Troisième et avant dernier tome du cycle
des royaumes d'épines et d'os,
le chevalier de sang fait suite
au
prince charnel. Il reprend exactement là où le tome
précédent s'arrêtait (ce qui fait qu'il peut être difficile de suivre le fil du récit si l'on ne lit pas les tomes
les uns dans la foulée des autres, comme cela est le cas si on les lit au fur et à mesure de leur sortie). Les personnages sont toujours
aussi nombreux (ce qui ajoute là aussi à la confusion), et la trame de l'histoire loin d'être aussi simple qu'il n'y parait (et comme
c'est malheureusement bien trop couvent le cas dans la production d'heroic fantasy actuelle). Les personnages arrivent plutôt bien à
éviter le piège de l'archétype de ce genre de romans (le guerrier, le magicien, le voleur, le prêtre), même si on
retrouve quelques incontournables du genre, à savoir le guerrier et le prêtre. Cependant, il faut bien dire que ces deux archétypes
sont depuis toujours les personnages principaux des aventures et des grandes sagas de chevalerie (la saga du roi Arthur et de ses chevaliers de la
Table Ronde par exemple est basé sur la rencontre de ses deux archétypes, représenté par les chevaliers et Arthur d'un
côté et Merlin et le roi pêcheur de l'autre).
Dans la saga de
Greg Keyes les personnages présentent un attrait certain pour le
lecteur, même si leur psychologie est bien moins profonde que celle des héros de
l'assassin royal, de
Robin Hobb par exemple. Le plaisir de suivre les aventures de la princesse Anne et de ses
compagnons est toujours là, même s'il faut noter une légère baisse de qualité dans ce roman. La principale raison
étant que les deux premiers volumes étaient nimbés de mystère, tandis que cet avant-dernier volume commence à
révéler les secrets de l'histoire. Malheureusement, comme toujours, la découverte du secret est moins intéressante que
l'aura de mystère. Un cinéaste comme
Alfred Hitchcock avait
bien compris ce principe, ses films s'intéressant en général très peu au pourquoi, et bien plus au comment (ce qui au
cinéma s'appelle un McGuffin). Dans le monde du roman, et plus particulièrement de la fantasy,
le secret de Ji et ses suites
(du français
Pierre Grimbert) subissait le même revers, les derniers
chapitres étant bien moins passionnants que les premiers.
Cela n'empêche pas de
Chevalier de sang de se dévorer, essentiellement grâce au talent de conteur (et à l'intelligence
d'un auteur qui sait comment construire un récit pour plaire à son public) d'un
Greg Keyes qui n'en est pas à son coup d'essai. Un exemple de la technique
employée par l'auteur, toujours efficace même si parfois un petit peu trop voyante: toujours finir un chapitre sur un cliffhanger. Ainsi,
le lecteur veut toujours en savoir plus, et se met à dévorer les pages (et en demande toujours plus). C'est exactement ce qui fait le
succès d'un best seller comme le
da Vinci Code, bien plus que les soi-disant secrets et révélations contenues dans le
roman.
On sent aussi chez
Greg Keyes un travail en amont du roman, au niveau de la création de
son monde et de sa cohérence. Moins poussée que chez
Tolkien, il n'en reste pas
moins que l'auteur va bien plus loin que la grande majorité des auteurs de fantasy, ne serait-ce que dans sa réflexion sur les
langues et leurs évolutions dans le temps, au travers du personnage de Stephane, linguiste qui se retrouve dans ce roman à la recherche
d'une montagne perdue où il doit découvrir de sombres secrets cachés depuis le début des temps.
Même si cette saga n'est pas au niveau des meilleures du genre (
le seigneur des anneaux,
de
J.R.R. Tolkien,
Conan, de
R.E. Howard, ou bien encore
Elric de
Michael Moorcock),
elle n'en reste pas moins d'une facture supérieure à la moyenne, pleine de rebondissements, de magie et d'aventures. Les amateurs en
auront indubitablement pour leur argent.
La saga se conclue avec
la dernière reine.