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![]() Monter un film de genre en France est pou le moins difficile. Mis à part quelques exceptions (le pacte des loups, Maléfique, A l'intérieur, la Horde), rares sont les films fantastiques à avoir réussi à non seulement se monter mais à trouver leur public. Cela explique en partie pourquoi tant de cinéastes français (Alexandre Aja, Louis Leterrier, Christophe Gans, Jean-François Richet, Florent Emilio Siri) décident de tenter l'aventure Outre-Atlantique. Et même à Hollywood, financer un film qui sort des normes reste très difficile. C'est pour cette raison (et parce qu'il y avait des contacts) que Fabrice Lambot partir en Argentine. Il réussit, grâce à sa société de production Metaluna, à débloquer la modique somme de 500 000 $ pour faire son film. Par esprit de comparaison, un film comme The Eye, sorti la même année, avec son budget de 12 millions de $, est considéré à Hollywood comme un film à petit budget! Les ruines, lui aussi un film au budget minime, toujours en 2008, coutera tout de même 8 millions de $. En fait les 500 000 $ de Dying God sont à mettre en parallèle au 750 000 $ de tous les garçons aiment Mandy Lane, un film aux ambitions visuelles moindres que celui de Fabrice Lambot. Car le jeune cinéaste (il s'agit de son premier long) ne veut pas revoir ses prétentions à la baisse pour cause de budget minimal, et encore moins tomber dans la parodie de genre, ce qui est bien souvent le cas pour les films de genre au budget aussi léger (cf. la filmographie de Richard J. Thomson, de Time Demon à Eject, en passant par Jurassic trash). ![]() Le budget de Dying God se rapproche donc d'une production The Asylum, les grands spécialistes du low-budget, dont la seule qualité est pratiquement toujours le titre et l'affiche, rappelant les plus grands succès hollywoodiens (Transmorphers, Mega Piranha 3D, ...). Mais hors de question pour Fabrice Lambot (ainsi que son producteur, Jean-Pierre Putters), de se moquer de son audience. Bien au contraire, le réalisateur souhaite rendre hommage au cinéma qu'il aime, du film de monstre au thriller urbain, en passant par le Giallo et les films gore. Malgré l'enveloppe allouée, Dying God arrive à se payer quelques acteurs plutôt prestigieux: Agathe de La Boulaye, Lance Henriksen (qui retrouve Agathe de La Boulaye après Alien Vs. Predator), James Horan, Enrique Liporace (l'un des grands noms du cinéma argentin), Misty Mundae. Si cette dernière n'a pas le prestige d'un Lance Henriksen, incontestablement la star du film, elle n'en reste pas moins l'une des actrices les plus appréciés des amateurs de genre, Scream Queen bisseuse au possible, qui plus est spécialiste de la parodie érotique de films à succès (Spider-babe, la playmate des singes, Lord of the strings). Le casting est donc indéniablement un patchwork international, où l'on retrouve des français (Agathe de La Boulaye), des américains (James Horan, Lance Henriksen, Misty Mundae), et bien sur, des argentins (Enrique Liporace, ainsi que la quasi totalité des autres protagonistes du film), où ceux qui ne savent pas parler anglais joueront le rôle de chicanos. ![]() Si le pitch de base peut à priori prêter à rire (un monstre affublé d'un sexe démesuré, éventre ses victimes féminines en les violant), le traitement est quand à lui très sérieux, et évite de sombrer dans le ridicule. Sur la base d'une légende locale, elle-même adapté (par Uriel Barros), puis scénarisée par Fabrice Lambot et Jean Depelley, Dying God cherche à brouiller les pistes. Il n'y arrive cependant qu'avec mal, et ce à la fois parce que ce n'est pas un film que l'on découvre par hasard (distribution limitée, peu de publicité, et donc limitant le film à ceux s'intéressant au genre), et surtout parce que la mise en scène, relativement transparente, ne trompe jamais le spectateur, qui sait toujours si l'on va l'emmener sur une fausse piste. Cependant, et c'est tout à son honneur, Fabrice Lambot a travaillé la psychologie de ses personnages, bien plus qu'il n'y parait au premier abord. Ainsi, sur un fond d'enquête mystérieuse, le réalisateur glisse un fond dramatique (le meurtre de la femme du héros, expliquant