Le Prince Charnel reprend donc les aventures de la princesse Anne, poursuivie par des assassins mystérieux, là où le premier
volume,
Le roi de Bryuère les avaient laissées. Toujours aidée de
sa servante, Austra, ainsi que de ses deux amis Z'accato et Cazio, elle cherche à revenir à Eslen, où se trouve encore sa
mère, la reine Murielle, aux prises avec un complot cherchant à la tuer et à prendre sa place. Parallèlement à cela,
le forestier du roi, Aspar White, lui aussi accompagné de ses amis, sa fiancée Winna et son ami le prêtre Stéphane,
cherche à percer le secret de la résurgence de monstres de légendes dans sa forêt, ainsi qu'à tuer le Roi de
Bruyère, ceci sur l'ordre du praifec Hespero. D'un autre côté, le chevalier Neil est mandé par la reine, qui a trouvé
une aide inattendue de la part de l'ancienne maîtresse de son défunt mari, Alis Berrye, pour retrouver sa fille disparue. Enfin, comme si
tous ses personnages ne suffisaient pas, l'auteur ajoute un nouveau personnage de point de vue, le compositeur Leovigild Ackenzal, qui prendra une
importance égale aux personnages que le premier volume nous avait déjà fait aimer.
Il était à craindre que l'accumulation de personnages principaux (on ne parle même pas des personnages secondaires) ralentisse le
cours du récit et embrouille l'esprit du lecteur. Le talent de conteur de
Greg Keyes est
tel qu'il n'en est rien. C'est même le contraire exact qui se produit, tant l'envie de savoir ce qui arrive aux différents protagonistes
est fort.
D'autant plus que ce volume arrive à remettre en cause nombre de points qui semblaient acquis à la lecture du premier tome. Souvent, dans
les cycles, les épisodes centraux sont plus faibles que les premiers et derniers. En effet, on ne peut conclure les histoires, sans quoi le
dernier tome n'aurait plus de raison d'être, et sauf cas exceptionnel, le monde est déjà posé et connu, les volumes centraux
servant en général à recentrer l'histoire et surtout à donner l'envie de lire le dernier tome.
Le Prince Charnel
arrive à briser cette loi et à être plus passionnant que le premier. La raison en est une accélération des
événements, et quelques retournements de situation bien sentis.
Tout comme chez le français
Pierre Grimbert et son
secret de Ji,
Greg Keyes arrive à sortir du carcan actuel de l'heroic-fantasy (le guerrier, le magicien,
le voleur, le prêtre, faute à 30 ans de prédominance du jeu de rôle chez les auteurs de fantasy), et à nous proposer
des personnages moins caricaturaux (mais néanmoins archétypaux, l'heroic fantasy se nourrissant d'archétypes). On retrouve aussi
cette démarcation chez
Robin Hobb, en particulier dans son
cycle de l'assassin royal.
Une des grandes forces de l'auteur dans ce cycle est d'avoir su donner un passé à son monde, que l'on ressent particulièrement au
travers des langues inventées par l'auteur, ainsi que leur impact sur l'histoire du monde.
Le talent de
Greg Keyes est indéniable, et le
cycle des royaumes d'épines et d'os est un très bon roman d'Entertainment. L'avant-dernier volume,
le chevalier de sang reprend là où
le prince charnel
se termine.