
Les épisodes des Annales du Disque-Monde se suivent et ne se ressemblent pas. Les héros, même s'ils se croisent régulièrement (et
Monnayé
n'échappe pas à cette règle), suivent chacun des lignes narratives et thématiques différentes. Les cycles les plus connues sont ceux de la Mort
(avec des romans comme
Mortimer,
Le Faucheur ou bien
encore
Le Père Porcher), des Sorcières (de
La Huitième fille à
Carpe Jugulum, et bien sur de Rincevent
(
La Huitième Couleur et ses suites).
Monnayé, quand à lui, fait partie du cycle dit de
la Révolution Industrielle, commencée par
Terry Pratchett en 1990 avec
Les Zinzins d'Olive Oued (avec comme sujet principal le cinéma), et qui comprend les titres suivants:
La Vérité (la liberté de la presse),
Le Régiment monstrueux (l'émancipation de la femme), et bien sur
Timbré (la Poste, mais aussi et surtout l'économie). Ce nouveau volume retrouve donc le héros de
Timbré, l'escroc à demi repenti Moite von Lipwig, qui se retrouve cette fois-ci avec la lourde tâche de
révolutionner le monde bancaire. Et si l'humour est omniprésent dans ce volume (un très bon cru de ce point de vue là), le roman se révèle aussi
extrêmement didactique et pertinent quand au fonctionnement du monde de la banque, et plus précisément des flux monétaires. Ce qui prouve encore une fois que
Terry Pratchett connaît à la perfection le fonctionnement du cerveau humain, y compris et surtout dans ses
défauts, ainsi que cette science pour le moins compliquée qu'est l'analyse financière.
Si
Monnayé est un sort de
Banque pour les nuls version
Terry Pratchett, le roman ne nous en démontre
pas moins l'inexactitude de la pensée commune qui voit dans l'or la base de la stabilité financière de notre monde (alors que
Terry Pratchett nous rappelle à juste titre que la rareté de l'or n'est après tout qu'un hasard
géologique). La monnaie (qu'elle soit papier ou autre) ne représente pas (ou en tout cas ne doit pas représenter) un quote-part de la richesse mondiale, mais un
moyen d'échange, basé sur une confiance mutuelle dans sa valeur. Une preuve? Tout le monde sait depuis la crise financière que les banques ne possèdent qu'une
infime part de la richesse qu'elle prodigue à ses clients. Tout se passe bien tant que personne ne cherche à retirer cette richesse autrement que sous la forme qu'elle propose
communément, à savoir le papier. L'argent (au sens monétaire, et pas au sens minéral) n'est rien d'autre qu'une représentation de la stabilité
d'une société, et de sa confiance dans le potentiel des hommes qui la compose. Tout cela est bel et bien une richesse virtuelle, qui ne fonctionne que tant que tout le monde
y met du sien.
Terry Pratchett, faisant toujours preuve d'une finesse d'analyse rare, n'oublie pas de parler des satellites parasitaires indissociables des
banques, et surtout de la présence de gros sous, à savoir les avocats et autres notaires, et surtout les procès. Mais comme toujours chez l'auteur britannique, tout
tourne très vite à la farce. Si possible avec force clowns et tartes à la crème! Et si possible avec moult retournements de situations (un classique du
récit de procès, dont raffolent les américains), là encore à la façon Disque-mondale, c'est à dire loufoque, dans la grande tradition
des
Monty Python.
Une des nombreuses questions que pose l'auteur au travers de son récit n'est autre que celle-ci: Et si l'argent n'était finalement pas le nerf de la guerre, mais que
c'était le contraire? Et ce au travers de ces golems de guerre qui représentent le véritable maître étalon du système financier. Tant que l'on ne
s'en sert pas...
Mais l'auteur n'oublie jamais que ces histoires ont avant tout pour but de divertir, et de ce point de vue là
Monnayé remplit au la main son cahier des charges, avec
action non stop, rebondissements de situations, suspense et autres mystères, sans oublier bien entendu l'humour. Un très grand cru!
Et l'auteur de terminer son récit en forme de pied de nez à tous ces grands pontes de la finance: Et si la création du billet de banque avantageait avant tout les
strip-teaseuses, qui grâce à cette invention peuvent désormais recevoir des pourboires pendant leur show? A elle seule cette idée résume bien le mode de
pensée d'un auteur tout simplement génial.