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Insomnie



 
Insomnie, de Stephen King, chez Albin Michel

Auteur

Stephen King

Genre

Fantastique
 

Année de sortie

1994

Résumé

Des visions étranges peuplent les nuits insomniaques de Ralph Roberts : deux nains en blouse blanche une paire de ciseaux à la main, de singulières auras colorées... Devient-il fou ? N'est-il pas plutôt victime d'une volonté supérieure qui lui donne des pouvoirs paranormaux ?
Tandis qu'une agitation incontrôlée gagne la ville de Derry à propos d'une clinique où se pratiquent des avortements, Ralph se transforme en justicier, bien malgré lui...
Stephen King réveille les forces obscures qui sommeillent au plus profond de l'esprit humain. Son Insomnie est un thriller démoniaque qui vous plonge au cœur d'une folie collective et vous étreint comme un cauchemar hallucinant.


 

Avis

Note :
 
Insomnie, de Stephen King, en Livre de Poche Tous les lecteurs de Stephen King le savent pertinemment: l'auteur aborde constamment les mêmes thématiques (les peurs venant de l'enfance, la paralysie de l'écrivain face à la page blanche, le mur qui sépare les générations -en particulier entre enfants et adultes-, les violences conjugales, le sexe, ...). Insomnie, en ce sens, est un roman typique de King. Mis à par la phénomène de la page blanche, absent du roman, tous les autres thèmes sont présents ici. Les violences conjugales, tout d'abord, au centre même du roman (mais malheureusement décrite de façon tellement caricaturales que cela en devient gênant), un thème que l'on retrouve dans des romans comme Ça, Cujo, Shining l'enfant lumière, ou bien encore Rose Madder. Le fossé entre les générations ensuite (lui aussi présent dans Ça, un roman bien plus proche d'Insomnie qu'il y parait de premier abord), mais pour une fois inversé, puisque ce ne sont plus des enfants face à leurs parents, mais bien le contraire, les parents ayant maintenant atteint l'âge de la retraire. Cependant, à bien y regarder, Stephen King les traite relativement de la même façon, à savoir des personnages qui n'ont pas (plus) leur place dans la société, et qui ne sont pas (ou plus) autonome et ont donc besoin des vrais adultes (ceux qui ne sont ni des enfants ni des membres du troisième âge). C'est en tout cas l'idée qu'en ont les "adultes". Qu'ils soient des enfants ou des personnes âgées, les héros de King voient des choses qu'ils sont seuls à voir (en particulier dans Ça), et ils font face à des problèmes mortels qu'ils sont seul à pouvoir résoudre. Le sexe, lui aussi, est bel et bien présent dans ce roman, mais sans les descriptions détaillées (mais finalement bien sages) auxquelles nous a habitués l'auteur. Car si Stephen King nous dit que le troisième âge a lui aussi le droit aux plaisirs du sexe, il n'ira pas jusqu'à détailler l'acte (car, à bien y regarder, Stephen King est d'un politiquement correct dans sa vision du sexe qui en dit long sur lui, et plus important encore, sur sa façon d'écrire et son côté purement mercantile). Enfin, le thème des peurs enfantines, ici clairement associé à la peur de la mort, est le cœur de la partie fantastique du roman.
Le roman stigmatise de façon à la limite du grotesque les hommes violents envers leur femme ou enfant (un sujet tel que celui-ci méritant bien mieux que celui d'Insomnie), en faisant des hommes violents des terroristes en puissance, ni plus ni moins, capable de tout ou presque (y compris d'envoyer des malades mentaux tuer des vieillards!), diaboliques au dernier point, le Diable incarné. A trop pousser le trait, Stephen King ridiculise son sujet. Surtout lorsqu'il implique que les femmes battues se tournent ensuite vers le sexe faible, symptôme (à ses yeux du moins) de l'état d'anéantissement de la psyché de ses pauvres femmes. Si ce changement de sexualité n'avait été qu'anecdotique (et surtout expliqué par des raisons autres que les coups d'un mari violent), cela aurait pu passer, mais l'auteur y revient sans cesse. Et dans le cas inverse, à savoir un homme battu par une femme, celui-ci deviendrait-il homosexuel? L'horreur étant un genre qui demande de juger finement la psychologie pour pouvoir faire vibrer les cordes au bon moment, le lecteur est en droit de se demander comment Stephen King peut faire peur avec de tels raisonnements de bas étage.
Plus grave encore, il remet en question le mode d'écriture de l'auteur, les techniques d'écriture, aussi bien en termes de timing, d'effets de surprise, de choix des mots (en particulier dans les descriptions chocs, horrifiques et sexuels en particulier), que de thématiques. En effet, à bien y regarder, la calibrage des textes apparaît clairement, ainsi que la cible: l'américain moyen, qui lit pour se détendre et qui ne veut pas réfléchir plus que de raison, qui désire retrouver un environnement douillet (son Amérique de rêve, celle des douces banlieues sans problèmes, où la culture populaire est omniprésente, au contraire de la culture "élitiste", pour ainsi dire totalement absente), à le recherche de sensations fortes (mais pas trop dérangeantes tout de même), la tout saupoudré d'une once d'émoustillement (le sexe, mais là aussi, un sexe très american way of life approuved). En fait, une sorte de littérature de gare, version haut du panier.
 
