retour à la page d'accueil

Retour à la section romans.



Les Seigneurs de l'Instrumentalité, tome I



 
Les Seigneurs de l'Instrumentalité, tome I, Folio SF

 

Auteur

Cordwainer Smith

 

Genre

Science Fiction
 

Année de sortie

1980
 

Résumé

"...Et quand les premiers hommes à aller dans le Grand Extérieur arrivèrent sur la Lune, que trouvèrent-ils?
- Rien, répondit le coeur silencieux des lèvres.
- aussi allèrent-ils plus loin, jusqu'à Mars et Vénus. Si les vaisseaux partaient tous les ans, jamais, jusqu'à l'An Premier de l'Espace, ils ne revinrent. Alors, un vaisseau revint avec le Premier Effet. Sondeurs, je vous le demande, qu'est-ce que le Premier Effet.
- Personne ne le sait. Personne ne le sait.
- Personne ne le saura jamais. Trop nombreuses sont les variables. Comment connaissons-nous le Premier Effet?
- Par la Grande Douleur de l'Espace, dit le coeur.
- Et par quel autre signe?
- Par la nostalgie, ô la nostalgie de la mort!"
 
Chef d'oeuvre mythique et singulier de la science-fiction, le cycle des Seigneurs de l'Instrumentalité compose au fil de ses tableaux une légende des siècles futurs, empreinte de poésie et d'une profonde humanité. Une vision inoubliable de notre avenir, d'une ambition comparable au fondation d'Isaac Asimov ou à l'Histoire du futur de Robert Henlein.
 


 

 


 

Avis

Note :
 
L'auteur américain Cordwainer Smith a travaillé toute sa vie sur sa saga des Seigneurs de l'instrumentalité. Ce premier tome, sorti uniquement en France sous ce format, est donc un ensemble de nouvelles, sorties aux U.S.A à partir de 1950, formant un ensemble cohérent, et rappelant fortement les oeuvres d'auteur aussi incontournables que Ray Bradbury (Chroniques martienne), Isaac Asimov (Fondation), Franck Herbert (Dune) ou bien encore Robert Henlein (Histoire du futur). Plus proche de nous, on pourrait facilement penser à Kim Stanley Robinson (sa saga martienne). C'est dire si Cordwainer Smith s'inscrit dans une longue lignée d'auteurs de science-fiction et d'anticipation.
Construit à la façon même des Chroniques martiennes (de petite nouvelles espacées dans le temps racontant l'histoire du monde décrit par l'auteur), ce premier tome des Seigneurs de l'instrumentalité marque par la force des sujets abordés, ainsi que par l'universalité des propos tenus par l'auteur. Bien plus qu'une simple histoire de science-fiction, teintée d'aventures et de fantasy, les nouvelles contenues dans ce recueil sont pleines de réflexion sur la société, la nature humaine, et la pouvoir. Le format d'écriture, fortement inspiré de la forme littéraire chinoise, peut paraître naïve, mais c'est non seulement voulu, mais même pourrait-on dire nécessaire, le forme créant un fossé avec le fond, à la façon des fables et autres contes de fées.
On retrouve ainsi dans ce premier tome des sujets de réflexion aussi variés que la guerre (les nouvelles non non pas Rogov!, et la guerre 81-Q, toutes deux fortement inspirées par la Seconde Guerre Mondiale et la Guerre Froide qui en a suivi), le nazisme (les nouvelles Mark Elf, la reine de l'après midi), la religion (à différents niveaux, la majorité des écrits, mais plus spécialement la Dame défunte de la ville des gueux et sous la vieille terre), l'argent et le pouvoir (pratiquement toutes les nouvelles tournent autour de ce double sujet), et bien évidemment l'identité de l'Homme.
Certains parallèles sont évidents, comme le personnage de D.Jeanne, mélange entre le Messie des chrétiens (avec dans le rôle des chrétiens opprimé les sous-êtres animaux) et Jeanne d'Arc (le nom déjà, mais aussi le destin). Les robots ensuite, qui, même s'ils sont bien moins présents que dans l'oeuvre d'Isaac Asimov, n'en restent pas moins primordiaux pour l'auteur, en particulier pour montrer du doigt le goût du pouvoir de l'homme sur l'Autre, ainsi que pour faire réfléchir le lecteur sur l'état même d'Etre humain.
D'autres sont plus discrètes, mais néanmoins présentes. La santa Clara, la drogue de longue vie de Cordwainer Smith, disponible uniquement sur la planète Nostralie, fait évidemment allusion à l'épice des Fremens, tirés de l'oeuvre de Franck Herbert. Les fans de science-fiction se retrouvent ainsi comme au sein d'une grande famille, les nuances ou divergences entre chaque récit étant un moyen différent de voyager dans le monde de l'imaginaire, et permettant d'aborder des thèmes importants pour les deux auteurs, via un traitement au final presque opposé. Et pourtant, les deux auteurs ont à coeur de faire de leurs sagas bien plus que de simples histoires de science-fiction. Aussi bien dans Dune que dans les Seigneurs de l'instrumentalité le fond a plus d'importance que la forme.
La guilde des Sondeurs, au centre de la nouvelle les sondeurs vivent en vain (nouvelle qui a donné son sous-titre à ce volume), n'est d'ailleurs pas sans rappeler la Guilde des Voyageurs de Franck Herbert. Dans les deux cas, d'anciens humains ont fait une croix sur leur humanité pour faire partie du club fermé des voyageurs, seuls à pouvoir guider les vaisseaux spatiaux dans l'immensité de l'Espace. L'importance de ce monopole, ainsi que les actes pour le garder, font évidemment référence directe à la soif de pouvoir de l'homme. Encore une fois, les deux auteurs convergent en idées, contenu et contenant.
Alex Proyas a du lire Cordwainer Smith, tant les Etrangers de son film Dark City rappellent cette fameuse guilde des sondeurs. Il y a pire référence...
Mais tandis que le réalisateur de The Crow et I, Robot insuffle à ses histoires une noirceur et un pessimisme notable, Cordwainer Smith est plutôt du genre optimiste, ces nouvelles ayant pratiquement toujours un happy end, ou en tout cas une conclusion impliquant une amélioration des choses. L'avenir, chez Cordwainer Smith, sera rose, même si le chemin à parcourir avant d'atteindre le bonheur est encore long.
 
En tout cas, pour le lecteur, le bonheur de lire est à porter de main. Se plonger dans Les Seigneurs de l'instrumentalité c'est faire un pas dans la science-fiction adulte. De grands moments de lecture attendent ceux qui découvrent l'oeuvre d'un auteur relativement peu connu en France, en tout cas en dehors des lecteurs de Science-fiction.
 
La planète Shayol fait suite à cette première partie du Cycle des Seigneurs de l'instrumentalité.