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Triangle

Affiche du film

 


 

Titre original

Triangle

Synopsis

Six amis partent en voilier pour la journée mais après avoir subi une tempête aussi violente qu'inattendue ils dérivent sur l'épave de leur bateau. L'espoir renaît lorsqu'un paquebot les recueille jusqu'à ce qu'ils constatent qu'il n'y a personne à bord....jusqu'à ce que l'hécatombe commence.

Genre

Fantastique

Année de production

2009

Angleterre Australie

Date de sortie en France

3 août 2010 (DTV)

Réalisateur

Christopher Smith

Musique

Christian Henson

 
 

Casting

Acteur
Photo
Rôle
Melissa George Jess
Joshua McIvor
Joshua McIvor Tommy
Michael Dorman Greg
Henry Nixon
Henry Nixon Downey
Rachael Carpani
Rachael Carpani Sally
Emma Lung
Emma Lung Heather
Liam Hemsworth Victor
Bryan Probets Le chauffeur

 

Récompenses

Festival de Gérardmer Festival de Gérardmer
catégorie
Année
Gagnant
Prix du meilleur inédit vidéo2011 

 

Critique du Film

Note :
 
 
 
 Le paquebot mystérieux de Triangle, de Christopher Smith

 
La quadrature du cercle

Quoique sorti (qui plus est directement en DVD) après Black Death (lui aussi en DTV) du même Christopher Smith, Triangle fut pourtant tourné une année avant Black Death. Et si les deux films n'ont pas connu de distribution salles ce n'est pas en raison de leur piètre qualité, loin s'en faut. Le problème est plutôt à aller chercher du côté des diktats de la distribution salles, spoliant véritablement les productions indépendantes au profit des blockbusters, non seulement bien plus aptes à engranger des millions de $, mais aussi et surtout bien souvent produit par les diffuseurs eux-mêmes! De la même façon, le film de Jonathan Levine, tous les garçons aiment Mandy Lane, c'était vu cantonné au rayon DVD, sans passer par la case cinéma.
Triangle, avec son budget anémique (on parle de moins d'un million de $), Christopher Smith souhaite pourtant donner le change, en livrant un film n'ayant rien à envier aux films de genre à gros budget. Ainsi, on retrouve pêle-mêle, des images filmées majoritairement en extérieur (à Brisbane, en Australie), un paquebot abandonné, une tempête en pleine mer, une tête d'affiche de prestige (Melissa George, une habituée des films de genre), des effets spéciaux (y compris en CGI) nombreux -mais discrets-, des plans de caméra stylisés (dont une traversée de miroir bluffante), le tout servi par un scénario complexe, surprenant, penchant plus du côté d'un Shining que d'un énième slasher lambda, comme son affiche peut le laisser (volontairement?) craindre.
 
Melissa George dans Triangle, de Christopher Smith

 
Mais alors, de quoi parle Triangle? Il s'avère en fait difficile de parler du film sans en dévoiler les principales surprises. Tout au plus peut-on en dire que le film n'est pas qu'un slasher, et ce même si il cite expressément le tueur du vendredi (le masque du tueur mystérieux), penche vers la quatrième dimension, site ouvertement Shining, et offre une descente aux enfers pour un personnage campé avec brio par une Melissa George qui trouve ici son meilleur rôle à ce jour.
Christopher Smith a, comme toujours, écrit le scénario de son film, peaufinant son idée de base jusqu'à en tirer cette histoire à tiroir où chaque scène peut être vue (et sera vue) sous plusieurs angles possible, tout en évitant la redite et l'effet de répétition, à priori inhérent à son sujet. L'écriture y est pour beaucoup, tout comme l'est la mise en scène, une mise en scène qui change d'un acte à l'autre, passant des cadrages posés du premier acte à ceux plus chaotiques du second, avant de revenir petit à petit à des plans "propres" pour le troisième et dernier acte. Triangle est indéniablement un film maitrisé d'un point de vue formel et thématique, à tel point que nombre de grosses productions friquées feraient mieux de prendre exemple sur ce "petit" film (quand on pense aux millions de $ dépensés dans les scénarios de films tels que Tranformers, Hancock, ou autres X-Men Origins: Wolverine, pour à chaque fois des résultats pour le moins médiocre, voir incohérents....).
 
