
Un dieu peut-il être croyant? Tel est le genre de questions que pose
le guérisseur de cathédrales, roman aussi connu sous le titre de
manque de pot. Il s'agit d'un des
nombreux romans traitant de religion de l'auteur
Philip K. Dick. Mais
le guérisseur de cathédrales se pose des questions
nouvelles, telle que le besoin d'aide de la part de mortels que peut ressentir un dieu.
Terry Pratchett, quand à lui sur le mode de
l'humour, dans son roman de la saga du Disque-Monde
Les petits dieux, suggérera la même chose.
Philip K. Dick quand à lui ne s'arrêtera pas là, en développant l'idée qu'un dieu n'est jamais rien d'autre
qu'une entité hautement plus évoluée et puissante (il n'est ni le premier ni le dernier à l'envisager). Dans le roman, le Glimmung, vu comme un dieu par les héros,
n'en est finalement pas un (il ne l'a d'ailleurs jamais laissé entendre). Il a même comme but de redonner vie à d'autres créatures qu'il considère comme des dieux.
Mais, ne sont-elles pas elles-aussi que des entités surpuissantes?
Le guérisseur de cathédrales est accessoirement l'un des seuls romans de son auteur ouvertement space-opera, où des races plus étranges les unes que les autres se
côtoient, vivent sous le même air, voir ont des rapports sexuels. D'ailleurs, le héros, un être humain, trouve le réconfort avec une charmante extra-terrestre, là
où les femmes de sa race l'ont déçus voir dominés (le thème de la femme dominatrice est une constante de l'œuvre
dickienne. Cet univers coloré et multiculturel est relativement éloigné des habitudes de l'auteur, et ce n'est pas
surprenant que le roman baigne dans l'humour dans tout ce qui concerne les rapports entre les différentes races E.T.
Par contre, la mission que se voient confiée les protagonistes de l'histoire est quand à elle traitée avec beaucoup de sérieux, le roman basculant régulièrement
dans l'angoisse voir l'horreur, la cathédrale engloutie et son environnement hostile n'étant pas sans rappeler la R'lyeh de
H.P. Lovecraft,
demeure engloutie du terrifiant Cthulhu. Le sauvetage de la cathédrale qui donne son nom au roman français passera par la découverte d'un but dans la vie, ainsi que par une
ouverture à l'autre (se finissant par un gestalt entre les différents protagonistes). L'empathie, un sujet cher à l'auteur, trouve ici un environnement parfait. Seul le robot
échappe à cette fusion, car tout comme dans
Blade Runner, ce qui différencie une vie artificielle d'une
créature organique c'est avant tout l'empathie.
Les héros du roman sont tous des losers, des rebus de sociétés ne voulant plus d'eux, et ce comme dans la majorité des romans de
Philip K. Dick. Et comme bien souvent chez l'auteur, ceci est lié à deux raisons: une folie latente du héros, et une
société sécuritaire et dominatrice, où l'être humain n'a pour ainsi dire pas sa place. Il s'agit bien entendu du regard que pose
Philip K. Dick sur la société américain des années 60, une société capitaliste où l'homme
n'est qu'une machine à produire et surtout à consommer (c.f. les portes payantes d'
Ubik).
Si le roman ne manque par d'idées intéressantes, sa position bancale entre humour et horreur le place dans une situation particulière, et demande un certain effort pour entrer
dans l'histoire.
Philip K. Dick a écrit un autre roman se déroulant dans le même monde,
Nick et le Glimmung. Il s'agit d'un livre
pour enfants écrit en 1966 (mais sorti en France seulement après la mort de l'auteur, à la fin des années 80).