Message de Frolix-8 est un roman mineur de l'œuvre monumentale de son auteur,
Philip K. Dick. Comme bien souvent chez
Dick, la société future a vu apparaître des mutants, télépathes, précogs et autres évolutions
génétique, qui, ici, ont pris le contrôle de la Terre. D'un côté, on retrouve les Hommes Nouveaux, au cerveau surdimensionné (et aux capacités
intellectuelles proportionnelles), et de l'autre les Exceptionnels (les psycho mutants). Cette minorité opprime les Ordinaires, humains classiques sans pouvoir aucun. L'humanité classique
(traduire la classe moyenne) est donc sous l'emprise d'une minorité toute puissante (les riches, qu'ils soient politiciens, industriels, et autres puissants de notre société). En
cela,
Message de Frolix-8 s'inscrit pleinement dans la veine des romans de gauche d'un auteur aux positions bien tranchées (comme par exemple
Ubik ou
Coulez mes larmes, dit le policier), des romans
dénonçant de façon transparente la politique capitaliste américaine, et en particulier les tendances policières du gouvernement.
Ce genre de politique ne peut mener qu'à des régimes totalitaires, proche du Big Brother de
George Orwell, et sortir de ce type de régime est, toujours d'après
Dick, chose perdue. Sauf à faire appel à une force extérieure, l'intervention d'une force externe seule pouvant
renverser un pouvoir enraciné au plus profond de la société. Que cette force soit un pays étranger, un extra-terrestre, ou même dieu (chez
Dick dieu et entité extra-terrestre sont souvent synonymes).
Message de Frolix-8 verra donc intervenir, suite à l'appel
à l'aide d'un élu, une entité quasi-divine, originaire d'une autre planète, une créature comparable à dieu, et de part la nature de ses pouvoirs (pratiquement
omnipotent), sa longévité (l'immortalité ou presque), que par son empathie (une créature qui ne désire à priori que le bien des humains). En cela, ce roman
est presque l'inverse d'un autre roman du même auteur,
le guérisseur de cathédrales, ou c'est cette
fois-ci les mortels qui viennent au secours d'une entité quasi-divine.
A noter que les E.T. de ce roman ressemblent étrangement aux Grands Anciens chers à
H.P. Lovecraft: même apparence
protoplasmique indéfinissable, même gigantisme, même longévité, même origines spatiales, mêmes sortes de pouvoirs,.... Un seul détail change:
chez
Lovecraft les dieux venus du ciel représentent un danger mortel pour l'humanité, apportant chaos, mort et destruction,
là où les Frolixiens de
Dick, s'ils passent aussi par le stade de chaos et de destruction, apportent le renouveau, la paix, et
la réconciliation entre les humains.
Autre thème
Dickien que l'on retrouve dans
Message de Frolix-8 (ainsi que dans pratiquement tous les grands textes de
l'auteur): la femme-enfant. Symbole de tout ce que peut représenter le sexe aux yeux de son auteur, la femme dans les romans de
Dick
peut prendre deux formes, que l'on retrouve dans ce roman: celle de l'épouse, ou celle de l'amante. L'épouse prend toujours la forme d'une femme indésirable, soit vénale,
soit castratrice, soit seulement fade, et donc sexuellement non attirante. Ici on retrouve la femme sangsue (comme on la voit dans
Blade Runner), mariée au télépathe et chef de l'état Willis Gram, et la femme castratrice (comme en
était affublé le héros du
le guérisseur de cathédrales), ici épouse de
l'Ordinaire Nick Appleton. A l'opposé, l'amante (ou plus précisément la femme désirée) est toujours hypnotisante, désirable sexuellement parlant, et toujours
dangereuse, en particulier pour tout ce qu'elle représente de destructeur dans la vie ordonnée du personnage, et ce y compris d'un point de vue psychologique. Chez
Dick la femme à conquérir prend toujours la même forme: une femme aux formes de fillette (l'inverse absolu du
phantasme Manga en somme), délurée et manipulatrice; femme à peine formée physiquement, à la limite de la pédophilie, en contact avec des produits illicites
(drogue, ou ici magazines de propagande), représentant en quelque sorte la somme de tous les interdits (morale, politique, justice, sexe), celle qui fait battre le cœur des personnages
Dickiens (en haut comme en bas de l'échelle sociale, comme le prouve ce roman) est toujours une femme forte, qui sait ce qu'elle
veut, et qui n'hésite jamais à manipuler les hommes pour obtenir ce qu'elle désire, parfois même juste pour le plaisir. Et bien souvent, elle causera la perte du
héros, ce qui aurait tout à fait pu être le cas ici. Même si elles sont en quelque sorte toujours fondue dans le même moule, les héroïnes
Dickiennes n'en restent pas moins passionnantes, car à part, et hautement amorales.
Comme
le guérisseur de cathédrales,
Message de Frolix-8 mélange humour et drame, avec plus
d'aisance que dans le cas du
guérisseur, cependant, sans doute car s'ancrant dans un univers mieux
maîtrisé par son auteur. A noter que malgré la mort de l'un de ses protagonistes principaux (et ce d'une façon pour le moins inattendue),
Message de Frolix-8
véhicule un optimisme général (en particulier sur la fin) bien rare chez
Dick (surtout si l'on compare à des
romans comme
Ubik ou même
Blade Runner).