Le Renégat est la première partie du roman de
Robin Hobb,
Renegade's Magic, divisé en trois tomes en
français (
le renégat,
danse de terreur et
Racines). Après avoir combattu sa nouvelle condition de magicien ocellion, Jamère se voit contraint, par la
force des choses et surtout par la volonté même de la magie, de fuir les siens (mais le sont-ils seulement encore?) pour rejoindre les ocellions, Olikéa en tête. Et
Robin Hobb de décrire, avec le talent qu'on lui connait, les avantages de vivre au plus près de la nature (cf. son roman
dieu dans l'ombre). Un mode de vie présenté comme non seulement naturel mais aussi plus juste et ayant bien plus de
chance de rendre les être humains heureux. Un message très proche de celui défendu par un
James Cameron dans son
Avatar,
finalement.
D'ailleurs, le héros de la saga, Jamère, s'avère extrêmement proche de Fitz, le héros de
l'assassin Royal du même auteur. Les deux se retrouvent obliger
d'abandonner la femme qu'ils aiment entre les mains de ses proches amis, et, plus important encore, tous les deux sont en symbiose avec la nature, l'un avec son loup, l'autre avec les arbres. Enfin,
ils sont tous les deux engagés dans une guerre qui les dépassent et dont ils n'ont relativement (en tout cas dans un premier temps) que peu à faire.
Mais ce qui différencie bien évidemment cette saga du tout venant de la fantasy, c'est, plus que son univers, son héros. Loin de répondre aux stéréotypes
nauséeux hérités de l'univers Donjons & Dragons, l'univers de
Robin Hobb est peuplé de "vrais" gens. Et
Jamère en est l'exemple le plus flagrant. Car combien d'œuvres de fantasy peuvent se vanter d'avoir un héros obèse, et qui plus est ne possédant même pas le
contrôle de son corps, celui-ci obéissant à un autre (ou quasiment)?
L'obésité de Jamère est bien entendu au centre de l'histoire. Et
Robin Hobb de nous rapeler qu'il ne faut jamais se fier
à l'apparence des gens pour les juger. Surtout lorsque ceux-ci font partie d'une autre culture. Et de là, le roman pose la question du rapport à l'obésité (ou par
opposition à l'anorexie) dans notre culture, où la nourriture est en surabondance, et où le surpoids est vu comme une dépravation (la morale chrétienne et son
pêché de gourmandise y sont pour beaucoup, y compris auprès des non croyants occidentaux), soigne d'oisiveté (la paresse, un autre pêché capital) et de
faiblesse ("pourquoi se lasse-t-il aller comme cela?"). Alors que dans certaines cultures, où la nourriture est difficile d'accès, l'obésité est un signe de réussite
économique et sociale (comme par exemple en Mauritanie, pour ne citer qu'un pays). Et notre société n'a pas réglé le problème du rapport au corps, tout comme
Jamère, pris entre son origine et son éducation gernienne (et son culte du corps svelte et musclé) et son double ocellion (et sa recherche de l'opulence). Une dualité au
centre du roman.
Enfin, et ce contrairement à la grande majorité des romans de fantasy, la violence n'est jamais au centre des aventures créées par
Robin Hobb. Preuve en est, ce
renégat ne compte absolument aucune scène de combat, bataille, guerre, ou toute autre lutte
armée. La violence, car elle existe aussi chez
Robin Hobb, est psychologique, et ressemble beaucoup à celle que tout un chacun
nous croisons quotidiennement dans notre vie. Ce qui rend ses romans plus crédibles et intéressants. Que ceux qui rêvent de lire des exploits titanesques ou un héros
chevaleresque, seul contre tous, ira sauver la princesse et vaincre le sorcier démoniaque, passent leur chemin. Ils n'y trouveront pas ce qu'ils cherchent.
Tout au contraire,
Robin Hobb nous montre bien que dans tout conflit, la violence n'apporte rien d'autre que de la rancœur et de la haine,
avec à la clé d'autres violences et d'autres rancœurs. Et Jamère se trouve être le seul, de part son appartenance aux deux peuples ennemis, à comprendre cela. Mais
comprendre ne veut pas dire avoir une solution de rechange... Et tout l'enjeu de l'histoire se trouve là.