Jefferson Smith est très aimé des Boys Rangers, un club de jeunes garçons qu'il dirige. Cet homme populaire et naïf est une affaire pour le gouverneur Hopper et son chef politique Jim Taylor, qui en font un sénateur idéal pour couvrir leurs sombres histoires. Mr. Smith devient alors vite la risée du Congrès et est, malgré lui, compromis dans une affaire louche. Après un moment de découragement et grâce à sa secrétaire, il prend la parole au Sénat et la garde vingt-trois heures durant!

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Sénat sans jamais oser le demander
 
Aujourd'hui considéré comme l'un des films majeurs du cinéma américain, Mr Smith au sénat a indéniablement une place à part dans l'univers culturel de l'Oncle Sam. Et ce pour plus d'une raison. Tout d'abord, le film possède un côté didactique très marqué, avec visite des grands monuments à la gloire de l'Amérique démocratique à l'appui, explication du fonctionnement de cette grande institution qu'est le Sénat, ainsi bien entendu que le rêve américain, où tout un chacun peut arriver au plus haut poste, et ce même s'il est d'origine modeste. Deux exemples dans notre monde moderne? Ronald Reagan, acteur de seconde zone devenu président des Etats-Unis d'Amérique; et Arnold Schwarzenegger devenu quand à lui gouverneur de Californie, lui qui n'était même pas né américain.
Le film de Frank Capra possède qui plus est un sens moral typiquement américain, où les puissants méchants sont vaincus par le courage d'un seul homme, bon et honnête, mais sans appui aucun, étant même la risée des puissants.

 

 
Initialement, ce film aurait du être la suite de L'extravagant Mr Deeds, que Capra avait filmé en 1936, avec Gary Cooper dans le rôle principal. Mais l'acteur n'était pas disponible, et Frank Capra d'imaginer James Stewart à la place. Les deux hommes avaient déjà ensemble (vous ne l'emporterez pas avec vous, en 1938), et le cinéaste avait été marqué par le côté monsieur tout le monde de l'acteur (le grand cinéaste Alfred Hitchcock fera de James Stewart son acteur fétiche pour exactement la même raison). Cela déplut par contre à l'actrice Jean Arthur, qui avait travaillé avec Gary Cooper sur L'extravagant Mr Deeds et qui trouvait James Stewart trop beau gosse, ainsi que pas assez charismatique, pour le rôle. L'actrice était alors au top de sa carrière. Cependant, après coup, elle considérera Mr Smith au sénat comme son film favori de toute sa carrière.
Une chose est sure par contre, c'est que James Stewart avait pleinement conscience de l'importance de ce rôle pour sa carrière, au point de limiter les parcours en voiture afin d'éviter le moindre accident, et être sur de pouvoir se donner à fond dans son rôle. Même s'il ne finit qu'avec une simple citation aux Oscars, force est de constater que la performance de l'acteur est à la hauteur des espérances. Parfait lorsqu'il s'agit de jouer le jeune homme intimidé par l'institution sénatoriale, et surtout génial lors de son final, luttant pour garder la parole au Sénat pendant les presque 24 heures que dureront son combat contre le mensonge. Pour se casser la voix, l'acteur fit même à des substances nocives, comme le chlorure mercurique.
Content de leur collaboration, James Stewart et Frank Capra se retrouveront en 1946 pour tourner leur troisième (et dernier) film ensemble, la vie est belle.
A noter que l'actrice Beulah Bondi joue ici la mère de James Stewart. Ce rôle lui collera à la peau toute sa carrière, car elle tiendra le même rôle pas moins de cinq fois dans sa carrière: Mariage Incognito, en 1938, Of Human Hearts, en 1938, Mr Smith au Sénat, la vie est belle, en 1946, ainsi que dans The Jimmy Stewart Show en 1971.
 