Melissa George en danger dans Triangle, de Christopher Smith

 
///SPOILERS///
Triangle est une relecture du mythe de Sisyphe, cet homme condamné pour l'éternité à châtier sa peine en recommençant encore et encore la même tâche pour avoir cherché à tromper les dieux. Le personnage mythologique est d'ailleurs cité explicitement dans le film, donnant ainsi un indice au spectateur quand à ce qui l'attend. Ici, le personnage de Jess, pétrie de culpabilité, se voit confronté à un perpétuel recommencement temporel où la mort et la violence lui permettront, pense-t-elle, de changer les choses et de revenir en arrière. Ces accès de violence peuvent être interprétés de multiples façons, à chacun d'y trouver sa réponse, Christopher Smith ne donnant volontairement pas toutes les clés de son film. Il est ainsi possible d'imaginer le personnage de Jess incapable de gérer les situations de stress intense autrement que par la violence, en particulier cette violence de tous les jours, insidieuse et perfide, qui vient corrompre et détruire les liens qui l'unissent à son fils. Peut-être aussi cherche-t-elle à "échanger" une mort contre une autre, l'escalade devenant inévitable, avec comme conséquence de toujours devoir aller plus loin dans l'horreur (là où pourtant le film est de moins en moins violent visuellement).
Peut-être aussi elle-t-elle "tout simplement" tombée dans le Triangle des Bermudes, et s'est-elle retrouvée sur un navire hanté? Peut-être encore est-elle elle-même morte, contrairement à ses amis qui eux sont bien vivants, et se retrouve-t-elle dans une sorte de purgatoire dont elle doit trouver la sortie? Ou bien peut-être encore est-elle devenue folle, usée par une vie dont elle n'arrive plus à émerger, et qui devient de jour en jour de plus en plus dure?
///FIN SPOILERS///
 
Melissa George fait une macabre découverte dans Triangle, de Christopher Smith

 
///SPOILERS///
D'une construction très intelligente, le film de Christopher Smith joue avec les règles cinématographiques pour mieux les contourner. En effet, un film est classiquement constitué de trois actes, l'introduction ou présentation des personnages et enjeux, le développement de l'histoire, puis sa conclusion. Dans le cadre du cinéma de genre, habituellement conçu comme une sorte montagne russe, les actes s'accélèrent généralement en termes de rythme, pour finir sur un climax endiablé, le dernier acte étant habituellement le plus court. Ici, il n'en est rien. Le premier acte est le plus long, se terminant sur un double cliffhanger, le premier voyant le personnage de Jess vaincre (à priori) l'ennemi mystérieux qui a décimé ses amis, le film étant alors à priori terminé; et le entraînant l'histoire de façon inattendue vers un fantastique tournant autours du paradoxe temporel, et ce via un plan où la caméra traverse un miroir (une image récurrente et centrale dans le film), créant un effet de malaise pour le spectateur et marquant le début du véritable cauchemar. Ce premier acte est comme un mini film, où l'on retrouve les trois parties, introduction (la présentation des personnages), le développement (le naufrage puis la chasse à l'homme sur le paquebot), et la conclusion (le combat final entre Jess et le tueur masqué). Commence alors un deuxième acte, plus court que le premier (ce qui est soi est déjà assez rare), changeant totalement de rythme (plus rapide, plus chaotique dans sa façon de filmer), lui aussi découpé en trois sous parties (explication des mystères du premier acte, analyse des possibilités, et prise en main -ou tout du moins tentative- des événements, dans le but d'une sortie du cauchemar. Et logiquement, cette seconde partie, où l'on comprend vite que le tueur masqué n'est autre que Jess, se conclue par la chute du navire de la version masquée de Jess, pendant de l'autre côté du miroir (justement) de la fin du premier acte. Là aussi, il s'agit presque d'un mini film dans le film, la fin du deuxième chapitre pouvant très bien être la fin du film. Le troisième et dernier chapitre vient encore une fois tout chambouler. Reprenant un rythme plus posé, cet acte s'avère plus long que le second (alors que "la règle" veut qu'il soit le plus court du film), et là où le spectateur pense n'avoir affaire qu'à une simple conclusion (pratiquement tous les films se terminent par une fin posée, en particulier après des scènes fortes, une façon d'indiquer que le spectacle est terminé), il se retrouve face à une nouvelle facette de l'histoire, revenant cette fois-ci sur le premier acte en l'éclairant d'une nouvelle façon, répondant à de nouvelles questions, le tout en enfonçant encore plus profondément le clou du cauchemar que vit l'héroïne.
Le film dans son ensemble représente, plus qu'une boucle temporelle, un véritable nœud de Moebius temporel, où le spectateur suit l'héroïne dans ses pérégrinations. Le film montre trois boucles s'entremêlant entre elles, chacune commençant à un étage supérieur du pont (le premier commençant au niveau de l'eau, et le dernier, logiquement, sur le pont supérieur).
Triangle est un film véritablement mené de main de maître par Christopher Smith, qui montre son talent à la fois de conteur, mais aussi de metteur en scène, arrivant à rendre lisible une histoire pourtant complexe, d'autant plus qu'il ne donnera pas toutes les clés de son histoire dans le film (un exemple: le chauffeur de taxi n'est-il pas le passeur des âmes, Jess se retrouvant bloqué dans l'entre deux-mondes pour ne pas avoir payé son trajet et lui avoir menti?).
///FIN SPOILERS///
 
