La science-fiction au cinéma! Un sujet infini. Pour ceux qui doutent,
Jean-Pierre Putters, fondateur du magazine spécialisé
Mad Movies, travaille depuis des années, au sein de son magazine chéri (qui a d'ailleurs
servi de référence à l'essai de
Michel Chion) à un
référencement complet des oeuvres traitant du genre. Et que ce travail devrait encore l'occuper pour au moins 20 ou 30 ans, au rythme
où il avance. Autant dire un travail titanesque.
Michel Chion a pris le parti (à
raison) de ne parler que des oeuvres majeures du Septième Art ayant eu soit un succès notable soit une influence quantifiable ou significative
sur l'évolution de la science-fiction au cinéma, et ce depuis le début du cinématographe.
L'amateur comme le néophyte trouvera des informations passionnantes sur un genre qui n'eut pas toujours le vent en poupe (en effet, avant les
gros succès que furent
2001, l'Odyssée de l'espace et surtout
Star Wars
rares furent les films de S-F à avoir eu droit à un budget conséquent (le
Métropolis de
Fritz Lang étant
en quelque sort l'exception qui confirme la règle), ainsi qu'à une campagne de publicité agressive. Difficile à imaginer
aujourd'hui, où 90% des gros succès cinéma sont des films de science-fiction ou en tout cas fantastique (en dehors du
Titanic
de
James Cameron, pratiquement tous les leaders du box-office appartiennent au film de genre).
On sent que l'auteur possède une forte culture cinématographique, et pas seulement concernant une période en particulier. Même
s'il saute aux yeux que l'auteur a une préférence pour une période en particulier (en gros les années 60-70), et plus
particulièrement pour les films de
Stanley Kubrick (dont l'auteur a consacré plusieurs essais). Même s'il est impossible de nier
l'importance de l'auteur (et en particulier de
2001, l'Odyssée de l'espace),
Michel Chion
a tendance a trop tout rapporter à son auteur favori.
2001, l'Odyssée de l'espace a marqué son époque, certes, mais,
contrairement à ce que dit l'auteur, moins que le
Star Wars de
George Lucas, car s'il est bien un film que tous ont cherchés à copier
sans jamais l'égaler c'est bien
La guerre des étoiles. Dire que le
Docteur Folamour est un film de science-fiction est déjà sujet à discussion, mais dire que ce film a influencé
l'imagerie du film apocalyptique est sans doute une erreur. Le cinéma, dans ce genre typique des années 70/80 c'est beaucoup plus
inspiré des grands noms de la littérature de science-fiction (
Philip K. Dick en
tête) que de
Kubrick. De même,
Michel Chion considère le larmoyant
et ennuyeux
A.I. de
Steven Spielberg comme l'un des tous meilleurs films du
réalisateur pour la simple raison que le film devait être réalisé par
Kubrick avant sa mort. Une position trop partiale
pour être véritablement critique.
Cela n'empêche pas l'auteur d'avoir dans la majorité des cas des interprétations très fines sur les films et surtout les mouvements
du genre, et ce au travers du XXème siècle (ainsi qu'au début du millénaire); il permettra au lecteur non spécialiste
(quoique même le spécialiste y découvrira nombre de faits) de se retrouver et de mieux envisager un genre bien moins simpliste que
la réputation que l'imagerie populaire veut bien lui donner. Des films comme
Soleil vert
et
La guerre des mondes (la version de
George Pal mais surtout la version de
Steven Spielberg) démontrent de façon bien plus forte et efficace la
véritable place de l'Homme sur Terre que n'importe quel film dit classique. Alors oui, la science-fiction (et particulièrement au cinéma)
est aussi et surtout un moyen de s'évader, un pur medium pour l'Entertainment, mais non seulement il serait idiot de bouder ce plaisir, mais ce
serait surtout faire une impasse sur l'un des moyens d'expressions les plus forts de leur époque, ce que l'essai de
Michel Chion arrive à merveille à nous démontrer.
L'auteur se permet de montrer que certains auteurs dit "sérieux", comme
Fellini ou
François Truffaut, se sont frottés
au genre, souvent sans y avoir l'air (
8 et demi de
Fellini par exemple). Et pas toujours pour le meilleur, soit dit en passant.
Malgré quelques erreurs parfois gênantes,
Michel Chion fait un tour
(forcément incomplet) d'un genre souvent mal compris, complexe, englobant de nombreux sous-genres n'ayant strictement rien à voir entre eux
(quel rapport en effet entre la comédie
Retour vers le futur, le space-opéra
la guerre des étoiles, et le film d'horreur
Event Horizon). Une source
d'information très facile à lire, avec en prime nombre de photos argumentant les propos de l'auteur (même si toutes les photos ne sont
pas forcément les plus parlantes).