son délabrement, sa débauche, son mauvais caractère, et même son côté ripoux), une histoire d'amour bancale (une prostituée qui cherche à se sortir du milieu, Mary, est amoureuse de Fallon, qui lui paraît être une sorte de bouée de sauvetage, alors même que lui-même sombre de plus en plus dans l'autodestruction et semble ne s'intéresser à Mary que pour le sexe), un début de triangle amoureux possible (la rencontre de Sean avec Camila, qui ressemble bien plus à l'amour perdu du policier que Mary la prostituée), ainsi que de nombreux sub plots (la piste Charlie, le trafic avec Nano, les maquereaux qui se soupçonnent de tuer les filles, ...). Bref, un travail scénaristique bien supérieur à ce que l'on pouvait attendre d'un film à aussi petit budget. ![]() Même si le film a été tourné à Buenos Aires (et que la ville ressemble à tout sauf à une grande ville américaine), l'histoire est censée se dérouler aux Etats-Unis (cible américaine oblige). D'ailleurs, toujours par soucis d'économie, le film fut tourné en décors naturels; ainsi, le commissariat où "sévit" l'inspecteur Sean Fallon est un vrai commissariat (et les policiers de vrais policiers!), la morgue une vraie morgue, l'hôpital un vrai hôpital, etc, etc... Ce qui pose évidemment d'autres problèmes, comme celui du bruit, soit celui généré par le tournage (gênant dans le cas d'un lieu de soins), soit au contraire celui causé par le vrai monde (comme par exemple lors des scènes en extérieurs). Bref, un tournage à l'arrache! Ou la plupart du temps aucune demande d'autorisation ne fut faite. A ceci près que pour ne pas avoir de problème, l'équipe était pratiquement toujours entourée de policiers, "loués" pour les 22 jours qu'ont durés le tournage. Cette présence policière fut particulièrement utile pour le climax du film, tourné dans une usine désaffectée, ou le danger n'était pas absent, un bidonville se trouvant à proximité. ![]() Si le manque de moyens pénalise énormément le film, en particulier du côté de la photographie, filmé en HD, le film de Fabrice Lambot de démarque pourtant par quelques passages particulièrement réussis: ![]() ![]() ![]() ![]() Bizarrement, les scènes où l'on voit le monstre son bien moins réussies, non seulement d'un point de vue visuel (le monstre est loin d'égaler, faute de moyens, les meilleurs monstres hollywoodiens), mais aussi d'un point de vue suspens. En effet, tant que l'on ne voit pas le danger, il est inquiétant; à partir du moment où on le dévoile, il s'humanise. Quiconque à vu Alien, le huitième passager sait bien que ne pas voir un monstre est bien plus efficace que le voir (comme par exemple dans Alien Vs. Predator). ![]() On ne peut en vouloir à Fabrice Lambot de n'avoir pu travailler qu'avec un budget minuscule, ni d'avoir eu des prétentieux somme toutes ambitieuses (un monstre, des lieus multiples, des acteurs connus, une histoire "sérieuse"). Mais il faut savoir composer avec ce que l'on a (cf. le projet Blair Witch). Même si tout est fait (ou presque) pour satisfaire le spectateur, certains défauts restent rédhibitoires: la photographie et la musique, tous deux dignes de pornos bas de gamme, mais aussi et surtout la direction d'acteur, très faible (à part Misty Mundae, subtile dans son jeu, James Horan se prend pour Clint Esatwood, Lance Henriksen se laisse aller, et Agathe de La Boulaye a bien du mal à donner le change en garde du corps). Si vous avez aimé Dying God, vous aimerez aussi:
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Dying God, malgré tous ses défauts, est un film qui prend son spectateur et le genre au sérieux, et qui donne ce que ni la production horrifique française, et
encore moins celle américaine, n'arrive à offrir: du sexe, du gore, des dialogues plus que familiers (le nombre de fuck dans le film est hallucinant), pas de happy end, des
références cinématographiques qui satisferont les fans, et, cerise sur le gâteau, des vedettes du genre
(Misty Mundae, et surtout l'incontournable et toujours aussi charismatique
Lance Henriksen).
Pour un premier film, Fabrice Lambot s'en sort plus qu'honorablement. En espérant que pour son prochain long métrage, il aura un budget plus conséquent. ![]() |