Salem est le second roman de
Stephen King à paraître, après
Carrie. Si son premier roman est une histoire
originale de l'auteur,
Salem est quand à lui fortement inspiré du
Dracula de
Bram Stoker, un roman qui avait marqué l'écrivain lorsqu'il l'avait lu.
Stephen King déplace l'histoire de
Bram Stoker dans le temps (le XXème sièle pour le premier, contre le
XIXème siècle pour le second, dans les deux cas l'histoire étant contemporaine à l'auteur et à la sortie du roman), dans l'espace (les Etats-Unis au lieu de
l'Angleterre), mais aussi l'environnement (une grande ville chez
Stoker -Londres-, contre un petit village rural chez
Stephen King).
En fait, dans les deux cas, les auteurs n'ont fait qu'écrire une histoire se déroulant dans l'environnement qu'ils connaissent le mieux.
On retrouve aussi dans ce
Salem beaucoup du film de
Don Siegel,
L'Invasion des profanateurs de sépultures (1956), où tous les habitants d'une ville se mettent à
se comporter de façon étrange, des entités extra-terrestres les remplaçant petit à petit.
Stephen King, sur un fond d'histoire horrifique d'un classicisme absolu, pose en fait les bases de son univers. En créant une petite
ville pour ainsi dire vivante par elle-même, tout d'abord, un thème qui se retrouvera dans pratiquement tous ses romans futurs, de
Ça à
Insomnie, et d'une façon ou d'une autre, tous ses romans ou presque. Plus que vivante, la ville façon
Stephen King est à la fois un refuge, où les gens ses sentent bien, chez eux, à, l'abri de tout (et surtout de l'Histoire),
mais aussi, en même temps, une entité maléfique et dangereuse (en cela,
Ça est l'exemple le plus typique de la pensée de l'auteur).
Autre thème transverse à l'œuvre de
King: l'étranger. Jamais totalement accepté, l'étranger symbolise le
changement, et donc le mal, les villes chez
King étant toujours une sorte de cristallisation d'un certain bonheur (certes de
façade) à l'américaine. Comme dans
Bazaar, c'est l'arrivée d'un commerçant étranger (symbole dans les deux cas du pacte avec
le diable) qui va venir semer le chaos dans la petite ville américaine. Et même si le héros est considéré lui aussi comme un étranger, son passé est
ancré dans la ville (ici Jerusalem's Lot), et le personnage ne pourra avancer dans sa quête de lui-même qu'en venant exorciser ses démons dans le village (il en va de même
dans
Ça).
Ben est aussi le premier héros de l'auteur à être écrivain. Un archétype qui reviendra constamment chez
King,
de
Ça (encore et toujours), à
Misery, en passant par
Sac d'os,
La Part des ténèbres, ou bien encore
Les Tommyknockers. Comme si
Stephen King avait besoin de se mettre lui-même en scène, encore et toujours, l'exorcisme et la quête de soi touchant non
pas le personnage de papier mais l'auteur.
L'écriture de
King, quand à elle, est déjà figée dans son style: Entre les flashbacks réguliers,
les personnages secondaires d'un naturalisme imagé (presque tous les personnages de l'œuvre de l'auteur pètent, rotent, pissent, chient, le but étant de les rendre
"crédibles"), les références permanentes à la culture populaire, de Coca-Cola au Rock'n-Roll, en passant par les marques de voitures (américaines de
préférence, même si ici le héros conduit une Citroën, une façon de montrer qu'il est bel et bien un étranger), la bière et la
télévision (on est bien loin de la culture classique et la plume plus travaillée d'un
Dan Simmons, un auteur très
régulièrement comparé au
King).
Salem reste l'un des romans les plus prenant du maître, en raison sans doute de son classicisme (car la mythologie vampirique évite à l'auteur de s'embarquer dans des visions
pseudo-lovecraftienne rarement maîtrisé, comme par exemple dans
Insomnie,
Ça, ou bien encore
Les Langoliers), ainsi que de la mémoire collective lié au
mythe du vampire (de
Nosferatu à
Christopher Lee, en passant bien
entendu par
Klaus Kinsky et
Béla Lugosi, le cinéma a popularisé l'image du mort-vivant). Enfin, l'auteur n'ayant pas peur de se débarrasser de ses personnages,
mêmes ceux à priori principaux (tout comme avait su le faire
Bram Stoker en son temps), le roman s'avère très efficace, sans doute bien plus que la majorité des
autres romans de l'auteur, des romans d'ailleurs souvent surévalués.
Salem est donc ni plus ni moins que l'un des tous meilleurs romans de son auteur.