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Des Fleurs pour Algernon


 


 
Des Fleurs pour Algernon, chez J'ai Lu

Auteur

Daniel Keyes

 

Genre

Science-Fiction
 

Année de sortie

1959
 

Résumé


 
Algernon est une souris de laboratoire dont le traitement du Pr Nemur et du Dr Strauss vient de décupler l'intelligence. Enhardis par cette réussite, les deux savants tentent alors, avec l'assistance de la psychologue Alice Kinnian, d'appliquer leur découverte à Charlie Gordon, un simple d'esprit employé dans une boulangerie.
C'est bientôt l'extraordinaire éveil de l'intelligence pour le jeune homme. Il découvre un monde dont il avait toujours été exclu, et l'amour qui naît entre Alice et lui achève de le métamorphoser.
Mais un jours les facultés supérieures d'Algernon déclinent. Commence alors pour Charlie le drame atroce d'un homme qui, en pleine conscience, se sent retourner à l'état de bête...


 

 


 

Avis

Note :
 
Des Fleurs pour Algernon, de Daniel Keyes Des fleurs pour Algernon est un roman certes court mais néanmoins très riche. Sur une base science-fictionnelle légère, à la façon de certaines nouvelles d'Isaac Asimov, Daniel Keyes nous offre une plongée dans la psyché humaine, et dans tout ce que la société occidentale, et en particulier américaine du milieu du XXème siècle, cherche à cacher.
L'auteur a eu la brillante idée de traiter son histoire de façon épistolaire, une technique narrative quelque peu tombée en désuétude à cette époque (là où des auteurs comme Bram Stoker ou H.P. Lovecraft, pour ne rester que dans le genre fantastique, l'utilisaient abondamment). En effet, quelle meilleure façon pour traiter de l'esprit d'un homme qu'en lui faisant coucher sur le papier ses pensées, émotions et autres idées. Surtout lorsque celui-ci subit un changement aussi radical que celui de Charlie Gordon, à savoir un attardé mental se retrouvant presque du jour au lendemain à développer une intelligence hors norme. Ce qui a aussi pour conséquence de voir se modifier les rapports du dit personnage avec son entourage, qui de condescendent voir moqueur va devenir envieux et inquiet. Ou comment l'intelligence d'un être humain influence ses rapports avec autrui.
D'ailleurs, aussi bien dans sa phase où son intelligence est la moins développée que celle où elle est à son apogée, notre héros aura de grande difficulté à entretenir des rapports sociaux normaux. A tel point que Charlie verra son bonheur diminuer au fur et à mesure que son intelligence s'accroit. Entre la prise de conscience de son ancienne existence (et tout particulièrement des agissements des autres envers lui à cette époque) et une certaine déshumanisation liée à une intelligence hors-norme, il s'avère très dur de vivre normalement lorsque l'on ne rentre pas dans les normes. Le roman va d'ailleurs plus loin en montrant que cette norme sociale s'étend à tout ce qui peut différencier un être humain d'un autre: en dehors des attardés mentaux ou physiques, on retrouve les personnes âgées (le cas de la mère du héros est d'autant plus triste que si le lecteur espère une "vengeance" de la part du héros vis à vis de sa mère, la situation de celle-ci, d'une banalité affligeante, est aussi d'une tristesse absolue), mais aussi toutes les personnes en marge de la société (les artistes non reconnus, comme la voisine de Charlie). Et l'auteur d'aller plus loin en nous montrant que l'on est tous l'exclu d'un autre (comme c'est le cas des deux scientifiques à l'origine du changement chez Charly, qui n'arrivent pas à se faire reconnaître par leurs pairs). Dans un autre des romans de l'auteur, Les Mille et une vies de Billy Milligan, Daniel Keyes abordera le problème des malades mentaux dans une société qui ne veut pas avoir à faire avec eux.
Est-on une personne lorsque l'on est attardé? La réponse, si elle semble évidente, n'explique pas alors pourquoi les gens se comportent comme si cela n'était pas le cas. Et Daniel Keyes re remuer le couteau dans la plaie de façon cruelle, en nous démontrant que même lorsque l'on sait qu'il ne faut pas se comporter avec autrui de façon déplaisante (ne fait pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'ils te fassent), cela n'empêche pas de tout de même mal agir envers les plus faibles, comme c'est le cas avec Charly dans le roman. En cela, des fleurs pour Algernon véhicule, peut-être même inconsciemment de la part de l'auteur, un message typiquement judéo-chrétien. Tout comme l'aspect méritoire des avantages que chacun pourrait espérer avoir (ici une intelligence exceptionnelle): l'auteur semble en quelque sort dire "ne cherche pas à avoir ce que dieu ne t'a pas donné sous peine de la payer chèrement". Ce qui ne manquera pas d'arriver à notre héros, lors d'une descente aux enfers vécue par sa perte graduelle de son intelligence, de sa faculté à écrire et à penser.
Si le thème du "Rise & Fall" est classique en littérature et au cinéma, l'angle par lequel Daniel Keyes aborde le sujet est original, et d'une grande efficacité. Il est facile de comprendre pourquoi ce roman a été récompensé des deux plus grandes distinctions de la littérature fantastique américaine, à savoir le Hugo et le Nebula.
Enfin, parmi les thèmes forts traités au sein de ce roman, on retrouve la sexualité. Sujet relativement tabou aux Etats-Unis, en particulier à cette époque (la fin des années 50), et encore plus lorsque l'on aborde le sujet de front, comme c'est le cas ici, cela devient pratiquement intolérable (en tout cas pour les ligues biens pensantes) lorsque c'est de la sexualité des handicapés dont il est question. D'ailleurs, dans certaines régions des Etats-Unis le roman sera tout bonnement banni. Le troisième roman de l'auteur, Les Mille et une guerres de Billy Milligan subira lui aussi les foudres de la censure américaine, puisqu'il sera tout bonnement interdit chez l'Oncle Sam. Preuve s'il en faut que Daniel Keyes frappe là où cela fait mal.
 
Des Fleurs pour Algernon est un grand roman de science-fiction, qui fut salué par les plus grands noms du genre, d'Isaac Asimov (qui ne pouvait qu'y reconnaître un développement de l'un de thèmes de son cailloux dans le ciel à Stephen King (qui en tira son Cobaye), fortement conseillé à tous les amateurs de littérature à message. Un roman qui prouve que la science-fiction est l'un des meilleurs moyens de pointer du doigt les défauts et failles de nos sociétés, et ce grâce à la distanciation inhérente au genre, distanciation qui paradoxalement permet, bien mieux que la littérature dite générale, de décrypter le monde dans lequel nous vivons.

 

 


 
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