Melissa George par delà le miroir dans Triangle, de Christopher Smith

 
Triangle est aussi un film référentiel, citant quelques classiques du genre. On retrouve l'influence d'un film comme L'Année dernière à Marienbad (le souvenir tronqué, source de culpabilité), mais aussi la série la quatrième dimension ou bien Shining.
Dans le cas de la quatrième dimension, Triangle aurait très bien pu en être un épisode. D'ailleurs, il existe un épisode de la série au pitch très proche, la nuit du jugement, qui prend pour cadre un sous-marin. L'influence est tout à fait avouée et assumée.
Quand à Shining, difficile en effet de ne pas penser au film de Stanley Kubrick. En effet, Christopher Smith le cite explicitement au travers du numéro de la cabine où se retrouvent régulièrement Jess et ses camarades de galère, le numéro 237, qui se trouve être celui de la chambre maudite de l'Overlook. De plus, les longs couloirs interminables de l'Aeolus ressemblant eux aussi à s'y méprendre à ceux de l'Overlook. De même, les miroirs sont au centre des deux films, symbolisant à la fois la multiplicité des mondes parallèles et la folie du personnage principal. Enfin, thématiquement parlant, les deux films ont en commun de laisser planer le doute quand à la véracité des faits, peut-être entièrement issus de l'esprit malade du héros.
Quand au cas Timecrimes (2007), il semble avoir servi de modèle à Christopher Smith, et pourtant le cinéaste anglais a toujours affirmé ne jamais avoir vu le film de Nacho Vigalondo.
Le titre même du film est riche en interprétation possible. Fait-il référence au Triangle des Bermudes, et ce même si ce dernier n'est jamais explicitement cité? Est-ce seulement le nom du voilier à l'origine des malheurs des protagonistes du drame? Ou bien encore, est-ce lié à la forme narrative du film, à savoir trois actes liés entre eux, formant au final une boucle fermée sur elle-même.
 
Melissa George face à l'étendue de l'océan dans Triangle, de Christopher Smith

 
Triangle est un film abouti techniquement et narrativement parlant, peu couteux, qui ne se moque pas de son public. S'il connut bel et bien une sortie en salles en Angleterre, ainsi que dans quelques rares pays à travers le monde (la Belgique, les Pays Bas, et ... c'est à peu près tout), les recettes furent pour le moins légères (environ 500 000 £). Et ce malgré des critiques plutôt flatteuses, aussi bien de la part des professionnels que du public.
 
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  Film Pourquoi
L'Armée des douze singes L'Armée des douze singes Parce que dans une bonne histoire de paradoxe temporel, le héros (ou l'héroïne) peut à la fois déclencher et subir les événements
Shining Shining Parce que le film de Stanley Kubrick est l'une des influences majeures du film de Christopher Smith, en particulier quand au doute qui existe quand au fait que l'histoire n'est peut-être que le fruit de l'esprit dérangé du héros
Inception Inception Parce qu'il existe des films qui prennent le spectateur pour des gens intelligents, où film cryptique ouvert à interprétation peut rimer avec grand spectacle
Source Code Source Code Parce que les deux films tournent autours de l'éternel recommencement temporel
Un jour sans fin Un jour sans fin Parce qu'il est possible de traiter des boucles temporelles aussi bien de façon horrifique, comme chez Christopher Smith, que de façon comique, comme chez Harold Ramis.
Dagon Dagon Parce que dans les films d'horreur, faire du voilier entre amis est toujours signe avant coureur d'horreur cauchemardesque.
Timecrimes Timecrimes Parce que les deux films, produit à la même époque, partage un concept similaire, à savoir celui d'un homme remontant dans le temps et se retrouvant confronté à lui-même et qui va de fil en aiguille empirer une situation qu'il cherchait à améliorer
 
 


 

Conclusion

Si l'affiche de Triangle laisse craindre un énième slasher décérébré, avec des héros poursuivi et décimé un à un par un malade masqué, cette fois-ci sur un bateau, il n'en est en fait (pour ainsi dire) rien! Le film de Christopher Smith est à la fois surprenant, novateur, d'une précision narrative et visuelle qui frise la perfection (quelques SFX numérique, par manque de budget, viennent cependant relativiser cette constatation). Quelle honte qu'il ai fallu attendre deux ans et une sortie en vidéo pour pouvoir découvrir un film qui aurait amplement mérité une sortie en salles. Surtout qu'il offre à son interprète, Melissa George, l'un de ses tous meilleurs rôles, à la fois victime et bourreau, capable de faire ressentir tour à tour empathie ou haine par le spectateur.
Triangle est un film qui n'est pas prémâché, et qui force le spectateur à réfléchir, comme rares sont les films encore à le faire.
 
Affiche promotionnelle de Triangle, de Christopher Smith

 

 


 
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