Liste des nouvelles présentes dans ce recueil:
Le Démon de la perversité (juillet 1845)
Brillamment, l'auteur nous plonge dans l'esprit perturbé d'un assassin, qui nous explique les raisons de son meurtre. Mais qui dit raisons ne dit pas logique, ou en tout cas logique
comme une personne saine d'esprit l'entend. C'est là toute la force de l'auteur: savoir nous rendre la folie abordable, et nous faire comprendre qu'il ne faudrait pas grand chose,
finalement, pour que chacun de nous ne plonge dans l'abysse insondable de la folie.
Le Chat noir (août 1843)
L'une des nouvelles du maître les plus connues,
le chat noir est typique du genre d'
Edgard Allan Poe, où
meurtre, folie et macabre se mêlent avec brio. Comme bien souvent chez le romancier, l'histoire frise le fantastique sans vraiment y toucher, laissant au lecteur le soin de
choisir si oui ou non le surnaturel a sa place. Ainsi, le nom même du chat, Pluton, dieu des enfers dans la mythologie romaine, laisse planer le doute quand à l'origine de
l'animal à l'origine de la chute du "héros" de l'histoire.
Cette nouvelle fait partie des écrits de l'écrivain ayant été portés à l'écran. La version la plus connue est celle réalisé en
1934 par
Edgar G. Ulmer, et mettant en scène les deux monstres du cinéma fantastique,
Bela Lugosi et
Boris Karloff. A la télévision,
Stuart Gordon, au travers des
Masters of Horror, a rendu hommage
à la nouvelle de l'auteur (en faisant d'ailleurs d'
Edgard Allan Poe le héros de son histoire).
William Wilson (octobre 1839)
Il s'agit de l'une des nouvelles de
Poe mettant un personnage face à son double. Bien entendu, la conclusion en sera
morbide et définitive. Comme bien souvent, le lecteur est amené à se demander jusqu'à quel point le héros est fou, ainsi que l'appartenance de la nouvelle
au genre fantastique.
Dans tous les cas, cette nouvelle est très efficace, et montre le talent de l'auteur, capable en quelques pages à peine à non plonger dans un suspens et une angoisse que
beaucoup n'arrivent pas à créer en 500 pages.
L'homme des foules (décembre 1840)
Où lorsque
Edgard Poe nous entraine sans les méandres des bas-fonds et de la société et de la
perversité humaine. Bien qu'il ne se passe à proprement parler pas grand chose dans cette nouvelle, l'ambiance de décadence est tangible et laisse, comme toujours chez
l'auteur, un sentiment de malaise.
Le Coeur révélateur (janvier 1843)
Cette nouvelle fait partie des plus célèbres de l'auteur. Tout comme
le chat noir elle met un protagoniste face à un meurtre, à sa culpabilité et
à sa propre folie. Cette nouvelle est d'une efficacité redoutable en termes de narration.
Elle fut portée à l'écran en 1941 par un
Jules Dassin débutant, au format court métrage.
Bérénice (mars 1835)
Cette nouvelle peut être considérée comme étant l'un des tous premiers récits d'horreur de la littérature moderne. En sons temps, les lecteurs le
jugèrent tellement violent qu'ils n'en plaignirent à l'éditeur du journal, le
Southern Literary Messenger. Pourtant, nous sommes bien loin des débordements
de descriptions morbides actuels, qui, d'ailleurs, sont bien moins efficace. L'auteur prouve que le non-dit (ou plutôt le non-écrit) est bien plus efficace que n'importe quelle
description.
H.P. Lovecraft, le digne successeur d'
Edgard Poe, ne
fonctionnera d'ailleurs que sur ce principe, ce qui fait d'ailleurs du Reclus de Providence un auteur jugé inadaptable à l'écran.
La Chute de la maison Usher (septembre 1839)
Avec
double meurtre dans la rue Morgue,
La Chute de la maison Usher est sans doute l'écrit le plus connu du poète. Peut-être l'un des plus typiques aussi. On
y retrouve en effet les thèmes majeurs de l'auteur: la folie, la mort, la vengeance d'outre-tombe, tout cela baignant dans un fantastique dont l'existence même est laissée
à l'appréciation du lecteur. Est-ce la maison qui rend ses habitants fous et malades? Une malédiction pèse-t-elle sur la famille Usher? Le titre même de la
nouvelle est à double sens: parle-t-on de la bâtisse, ou bien de la famille Usher? Les deux ne sont-ils pas une seule et même chose aux yeux de l'auteur. Une très
bonne histoire courte.
