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![]() Tout le monde la sait: Monter un film de science-fiction en France est pratiquement impossible. Mis à part Luc Besson, appuyé il faut dire par son aura et sa boîte de production, rares sont les cinéastes hexagonaux à réussir à le faire. Et lorsque cela se produit, seuls quelques tous petits millions d'euros leur sont confiés (là où les américains n'hésitent pas à mettre 100 millions de $ pour le moindre film de genre). Dante 01, n'échappant pas à la règle, et ce malgré le nom de Marc Caro attaché au projet, n'aura le droit qu'à 4 pauvres millions d'euros, autant dire rien. Pour se donner une idée, la scène finale initialement prévue par Caro avait, à elle seule, été chiffrée à 4 millions, soit le prix total du film. Inutile de dire que cette fameuse scène restera à jamais dans le carton. Cela n'empêchera pas le cinéaste de faire appel à des acteurs réputés, Lambert Wilson et Dominique Pinon en tête. Ainsi qu'à Linh Dan Pham (De battre mon cœur s'est arrêté), Bruno Lochet, ou encore Francois Levanthal et Gérald Laroche (Maléfique). Des acteurs (et actrices) solides, qui devront se mettre à nu pour leur rôle. Au sens propre du terme, dans le cas de Linh Dan Pham. Mais tous seront poussés dans leurs derniers retranchements, en particulier par un rasage complet (y compris pour les deux actrices du film, Linh Dan Pham et Simona Maicanescu). Si ce geste n'a l'air de rien, il est en fait très important (en plus de tous les mettre au niveau du réalisateur, Marc Caro): en effet, ce rasage a pour effet de déformer l'image de l'acteur (flagrant pour Lambert Wilson, qui apparaît ici très anguleux), qui se doit de totalement changer sa façon d'appréhender son jeu (c'est encore plus marqué pour les femmes, dont la séduction, qu'on le veuille ou non, passe beaucoup par la chevelure), surtout que les costumes sont identiques pour tous. En tout cas, tous se sont prêtés avec plaisir à la coupe à zéro, marquant ainsi leur confiance et leur envie de jouer pour Marc Caro (certains, comme Dominique Pinon, n'en étant pas à leur première collaboration avec le cinéaste). ![]() ![]() Il faut dire qu'en plus de travailler avec Caro, les acteurs se trouvent face à l'occasion de travailler sur un scénario de l'un des plus grands auteurs de science-fiction de l'Hexagone, à savoir Pierre Bordage (accompagné par Marc Caro et David Martinez pour la partie dialogues). L'histoire, qui se déroule en huis-clos, cherche la voie de l'originalité (le seul moyen de faire face à un manque flagrant de moyens), ainsi que celle de la réflexion. En effet, tout comme dans Eden Log (de Frank Viestel), tout n'est pas prémâché pour le spectateur. Ce dernier se doit de se concentrer un minimum, voir même de réfléchir pour comprendre l'histoire, au risque de s'aliéner une partie du public potentiel (mais en contrepartie en attirant des cinéphiles plus difficiles). L'esthétisme (en particulier les décors) est très soigné, et si parfois les effets spéciaux (les extérieurs) peinent à se hisser au niveau de l'excellence, l'effet général est très satisfaisant. Bien sur, l'ambiance n'est pas sans rappeler celle d'un Alien 3 (crânes rasés compris), ce qui est plutôt amusant lorsque l'on sait que son ancien compère est partie réalisé Alien, la résurrection; voir, pourquoi pas, celle d'un 2001, l'odyssée de l'espace, mais toujours avec ce petit quelque chose d'indéfinissable qui fait la patte Caro (celle des enfants de la cité perdue en particulier). Quoique limité par l'exigüité des décors, la caméra s'avère mobile, et Caro enchaîne les mouvements de caméra originaux et dérangeants. En particulier en utilisant la caméra sanglée à l'acteur (technique rendue célèbre par Darren Aronofsky dans son génial Requiem for a dream). Tout cela non dans le but de se faire plaisir (comme ce peut être le cas pour certains réalisateur, de David Fincher -Fight Club- à Jean-François Richet -dans Assaut sur le central 13- ou encore Florent Emilio Siri -Otage), mais bel et bien afin de rendre service à l'histoire et aux acteurs. En particulier à Lambert Wilson dont le personnage, pratiquement muet, et à moitié à côté de la plaque, ne peut exprimer ses émotions que difficilement. L'acteur jouera aussi beaucoup avec son corps, qu'il aura musclé à l'envi pour le film, montrant ainsi à ceux qui en doutaient encore, qu'il est très loin d'être cet acteur dandy que beaucoup voudraient voir en lui. ![]() ![]() Si techniquement et visuellement parlant le film s'en sort plutôt bien, il en va de même du côté de l'émotion et de l'intérêt. Si le cinéaste s'est amusé à disséminer des symboles tout au long de son film (les noms des personnages, en soi représentatif de leur personnalité, les couleurs de chaque prisonnier, directement repris du symbolisme oriental, mais aussi les créatures tentaculaires que seul Saint Georges arrive à voir), leur accès et leur compréhension par le spectateur est plus ardue, voir parfois pratiquement impossible à appréhender (les couleurs différenciant chaque prisonnier par exemple). C'est fort dommage, car ce symbolisme est pour beaucoup dans la compréhension du film, qui sinon laisse un goût de mystère (ce qui est soit n'est pas péjoratif) trop marqué, trop peu de choses ayant de réponses. A la limite, à la fin du film, le spectateur en sait encore moins qu'au début, ce qui est plutôt gênant. Caro a volontairement voulu que son film reste opaque, afin que chacun y trouve ce qu'il désire y trouver, mais l'effet est trop marqué, et une distanciation se créé vite entre le spectateur et l'oeuvre. Au lieu de rappeler les meilleurs oeuvres du genre (comme par exemple, pour rester dans l'Hexagone, Eden Log ou Renaissance), Dante 01 aurait plutôt tendance à faire penser à un The Fountain à la française (là où Caro aurait plutôt été chercher l'inspiration du côté de Requiem for a dream du même Aronofsky). Et c'est bien dommage, car Marc Caro est capable de bien mieux que cela. |