Insomnie est peut-être, contrairement à ce que le titre pourrait laisser entendre, l'un des romans les plus soporifiques de Stephen King. En effet, entre une histoire extrêmement prévisible, des personnages manquant cruellement de personnalités, des enjeux dramatiques faibles (reconnu à demi-mots par l'auteur même au cours du récit, et uniquement "crédibilisés" par le besoin de sauver la vie d'un enfant bien particulier), et par dessus tout une écriture mécanique totalement transparente, ce roman ne pourra satisfaire que les fans les plus ardus de l'auteur. D'ailleurs, celui-ci doit en être conscient, tant il saupoudre Insomnie d'allusions à ses principaux romans:
La Tour sombre: Cité à tour de bras dans le roman, le cycle de Roland Deschain se retrouve tout au long du roman, et tout particulièrement dans la seconde moitié, avec la découverte de la raison véritable de l'intervention de Ralph, à savoir le sauvetage du petit Patrick Danville, ainsi que la présence du Roi Pourpre, l'ennemi de Roland.
Ça: les deux histoires se déroulent dans la même ville de Derry, et l'on y retrouve des personnages de Ça, que ce soient les héros Mike Hanlon (qui est ici le patron d'Helen), Benjamin Hanscom, la présence (suggérée) de Ça (son aura dans un égout, par exemple), mais aussi au travers du rappel du meurtre d'Adrian Mellon, ainsi que de nombreuses autres références plus ou moins directes.
Simetierre: dans l'antre d'Atropos, Ralph retrouve une chaussure ayant appartenu à Gage, le petit enfant qui se fait écraser dans Simetierre, et qui se retrouvera au centre de l'histoire horrifique du roman. Ainsi, Stephen King laisse entendre que la mort de l'enfant est due à Atropos.
Creepshow: Ralph fait un cauchemar dans le roman où il voit sa femme ensevelie sous le sable, avec la marée montante, à l'identique du destin d'Harry et de sa petite amie dans le film de George A. Romero (tiré des écrits de King, faut-il le rapeller?).
Sac d'os: deux des personnages principaux d'Insomnie, à savoir Ralph Roberts et Joe Plussaj, font une apparition dans sac d'os.
 
Insomnie fait indiscutablement partie des romans les plus faibles de son auteur, qui se cache derrière son univers étendu, et en particulier ses titres les plus vendus (Ça, la Tour sombre, Simetierre) pour crédibiliser son histoire. Une histoire qui manque cruellement de suspense, et qui peine à masquer le manque d'inspiration d'un auteur sans doute trop prolifique. La quantité au détriment de la qualité, en quelque sorte.

 


 
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