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Les Mémoires d'Elizabeth Frankenstein



 
Les Mémoire d'Elizabeth Frankenstein, au format Poche

Auteur

Theodore Roszak

 

Genre

Fantastique
 

Année de sortie

1995
 

Résumé

Recueillie par la baronne Frankenstein, la jeune Elizabeth est introduite dans le monde secret des sorcières et initiée à l'alchimie, aux lois de la nature et à celles du corps humain. De son côté, Victor, fils légitime de la baronne, ne jure que par la raison et le savoir: il prétend pouvoir créer une vie qui ne naîtrait pas du ventre de la femme mais de la science. C'est finalement un monstre que va créer ce nouveau Prométhée...
 
Après La Conspiration des ténèbres, Theodore Roszak signe là un roman d'une intelligence diabolique, gothique, féministe, dans lequel il rend un vibrant hommage à Mary Shelley.
 
De l'alchimie au magnétisme animal de Mesmer, le père de l'hypnose, du savoir des matrones aux Réveries de Rousseau jusqu'au mysètre du plaisir féminin, autant de sujets que son hommage élégiaque mais gorgé de sève à Mary Shelley brasse sans rougir.


 

 


 

Avis

Note :
 
Theodore Roszak avait été salué par les critiques et les lecteurs pour son précédent roman, La Conspiration des ténèbres, habile roman où se mêlent sociétés secrètes, disparition mystérieuses, et cinéma populaire. Avec Les Mémoire d'Elizabeth Frankenstein, l'auteur quitte notre époque contemporaine pour se plonger dans l'Epoque Gothique par excellence, la fin du XVIIIème siècle. Mais surtout, il s'attaque à un mythe, en décidant de raconter l'histoire à priori figée dans le marbre du Frankenstein de Mary Shelley. Ce roman, considéré à juste titre comme l'un des grands chefs d'oeuvre de la littérature fantastique, était écrit du point de vue du baron Frankenstein, qui narrait à un témoin, Robert Walton, son incroyable histoire. Si tout semblait avoir été dit, Theodore Roszak décide de s'atteler à une tâche incroyablement audacieuse: raconter la même histoire du point de vue d'un autre personnage, et ainsi totalement transformer la vision de l'histoire. Et de l'auteur de ne pas prendre n'importe quel personnage, mais bel et bien le seul personnage féminin du récit, à savoir la fiancée de Victor Frankenstein, Elizabeth.
Mais pourquoi un tel choix de personnage? Et bien tout simplement pour rendre hommage à l'auteur, Mary Shelley, femme en avance sur son temps, en transposant dans le personnage de fiction une version fantasmée de ce qu'aurait pu être une femme libérée au XIXème siècle. Mais pour que cela ait un effet sur le lecteur moderne, l'auteur se doit d'aller plus loin que ce qu'aurait pu écrire (et faire) une femme de cette époque. D'après Theodore Roszak Mary Shelley aurait mis beaucoup d'elle dans ce personnage, et l'écrivain de vouloir aller plus loin dans l'hommage, en faisant d'Elizabeth une femme de premier plan dans cette histoire, là où le récit originel n'en fait qu'une simple victime.
En bref, Theodore Roszak a mis la barre très haut en termes d'ambition narrative.
Il n'est cependant pas le premier à revisiter une histoire connue du point de vue d'un personnage secondaire. Mais dans la grande majorité des cas, c'est l'auteur lui-même qui s'attaque à la relecture de son oeuvre. Pour ne citer que deux cas notable, toujours dans le genre fantastique: Orson Scott Card qui avec La stratégie de l'ombre réinvente sa stratégie Ender, et Anne Rice qui raconte la même histoire dans Entretien avec un vampire et Lestat le Vampire, du point de vue des deux principaux protagonistes (et aussi antagonistes).
 
