
S'il est une chose que
Terry Pratchett a compris, c'est bien le fonctionnement de l'esprit humain. Au travers de ce second
volume
(1) l'auteur des
Annales du disque Monde, aidé en cela de ses deux scientifiques d'amis
Ian Stewart et
Jack Cohen va nous démontrer en quoi notre vision
du monde (et en particulier de l'évolution de l'intelligence humaine) est erronnée. Pourquoi? A cause de ce que les trois compères appellent les
"mensonges pour enfants". Qu'est donc que cela? Tout simplement les simplifications faussant la réalité peuplant notre vie. Un exemple? L'atome. On nous apprend à le
percevoir comme un mobile ou de petites boules (les électrons) tournent de façon ordonnée autour d'une plus brosse (le noyau).
Cette image est fausse, mais nous
permet de comprendre son fonctionnement (enfin, sauf pour les spécialistes, qui eux ont besoin d'un autre "mensonge pour enfants" plus fin; actuellement, ces derniers utilisent les
modèles de Bohr et de Schrödinger).
De plus, l'être humain a un besoin effréné de la seul chose qui manque dans notre univers (et dont le Disque Monde est rempli): la narrativium. Pour ceux qui ne connaissent pas
encore l'oeuvre de
Terry Pratchett (mais dans ce cas là il devient très difficile de lire un livre comme
la science du disque monde II: le Globe) le narrativium est la force motrice des histoires: Si l'on croit suffisamment fort, ou si l'on a besoin qu'une chose arrive, alors cette chose
se produit. Nous ne fonctionnons pas comme cela? En êtes-vous bien sur? Qui ne s'est jamais dit "il faut qu'il fasse beau demain car je sors me promener"? Cette prière (qui
n'a aucune chance d'être exhaussée) est un exemple du besoin de croire au narrativium de l'être humain. D'après les trois auteurs de cet essai c'est même ce
qui différencie l'être humain des autres animaux. D'ailleurs, ils proposent de nous nommer au lieu d'
homo sapiens,
pan narens, le singe conteur, ce qui, il faut
bien l'admettre (si l'on croit la théorie darwinienne du monde), est très logique: Après tout nous sommes sur la même branche que les singes, alors pourquoi nous
différencier dans le nom. Et sage, l'histoire nous prouve tous les jours que nous ne le sommes pas. Conteur, par contre....
Et l'âme dans tout cela? Et bien, nos trois amis nous rappellent que depuis
Descartes et son fameux
cogito ergo sum (
je pense donc je suis) la science a bien
évolué, et a (malheureusement?) prouvé l'interdépendance forte entre pensée et matière (le corps). A tel point que l'on pourrait presque plutôt
inverser la phrase du philosophe en
je suis donc je pense. Encore une fois,
Terry Pratchett fait intervenir le
narrativium pour expliquer pourquoi les hommes restent tant attachés à cette petite (mais primordiale) phrase: Pouvoir détacher corps et esprit, et il n'y a qu'un pas
jusqu'à l'âme immortelle si chère à la majorité des religions actuelles.
La science du disque monde 2: Le Globe est conçue exactement de la même façon que le
premier volume, à savoir un chapitre de fiction, mettant en scène les mages de
l'Université de l'Invisible, en visite sur notre Globe, et un chapitre étudiant les thématiques abordées dans le précédent chapitre, cette fois-ci
avec un regard de scientifique. Mais par n'importe quel scientifique, un scientifique ayant l'esprit tordu de
Terry Pratchett.
Résultat, en plus de nous rendre facile à comprendre des concepts ardus, le récit nous apprend à toujours prendre du recul, et à ne jamais prendre pour
argent comptant ce que l'on nous dit. Toujours ces histoires de "mensonges pour enfants". Certains sont peut-être anodins (la forme réelle de l'atome) mais d'autres non (les
armes de destructions massives de l'Irak par exemple).
Mais l'un des sujets les plus intéressants abordés par ce livre, c'est le lien extrêmement fort entre art et évolution. On a l'habitude de dire que lorsqu'une
civilisation a atteint un certain niveau, il développe ses arts (peinture, musique, écriture -si cette civilisation connait l'écriture). Et si le sens n'était pas
aussi strictement dirigiste, l'un permettant à l'autre d'avancer, et plus l'un fait un pas en avant, plus l'autre fait de même. Il suffit de voir l'évolution de la musique
à travers l'histoire, où les tendances musicales se multiplient de nos jours comme jamais, au même rythme que les innovations technologiques et sociales. De la à
dire, comme
Terry Pratchett dans
La science du Disque Monde II: le Globe qu'un auteur comme
William Shakespeare
permettra à l'humanté de survivre il n'y a qu'un pas. Et
Terry Pratchett alors? Va-t-il sauver le monde? C'est
bien tout le mal qu'on lui souhaite.
Alors, oui, c'est évident qu'un livre comme
la science du disque monde n'a pas pour but de révolutionner la science (mais d'ailleurs ce n'est jamais le cas des
écrits de vulgarisation scientifique), ni d'expliquer au plus grand nombre les dernières recherches (genre
une brève histoire du temps, de
Stephen Hawkins).
Par contre, s'il peut ouvrir les yeux ne serait-ce que d'une seule personne sur la multiplicité de façons de voir le monde (toutes vraies, pour une vérité
donnée, comme l'explique
Terry Pratchett), alors ce livre aura sa raison d'être. Dans tous les cas, il restera
plaisant à lire et toujours drôle.
Note:
(1) Le premier volume est sorti en France en 2007, le second est paru quand à lui en 2009. Si l'édition
française de
la science du disque monde: le Globe correspond bien à la version anglaise sortie quand à elle en 2002, il n'en est pas de même du premier
volume, qui correspond à la version de 1999 remise au goût du jour en 2005 par l'auteur (ou plutôt les auteurs).