Raymond Khoury aura eu du mal à se faire éditer, son premier script étant déjà présenté
par l'auteur (et refusé), en 1996. Il sera finalement accepté en 2005, après quelques remaniements, et un engouement marqué de la part du public pour ce genre de
récits, dans la droite ligne des romans de
Dan Brown,
Da Vinci Code en tête. Le succès mondial de ce dernier roman,
sorti en 2003, n'est évidemment pas neutre dans l'acceptation du script de
Raymond Khoury. Il faut dire que les deux histoires ont
beaucoup de choses en commun. Le sujet tout d'abord, puisqu'il est dans les deux tomans questions de secrets pouvant remettre en cause les fondements mêmes de la chrétienté, avec
ce que cela implique de manipulations de la part de l'Eglise, d'énigmes à résoudre, et de secrets à percer. Et sur la forme ensuite, puisque là aussi, les deux
romans se présentent sous la forme d'une course-poursuite policière, où un mystérieux tueur à la solde de Rome fait le ménage sur la route de nos deux
héros (des héros qui soit dit en passant répondent aux mêmes archétypes, mais de façon inversée, que dans le roman phare de
Dan Brown).
Il est vrai que
le dernier templier supporte mal la comparaison avec
le Da Vinci Code (moins d'énigmes et de révélations renversantes, rythme moins haletant,
personnages moins attachants). Cependant, même "isolé", le premier roman du scénariste
Raymond Khoury peine à
convaincre: situations souvent à la limite du crédible, preuve en est ces scènes d'archéologie sous-marines, qui sont de ce point de vue là absolument
emblématique, autant du point de vue de la facilité qu'ont les personnages à trouver des sites à priori pour le moins compliqué à identifier que le déni
de l'auteur de tout réalisme (des parchemins restés des centaines d'années sous l'eau et qui n'ont pas pris l'humidité!!). La psychologie des principaux personnages est
elle aussi caricaturale à l'extrême, l'exemple le plus frappant étant de revirement (hautement prévisible) où l'on voit le croyant changer son fusil d'épaule
concernant son rapport à la foi, tandis que l'athée fait de même, inversant les positions initiales et donnant raison, de façon tellement consensuelle et bien pensante,
au plus grand nombre. Le fond du roman, à savoir en gros que les sociétés ne tiennent que par le ciment que représente la religion, est on ne peut plus discutable, l'auteur
oubliant allègrement que l'humanité a "survécu" à plusieurs dizaines de religions sans pour autant s'autodétruire. Car, faut-il le rappeler, la religion n'a jamais,
et ce contrairement à ce que prêchent les prêtres, imams et autre rabbins, guidé les hommes en matière de morale (cf. le très clair
pour en finir avec dieu de
Richard Dawkins).
Malgré ses nombreux défauts, le roman se lit facilement, surtout dans sa première partie, de loin la meilleure. En effet, dans la seconde partie (à partir du départ
des Etats-Unis), l'histoire se perd, tombant dans le cliché des histoires d'aventures, et laissant en route l'approche "sérieuse" (ou en tout cas réaliste) de la première
partie. La facilité d'approche du
dernier templier explique sans doute en partie le succès du roman,
Alors, même si un auteur citant (par deux fois)
Umberto Eco ne peut pas foncièrement être mauvais, il faut bien
reconnaître qu'il y a fort à parier que sans le succès du
Da Vinci Code de
Dan Brown, jamais ce
dernier templier
n'aurait connu un tel succès (ni d'ailleurs, il y fort à parier, d'éditeur). Quand au contenu proprement dit, il ne recèle rien de bien nouveau (on retrouve même des
traces de
l'énigme sacrée, déjà à l'origine du
Da Vinci Code) et, mené par une trame
scénaristique balisée, risque de ne jamais surprendre le lecteur, alors même que tout l'intérêt de ce genre de roman se trouve là. Bref, si le roman est une
réussite d'un point de vue commercial, il est difficile d'en dire autant d'un point de vue artistique.