Les machines à illusions a été écrit à quatre mains, en collaboration entre
Philip K. Dick et
Ray Nelson. Mais c'est bien entendu la patte de l'auteur de
Blade Runner qui se ressent le plus, en particulier du côté
des thématiques traitées dans le roman.
Les machines à illusions est en effet un habile mélange entre deux précédentes œuvres du romancier,
à savoir
le maître du Haut-Château (1962), où dans les deux cas on retrouve les Etats-Unis sous domination étrangère, et
les joueurs de Titan (1963),
avec son invasion extra-terrestre. L'affiliation au premier des deux romans est la plus forte, puisqu'à l'origine,
Les machines à illusions devait être la suite du
maître du Haut-Château, avant que finalement les envahisseurs japonais ne soient remplacées par des ganymédiens.
De la même façon, comme dans un nombre extrêmement élevé de romans de
Philip K. Dick, on retrouve des
mutants (precogs, télépathes), des malades mentaux (pratiquement toujours des schizophrènes), et même des androïdes à forme humaine. Il ne manque plus que le
dégénéré pour compléter le tableau des figures incontournables de l'univers
Dickien.
Le roman traite aussi d'une peur incontournable de la science-fiction des années 60-70, à savoir la peur de la domination étrangère, à savoir la peur du russe, ici
symbolisées par les vers despotiques de monomaniaques de Ganymède. Cette phobie se retrouve bien entendu dans nombre de récits de
Philip K. Dick, mais aussi chez nombre de ses contemporains.
Voir les Etats-Unis sous dominations étrangère, fut-elle extraterrestre, a toujours fasciné-horrifié les américains, de la littérature au cinéma
(
ID-4,
La Guerre des mondes version
Byron Haskin ou
Steven Spielberg,
l'invasion des profanateurs de sépultures ou ses remakes,....). Et
Philip K. Dick, grand paranoïaque s'il en fut, ne pouvait pas échapper au genre; ni se contenter que ne l'aborder qu'une fois
(fut-ce avec un roman ayant reçu un Hugo). Et il est vrai que rarement, le genre aura aussi bien été traité que dans
le maître du Haut-Château. C'est
d'autant plus dommage de la part de l'auteur d'avoir écrit un livre comme
Les machines à illusions, car ce nouvel opus des invasions des Etats-Unis n'apporte malheureusement pas
grand chose au genre.
En fait,
Philip K. Dick semble plus intéressé par l'autre sujet phare de son roman: la folie! Et le récit de bien souvent
sombrer dans la confusion, le lecteur ressentant (mais ce n'est pas agréable) les sensations que peuvent connaître des malades mentales en pleine crise de délire, en particulier
visuel. Le seul moyen d'échapper à cette horreur étant, comme le personnage de Joan Hiashi, de totalement se couper du monde. En gros de passer d'une folie, la schizophrénie,
à une autre, l'autisme. Une version bien déprimante de l'humanité. D'ailleurs, la majorité des personnages humains du roman, en dehors peut-être de Paul Rivers, sont
de dangereux malades: le docteur Balkani, expérimentant des drogues de façon aléatoire afin d'atteindre de nouvelles strates de perceptions, Percy X capable de détruire
toute vie intelligente dans l'univers uniquement pour ne plus être sous domination, Gus Swenesgard prêt à tout pour avoir du pouvoir,....
Et les E.T. de ne pas être mieux lotis, avec leurs manies destructrices (pour l'un, collection de modèles d'avion, pour l'autre, boulimie de lecture au point de finir par se prendre
pour l'auteur des lignes de son auteur favori).
Les machines à illusions est aussi un roman qui traite de racisme (les blancs contre les noirs, les E.T. contre les humains, ....), de féminisme (Joan est un personnage libre,
débarrassé de ses pulsions physiques, ayant un réel pouvoir), ainsi que du danger de la technologie. Sur ce dernier point, le parallèle entre les fameuses machines à
illusions et l'arme atomique est évident: d'une portée incomparable aux armes classiques, continuant à agir même une fois éteinte (les radiations atomiques!), et
surtout mettant entre les mains d'un seul homme 'ou d'une poignée) un pouvoir incommensurable! Doit-on se servir de telles armes lorsqu'on en a la possibilité? N'est-ce plutôt pas
le devoir de chacun de tout faire pour que de telles armes n'existent jamais? Des années avant que les gouvernements mondiaux ne se penchent sur le désarmement nucléaire,
Philip K. Dick se posait déjà la question de la solution finale.
Même si le roman se finit de façon -relativement- optimiste, avec des humains de nouveau maîtres de leur destiné, quoique toujours sous le contrôle d'une poignée
(certes représentée par le seul personnage positif du roman, Paul). Une façon de rappeler que l'humanité peut toujours compter sur l'ambition de quelques uns pour venir
manipuler notre destin, bien souvent à notre insu). Une vision de paranoïaque, typique des schizophrènes, mais qui malheureusement est une réalité indéniable.
Malgré une thématique ambitieuse et de nombreuses bonnes idées (ce qui est toujours le cas des romans de
Philip K. Dick),
les machines à illusions peine à captiver son lecteur, la faute à une trop forte propension à décrire un monde où la folie et le chaos règne.
Résultat, le lecteur a bien du mal à trouver ses repères, et l'effort fourni pour comprendre l'univers se fait au dépend de l'histoire et de la compréhension des
thèmes abordés.