se tourner vers les autres récits de l'auteur, bien plus réussis que celui-ci.