Les Mémoire d'Elizabeth Frankenstein de Theodore Roszak

 
Tout comme dans La Conspiration des ténèbres les sociétés secrètes jouent un rôle prépondérant dans l'histoire. Ici, ce sont les matrones, adeptes de la libération féminine en avance sur leur temps, et les alchimistes. Les membres d'une confrérie pouvant tout à fait être membre de l'autre. Si pour la majorité des gens alchimie est synonyme de transformation de plomb en or, chez Theodore Roszak ce n'est pas le cas. Pour lui, cette idée répandue est celle des ignorants. La théorie défendue dans son roman est celle d'une initiation sexuelle, visant à unir l'homme et la femme nous seulement physiquement mais aussi et surtout psychiquement, faisant de deux être un seul. Et de Theodore Roszak d'enchaîner les séances érotico-éducatives, où bien entendu Elizabeth Frankenstein y joue le premier rôle. Ainsi que Victor Frankenstein, le père de la mythique créature. Mais le fameux docteur de s'avérer un bien piètre élève, et de dénaturer les travaux alchimiques de la confrérie, qui finiront par l'entraîner vers son Grand Oeuvre à lui, à savoir la création d'une créature vivante à partir de cadavres humains.
Esotérisme et alchimie sont de thèmes qui fonctionnent à merveille dans le cadre de romans mystérieux et initiatiques. Mais à la vision d'un Theodore Roszak le lecteur plus regardant pourra préférer celle d'un Umberto Eco (dans on Pendule de Foucault) plus critique et surtout plus documenté. Mais dans le cadre d'une pure fiction, la vision sExuée de l'alchimie s'avère divertissante et originale.
Qui dit Frankenstein, fusse Elizabeth, ne peut passer sous silence la créature, rendue célèbre au cinéma par James Whale et son interprète, Boris Karloff. Si d'apparence et de comportement, Theodore Roszak reprend indéniablement le presonnage du roman, il n'en va pas tout à fait de même quand à la méthode utilisée pour créer la créature. Car si dans l'imagerie populaire, il est clair et évident que le Monstre a été amené à la vie par l'éléctricité, jamais dans le roman de Mary Shelley il n'y est fait allusion. Cette confusion est due au film Frankenstein, qui a imposé l'image d'une créature créé par le science moderne. Cependant, dans le roman Frankenstein ou le Prométhée moderne Mary Shelley reste très vague quand à la méthode utilisé pour amener à la vie la Créature. Il est même fait allusion à l'utilisation de magie, même si, bien sur, en tant que médecin, il est évident que la science moderne joue un rôle primordial dans l'acte de création. Science, magie, et déification (pour la Créature, le docteur Frankenstein est à la fois le dieu et le père, qu'il lui faudra tuer d'un point de vue psychanalytique, avec en cela des années d'avance sur Freud ou Nietzsche) sont donc à l'origine de la naissance de ce qui reste sans doute le monstre le plus connu du fantastique.
Même si Theodore Roszak ne décrit pas véritablement la création de la Créature, il est évident à la lecture du récit que l'auteur voit la naissance d'Adam (car c'est el nom qu'il se donne) de la même façon que James Whale.
 
Elizabeth Frankenstein (Mae Clarke) face à la créature (Boris karloff) dans le Frankenstein de James Whale (1931)

 
Ambitieux, le roman de Theodore Roszak l'est sans aucun doute. Mais l'auteur réussit à tenir en haleine malgré un fin connue (ou alors grâce justement à une fin connue), livrant une oeuvre très bien ficelée, ne venant qu'à la marge piétiner le chef d'oeuvre de Mary Shelley. Alors bien sur, ceux qui n'ont pas lu Frankenstein ou le Prométhée moderne risquent de passer à côté de l'histoire. Mais est-il possible de lire un roman tel que Les Mémoire d'Elizabeth Frankenstein sans avoir lu Frankenstein ou le Prométhée moderne?
Theodore Roszak est en tout cas un auteur de premier plan, dont les histoires tiennent en haleine et restent ancrées dans la mémoire pour longtemps.

 

 


 
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