Le cinéma s'est emparé de cette histoire, et a porté avec plus ou moins de succès le destin des derniers survivants de la famille Usher à l'écran,
la version la plus célèbre étant celle de
Roger Corman de 1960 avec
Vincent Price dans le rôle de Roderick Usher.
Le Puits et le pendule (1843)
Ne divulguant que très peu d'informations sur le contexte (tout ce que l'on sait c'est que l'histoire se déroule durant la période inquisitoriale espagnole, et encore,
dans une version fantasmée par l'auteur),
Edgar Poe créé une histoire courte encore une fois d'une
efficacité totale, au suspens omniprésent. L'une des rares nouvelles cependant à ne pas faire appel au surnaturel.
En dehors de la version de
Roger Corman, de 1961, avec
Vincent Price et
Barbara Steele, cette nouvelle a connu de très nombreuses adaptations, souvent très
éloignées de l'histoire originale (comme par exemple avec le
Stuart Gordon avec son
Pit and the pendulum).
Hop-Frog (mars 1849)
Cette histoire se déroule, chose rare dans l'univers de
Poe, au Moyen-âge. Il faut dire que l'auteur s'est inspiré
de
Jean Froissart, et plus particulièrement de son épisode
le bal des ardents pour cette nouvelle. Moins terrifiante que d'autres, elle n'en reste pas moins
bien écrite, et plutôt agréable à lire.
La Barrique d'amontillado (novembre 1846)
Encore une histoire de vengeance, qui prend place dans la Venise colorée du Festival. Cette nouvelle fonctionne bien, même si par rapport à ses meilleurs écrits,
il manque un petit quelque chose (sans doute le manque de suspens). Mais nous sommes indéniablement dans une nouvelle
d'
Edgar Poe, où folie et macabre sont au rendez-vous.
Le Masque de la mort rouge (juillet 1845)
Nouvelle totalement ancrée dans le fantastique,
le masque de la mort rouge est aussi une allégorie sur les puissants qui se moquent du peuple, ici terrassés
par la peste. Pendant ce temps, les nantis organisent de somptueuses fêtes. Jusqu'au jour où la Peste s'invite.
Adapté au cinéma en 1964 par le spécialiste d'
Edgar Poe,
Roger Corman, avec l'incontournable
Vincent Price dans le rôle du prince Prospero.
Dan Simmons, dans son roman
Terreur, fait directement hommage à la
nouvelle
le masque de la mort rouge, dans l'une des scènes les plus marquantes de son excellent roman.
Le Roi Peste (septembre 1835)
Autre exemple de la littérature allégorique d'
Edgar Allan Poe. Moins réussie que
le masque de la mort rouge, elle est aussi construite à l'envers de cette autre nouvelle, puisque ce sont ici les gens sains qui s'invitent chez les malades. L'ambiance est par
contre toujours au rendez-vous, comme seul
Edgar Poe savait l'imaginer.
Le Diable dans le beffroi (mai 1839)
Là encore, nous sommes en pleine allégorie. La nouvelle est plus humoristique que les autres écrits du maître, et est loin d'être l'une de ses plus
réussies.
Lionnerie (mai 1835)
Nouvelle de type "rise and fall" à tendance humoristique où un homme, des années avant le Grenouille de
Patrick Suskind, fait fortune grâce à son nez.
Nulle question ici de meurtre, mais comme chez l'auteur du
Parfum, la supériorité d'un homme causera sa perte.
Quatre bêtes en une (mars 1836)
Dans cette nouvelle,
Edgar Poe, sous couvert de récit historique, critique ouvertement le pouvoir quasi divin que
s'octroient les puissants dans notre société, ainsi que la déférence du peuple envers ses dirigeants. L'allégorie s'applique toujours de nos jours, même
si nos dirigeants ne se disent plus d'origine divine, mais sont élus par le peuple.