 
Tout comme Hitchcock le ferra quelques années plus tard pour le tournage de La mort aux trousses, Frank Capra dut "voler" les images des monuments nationaux, le tournage dans ces lieus étant strictement interdits. Mais le cinéaste jugeait ces images trop importantes, en particulier celles concernant le Lincoln Memorial, pour être tournées en studios. Le Sénat, quand à lui, bien entendu, fut reconstruit en studio, car pour le coup il était véritablement impossible d'y installer une équipe de tournage. Mais le film a cherché à être aussi véridique que possible dans la reconstruction du lieu.
Si le film a pu se faire, c'est bien entendu grâce à la ténacité du cinéaste. Meurtri dans sa chair suite à la disparition de l'un de ses enfants, emporté par une amygdalectomie, le réalisateur voulait à tout prix de plonger dans une histoire forte, capable de lui faire oublier en partie le chagrin. Quoi de mieux que cette histoire de lutte pour la liberté et la démocratie, à une époque ou l'Europe est plongée justement dans la guerre et où la dictature prend de l'ampleur dans le monde entier. Dans un premier temps, la censure voulait refuser le script, jugeant qu'un tel film serait dangereux pour la nation, donnant une image par trop négative des institutions gouvernementales. Finalement, bien entendu, le film fut greenlighté.
Même si la fin du film fut changé (on devait voir James Stewart revenir en héros au pays), le film reste fidèle à ce que Frank Capra avait imaginé. Ce film est plus sombre que les précédents films du cinéaste, et marque indéniablement un tournant artistique dans la carrière de l'homme.
 

 
A sujet sensible, sorite difficile. Tout d'abord que le sol américain, où même si avec le recul le film est clairement un film de propagande (mais ne faisant en même temps aucunement de politique, puisqu'aucun parti n'est cité dans le film) Mr Smith au Sénat fut très mal accueilli par les critiques et les sénateurs. Les premiers jugèrent que le film était procommuniste (!!!) et anti-américain, en montrant un Sénat gangréné par la corruption. De l'autre côté, les sénateurs qui, en plus de la corruption, n'acceptaient pas d'être montrés comme des vieux profiteurs fainéants. La presse non plus n'accepta pas l'image qui était donnée d'elle dans le film, apparaissant comme étant à la solde des plus riches (mais pourtant, n'est-ce pas exactement ce qu'elle est?). Mais le public, lui, suivit, et applaudit le film, qui flattait les valeurs démocratiques de la nation. Ce qui fait qu'aujourd'hui, il est considéré, en tout cas aux Etats-Unis, comme l'un des meilleurs films jamais tournés.
En Europe, l'accueil fut tout autre. Interdit en Allemagne, en Russie, en Italie et en Espagne (en gros, tous les pays où la démocratie était bafouée), le film fut tout bonnement interdit, tandis que dans d'autres pays du Vieux Continent, le doublage était tourné à l'avantage du gouvernement en place.
 

 
Aux Etats-Unis, le film a connu un tel succès (il suffit de voir le nombre de citations aux Oscars pour comprendre l'ampleur du phénomène) que des années durant Frank Capra reçut des lettres de fans lui déclarant avoir épousé la carrière de politicien suite à la vision de son film. Une très belle marque d'amour.
En 1949, une suite est envisagée, titrée Mr smith starts a riot. Mais jamais elle ne sera tournée. Puis, en 1952 un remake féminin est étudié. Le premier rôle devait être tenu par Jane Wyman, oscarisée peu de temps auparavant, mais là encore, le projet ne put aboutir.
Malgré ces tentatives avortées, le film reste l'une des oeuvres majeures de cette période pourtant généreuse en chef d'oeuvre, et reste l'une des meilleures performances de James Stewart.
 
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Ce film, qui marque le changement de sensibilité de Frank Capra, passant qu'un optimisme à un pessimisme marqué, est aujourd'hui considéré aux Etats-Unis comme l'un des meilleurs films jamais tournés. En Europe, par contre, il gène encore par son didactisme et son patriotisme trop présent, ainsi que ses bons sentiments trop américains.
Bien sur, le talent de cinéaste de Frank Capra est indéniable, et le talent de ses acteurs principaux, James Stewart, Jean Arthur et Claude Rains, ne peut être mis en doute.
Même si le sujet reste intemporel, le film date de part une certaine forme de naïveté, typique du cinéma de Frank Capra.
A chacun de se faire son opinion sur un film qui, malgré ses qualités, a de quoi gêner certaines sensibilités.