
Avant dernier tome de la saga en français, la saga américaine ne comprenant que trois tomes,
ombres et flammes faisant partie du
dernier,
Ship of destiny, tout comme le précédent volume,
le Seigneur des Trois règnes, cet épisode, qui voit pourtant
nombre de situations évoluer, voir s'éclairer (le rapport entre Kennit et les vivenefs est ainsi expliqué), peine à faire
avancer l'histoire vers sa conclusion, pourtant proche. Il faut dire que ce découpage en 9 tomes pour la version française a quelque
chose d'assez dérangeant pour le lecteur, qui passe visiblement pour une vache à lait. Ajoutons à cela une lecture morcelée,
induite par la sortie espacée des différents volumes, et donc une difficulté naturelle pour s'impliquer dans l'histoire, sans
parler d'une sortie dans le désordre des sagas (
les aventuriers de la mer est la seconde partie du gigantesque cycle des dragons de
Robin Hobb, et non pas le dernier), fait au final que cette saga n'est pas vraiment mise en
valeur par le monde de l'Edition française.
Surtout que ce cycle est de loin le plus ambitieux de l'auteur, car il explique nombre de choses du premier cycle,
L'assassin royal, au travers de
nombreuses découvertes remettant en cause la compréhension du monde que pouvait avoir le lecteur. Pour arriver à cela,
l'auteur a du multiplier les personnages de point de vue, afin de bien nous faire comprendre l'ensemble de son monde, y compris des personnages non
humaines, comme le dragon Tintaglia. Cela a malheureusement comme conséquence de faire prendre trop de recul au lecteur vis à vis des
nombreux héros (au contraire de la saga de Fitz où l'on ne suit que les aventures du bâtard royal, d'ailleurs racontés à la
première personne), et donc de peu se sentir impliqué par les événements. Ceux-ci sont d'ailleurs bien plus globaux que ceux
de la saga de Fitz Chevalerie, et beaucoup plus proche de la pure fantasy, l'attachement à un monde réaliste étant l'une des grandes
forces de la première saga de l'auteur (et ce malgré les nombreuses présences tout au long de la saga de magie et de créatures
de légendes). Perdant de vue pendant de longues pages les héros, il est parfois difficile de se replonger dans leurs aventures, l'auteur
aurait du se limiter en nombre de personnages. Peut-être un ou deux aurait été suffisant. Il avait été reproché
exactement la même chose à
J.R.R. Tolkien avec son chef d'oeuvre,
Le seigneur des anneaux, qui accumulait les personnages, et les perdait souvent
de vue pendant plusieurs centaines de pages. Cependant, chez
Tolkien, cela fonctionnait.
Visiblement, ce n'est pas le cas chez
Robin Hobb. Peut-être le rythme d'un roman (de plus
de 800 pages) par an était trop soutenu pour réussir à peaufiner son cycle. Les personnages sont au final un petit peu trop
stéréotypés, et manquent de profondeur. Il faut dire que l'auteur a au final peu de temps à consacrer à chaque
personnage.
Visiblement,
Robin Hobb est plus à l'aise avec les aventures intimistes qu'avec les
grandes sagas bouleversant les équilibres du monde. Monde pourtant bien pensé, et beaucoup plus complexe qu'il n'y parait. Elle arrive
cependant à proposer au lecteur une relecture très intéressante du mythe du dragon.
Tout comme dans la saga de
l'assassin royal, ou bien encore dans
le dieu dans l'ombre,
l'auteur met en avant le manque d'intérêt de l'homme pour la nature, avec des héros luttant pour rééquilibrer les forces. Fitz en est
un exemple flagrant. Reyn aussi, faisant le choix de faire revenir les dragons sur terre, au risque de réduire l'humanité à
l'esclavage, ou en tout cas à diminuer très fortement la puissance de sa propre race. Le Fou/Ambre, fait de même, et ce au travers des
trois cycles de l'auteur (
l'assassin royal,
les aventuriers de la mer, et
le Second Cycle de l'Assassin royal). L'homme et l'animal
doivent vivre en symbiose pour avoir un avenir.
Rien que pour entendre ce message, le
cycle des aventuriers de la mer doit être lu.