Petite Discussion avec une momie (avril 1845)
L'Egypte et ses momies ont fait rêver nombre de générations, et depuis la (re)découverte de ce pays par les troupes Napoléoniennes, tous les fantasmes d'un
passé glorieux se réveillent: Quête de l'immortalité (les momies), secrets de construction (les pyramides), religion, ... si
Edgar Poe traite son récit sur le ton de l'humour, il n'en reste pas moins que sa fin est des plus pessimistes, avec son
héros qui préfère quitter femme et enfants pour rejoindre sa nouvelle amie la momie, et dormir quelques centaines d'années en espérant des jours meilleurs pour lui
et l'humanité. Si l'on en croit les autres nouvelles de ce volume, le pauvre docteur sera bien déçu.
Puissance de la parole (juin 1845)
Ce récit rentre dans la catégorie des dialogues post-mortem d'
Edgar Poe. Discussion et réflexion sur
l'immortalité, dieu et le pouvoir du mot, cet écrit s'éloigne de l'auteur du
chat noir dans son caractère plus philosophique et moins organique. Ce qui,
convenons-le, est tout à fait normal pour un être maintenant dénué de chairs.
Colloque entre Monos et Una (août 1841)
L'histoire, sous forme de dialogue, des pensées et des sensations d'un homme qui s'en vient à trépasser et à mis en terre, et qui attend que sa dulcinée ne le
rejoigne. Si l'homme est bel et bien mort, le sentiment d'impuissance n'en est pas moins présent, même si, le pire lui étant déjà arrivé, il ne risque
plus grand chose. Une histoire en demi-teinte, loin d'égaler ses meilleurs écrits.
Conversation d'Eiros avec Charmion (décembre 1839)
Ou lorsque
Edgar Poe aborde un sujet qui sera maintes fois repris, et en particulier au cinéma: la destruction de toute
vie sur terre par une collision avec une comète. Le parallèle entre l'enfer par le feu promis par l'Apocalypse biblique et la comète faite de glace (et donc
forcément sans danger) est cocasse, et montre bien le peu de crédit que place l'auteur dans la religion, ou en tout cas la religion telle qu'elle est "vendue" par les
prêtres. Une nouvelle qui se concentre sur l'avant, et pour cause, puisque chez
Poe, il n'y a pas d'après.
Ombre (septembre 1835)
L'homme face à la mort: un thème récurrent chez
Poe. Ici traité d'une façon nouvelle, puisque
le héros/narrateur (un trait que l'on retrouve dans pratiquement toutes les nouvelles de l'auteur, comme chez son élève spirituel,
Lovecraft) doit affronter ses peurs, représentée par les voix du passé.
Silence (automne 1837)
Récit encore une fois allégorique, sous forme de conte totalement en dehors du temps, qui raconte la rencontre du narrateur avec un homme mystérieux. Ce récit n'a
pas la force des autres écrits de l'auteur, et sur le fond est plus faible que les autres nouvelles du maître.
L'Île de la fée (juin 1841)
La rencontre d'un homme, amoureux de la nature belle et tranquille, avec ses petits habitants, les fées. Teinté de fantastique, cette nouvelle est plus mélancolique et
ancrée dans son temps que nombre d'autres nouvelles de l'auteur, et par la même occasion, frappe moins que ses meilleurs nouvelles.
Le Portrait ovale (avril 1842)
Pour clore ce recueil, une dernière nouvelle macabre, où l'amour d'un peintre pour son art ira jusqu'à détruire celle qu'il aime. Tout cela est nappé de
mystère, l'homme découvrant l'histoire, tout d'abord via un portrait, puis via un récit explicatif, se trouve seul, dans une bâtisse abandonnée, dans le noir. Ce
récit est en quelque sorte l'exact inverse du
portrait de Dorian Gray
qu'
Oscar Wilde écrira cinquante ans plus tard. Très courte nouvelle, mais très bien construire.
Toutes les nouvelles présentes dans ce recueil doivent leur traduction en français au poète
Charles Baudelaire. Est-il besoin de rappeler que si
Edgard Poe connaît aujourd'hui une telle renommée, c'est en partie grâce à l'auteur des
fleurs du mal, qui a défendu un auteur jusqu'alors méconnu ou tout du moins mal connu.