
Ne pouvant plus utiliser son personnage de Sharko (
Train d'enfer pour ange rouge
et sa suite
Deuil de miel), en raison du destin bien particulier qui lui est
reservé, l'auteur de policier français
Franck Thilliez se devait donc de
créer un nouveau personnage d'enquêteur. Ce sera une enquêtrice, Lucie Henebelle, policière dans le Nord de la France,
région chère à l'auteur, jeune mère de deux petite jumelles, qui lui poseront bien des problèmes, d'ordre aussi bien
professionnelle que privé. Le personnage est intéressant, car crédible, avec ses problèmes, ses doutes, et ses difficultés
propres à sons statut de mère célibataire, devant à la fois gérer ses deux enfants et sa carrière (surtout celui
de policier de terrain). Les deux héros de l'auteur sont donc l'antithèse l'un de l'autre, leurs seuls points communs sont le sens de la
responsabilité, le travail qui empiète sur le privé, ainsi qu'un certain déséquilibre psychologique (cependant totalement
diffèrent entre les deux personnages).
Une fois le héros campé, il faut trouver une histoire à raconter. S'éloignant de la région parisienne,
Franck Thilliez va donc plonger son enquêtrice dans une sombre histoire
d'enlèvement, dans la région lilloise. Comme si cela ne suffisait pas, viennent s'ajouter à cette trame un tueur en série,
ainsi que la disparition d'un magot de 2 millions d'euros. Le lecteur, dans le roman, en sait beaucoup plus que la police, et ce dès les
premières pages du roman, car les détenteurs du magot sont connus dès le premier chapitre, tandis que l'on découvre très
vite que le tueur en série et le kidnappeur sont une seule et même personne. A priori... Car l'auteur arrive finalement à brouiller
les pistes, et ce qui semblait évident au début du roman peut s'avérer faux, ou bien seulement partiellement vrai.
L'auteur aime toujours autant les scènes chocs, plongeant encore une fois le lecteur, après
Train d'enfer pour ange rouge, dans le milieu glauque du sadomasochisme,
ainsi que dans les tortures et la mise à mort d'animaux. Même si le rapport entre le sadomasochisme et les tueurs en série est
purement romanesque, et sert uniquement à déstabiliser le lecteur, il est vrai que les tueurs en série ont très souvent
commencé leur "carrière" avec des animaux.
Franck Thilliez le sait, et cela
joue sur la crédibilité de son histoire. De même que tous les passages mettant en scène la police scientifique. Moins bien
documenté que son homologue
Maxime Chattam (et pour cause), l'auteur ch'timi n'en est
pas moins très bien documenté. De plus, il maitrise bien mieux le suspens et tient bien mieux son lecteur que
Maxime Chattam.
Toujours aussi inspiré de la culture américaine (et en particulier le cinéma), on retrouve encore dans
la chambre des morts une
influence certaine du film de
Jonathan Demme,
le silence des agneaux, en particulier dans le climax du roman. Même si l'inspiration
n'est pas réellement avouée par l'auteur (ce qu'on pourrait lui reprocher, même si dans ce roman l'un de victimes se nomme
Clarice, comme l'héroïne du chef d'oeuvre de
Jonathan Demme, ce qui pousse à penser que l'auteur en a), le talent de narration de
l'auteur permet d'en faire abstraction. En effet, le dernier tiers du roman n'est qu'un constant retournement de situations, riche en rebondissements et
en surprises.
Seuls légers défauts de ce roman, un whodunit final dont l'auteur aurait pu se passer (quelle est donc cette manie, aussi bien au
cinéma que dans les romans de toujours vouloir faire intervenir un whodunit dans ce genre d'histoires!), et une histoire qui part dans un petit
peu trop de directions.
Légèrement moins bons que le diptyque de l'inspecteur Sharko
(
Train d'enfer pour ange rouge et
Deuil de miel),
La chambre des morts reste un roman de qualité qui
donne envie de continuer les aventures de la jeune policière Lucie Henebelle, qui reviendra dans
La mémoire fantôme.
Le roman de
Franck Thilliez a été adapaté en 2007 au cinéma par
Alfred Lot.