Comment, au bout de 31 romans, arriver à encore trouver des idées, et ne pas tourner en rond? Terry Pratchett a visiblement trouvé le secret: étudier les travers de ses concitoyens. Source infinie d'inspiration, la comédie de moeurs permet d'aborder mille facettes de la vie de tous les jours sans jamais se répéter. L'idée géniale de l'auteur a été de situer sa satire dans un univers d'Heroic Fantasy totalement nonsensique. L'univers en soi est d'un comique rare, et tous nos petits travers en deviennent encore plus hilarants, une fois transposés dans le Disque-Monde. L'humour très Monthy Python de Terry Pratchett n'est jamais à court de blagues, et même s'il lui arrive de recycler certaines de ses idées (il est pardonné, au bout de tant d'histoires), le lecteur se surprend à rire même (surtout?) des vieilles blagues, qui apparaissent comme une sorte de leitmotiv dans la saga.
Saga qui a aussi l'intelligence de multiplier les héros, et ce même si les lecteurs redemandent encore et toujours Rincevent, le plus mauvais magicien de tous les temps (et sans doute le seul véritable anti-héro jamais conçu). Terry Pratchett sait très bien qu'avec Rincevent, les possibilités d'histoire sont limités (après tout ce qui caractérise le "maje" est sa lâcheté et son désir d'éviter les ennuis à tout prix). Créer de nouveaux personnages permet donc d'ouvrir les possibilités, quasiment à l'infini. Certains deviendront à la longue plus importants 'et intéressants) que Rincevent. C'est le cas du commissaire Vimaire, chef du Guet des Orfèvres, que l'on retrouve, entouré de tous ses collègues, Angua la louve-garou, Carotte le nain de presque 2 mètres, Hilare la (vraie) naine, le caporal Chique (humain mais qui doit le prouver avec un certificat), ainsi que tous les autres, plus quelques nouveaux (Sally la vampire par exemple).
Vimaire, enquêteur obstiné, est un moteur idéal pour une histoire, et Terry Pratchett sait parfaitement comment s'en servir pour faire avancer son récit. Et il faut être perspicace pour enquêter à Ankh-Morpork, où l'on croise humains, nains, trolls, ainsi que quantité d'autres races non humaines (ou plus humaines, comme zombies et vampires).
Ce qui caractérise tout roman du cycle du Disque Monde, c'est la compréhension du fonctionnement humain, dans tout ce qu'il a de plus tordu et illogique (et c'est de plus en plus vrai au fur et à mesure où l'on avance dans la saga). Ici, c'est essentiellement de racisme qu'il est question, et Terry Pratchett le traite comme lui seul sait le faire. Mais l'auteur traite d'autres sujets, comme le conspirationnisme (le roman a été écrit en pleine Da Vinci code mania), et le communautarisme en général.
Le fait qu'il ait une connaissance approfondi des univers de fantasy est une cerise sur la gâteau, son Univers, quoique totalement improbable et totalement illogique (enfin, pas tout à fait, l'Univers du Disque-Monde a une logique, seulement il est le seul à partager cette logique), permet aux fans de Fantasy de se retrouver en terrain (pratiquement) connu.
 
Terry Pratchett, plus grand satire social de notre temps? Peut-être bien. En tout cas, un écrivain passionnant, aucun doute n'est permis. Et comme toujours, on attend la suite avec impatience.