Recueil de nouvelles, ce livre est composé de plusieurs nouvelles, deux d'entres elles ayant reçues des
récompenses internationales (le prix
Locus, en 1991 pour la nouvelle Le lit de l'entropie à minuit, et en
1994 pour Mourir à Bangkok).
Comme souvent chez
Dan Simmons, le sexe est très présent,
tout comme chez son ami
Stephen King, dont les sujets de prédilections sont définitivement très
proche, les deux auteurs étant souvent comparés,
King ayant un succès bien plus internationalement
reconnu que
Dan Simmons, mais dont le talent d'écrivain est
indubitablement moindre, fait dont chacun peut se convaincre en lisant les différentes oeuvres de l'un et de l'autre
auteur.
Dans
l'Amour, la Mort,
Dan Simmons se frotte à
différents genres, touchant aussi bien à la Science-Fiction (Flash-Back), qu'à l'horreur (Mourir à Bangkok),
et la littérature dite générale (Le lit de l'entropie à minuit), avec toujours autant de talent. Un
très bon moyen pour découvrir les différentes facettes d'un auteur exceptionnel. A lire que vous connaissiez ou pas
Dan Simmons.
Le lit de l'entropie à minuit (1990)
Cette nouvelle, au sujet très proche de son roman
l'Epée de Darwin, avec son personnage d'enquêteur
dans les assurances, nous entraîne dans les conséquences directes et indirectes de la mort d'un proche, via un
traitement proche d'un roman policier, avec un suspens et une ambiance pensante, l'auteur nous manipulant habillement. Une preuve
évidente du talent de
Dan Simmons, justement
récompensé par le prix Locus de la meilleure novellette, en 1991. Rares sont les écrits, courts qui plus est,
à aussi bien réussir à nous bouleverser, la grande force de l'auteur étant d'arriver à nous
faire nous identifier totalement au narrateur. Encore une fois,
Dan Simmons
frappe fort. Très fort!
Mourir à Bangkok (1993)
Attention! Cette nouvelle est une bombe atomique, là encore récompensée par le prix Locus de la meilleure
novellette, en 1993. Après nous avoir entrainés dans une histoire totalement ancrée dans une horrible
réalité, nous plonge dans l'horreur, mélangeant avec brio la mort, le sexe et le fantastique. En prenant
comme lieu pour son histoire la Thaïlande, avec tout ce que ce pays peut avoir de plus terrible (prostitution, meurtres,...),
l'auteur nous plonge, au travers d'une histoire fantastique, dans la plus dérangeante des réalités, comme le
ferra quelques années plus tard
Thomas Day dans son excellent roman
La cité des crânes. Dans cette histoire
Dan Simmons
fait preuve d'un talent encore une fois exceptionnel dans cette histoire de vengeance, totalement ancré dans les peurs de
l'époque à laquelle est a été écrite; on y retrouve en effet le sida, le tourisme sexuel et la
guerre du Vietnam ( les américains commençaient alors seulement à en parler), traité ici de façon
originale, avec une tension dramatique palpable, pour arriver à un dénouement explosif. Très démonstratif
en terme de description d'ordre sexuel, cette histoire ne s'apparente que très peu à l'amour, en tout cas de prime abord,
car le twist final remet l'histoire dans la direction donnée par le titre du roman. Comme souvent chez
Dan Simmons, et au contraire de son homologue et ami
Stephen King,
les descriptions d'actes sexuels, même les plus crus, sert (presque) toujours l'histoire. En tout cas, dans le cas de
Mourir à Bangkok, c'est une évidence et une nécessité, le but étant de jouer avec
l'attraction/répulsion du lecteur provoqué par les événements. But atteint.
Sans doute la meilleure nouvelle de l'auteur, peut-être une des meilleures nouvelles horrifiques jamais écrites.
Rien que pour cette nouvelle, la lecture de ce recueil est une obligation.
Coucher avec des femmes dentues (1993)
La réponse de
Dan Simmons au film
Danse avec les loups de
Kevin Costner, l'auteur, de lointaine origine indienne, n'ayant pas supporté la vision condescendante d'une
Amérique blanche vainqueur d'un peuple vu, ayant une vision new-age totalement déplacée, vision
fantasmée d'un peuple qu'il n'est pas par un autre peuple. Cette histoire, en fait un conte indien, montre que l'auteur
est capable de toucher à tous les genres avec talent, cette nouvelle n'échappant pas à la règle. Le
rapport avec le titre de l'anthologie,
l'Amour, la mort n'est cependant pas évidente, tant le sujet semble
éloigné à première vue des chemins imposés par un tel titre. Il s'agit en fait d'un cri de
l'auteur, cri d'amour, ou en tout cas de respect, pour un peuple et une culture dévalorisé, voir niée,
entraînant ainsi la déchéance et la mort d'un peuple entier, dans l'indifférence totale. Quelque part,
il s'agit de l'histoire la plus dramatique du recueil, car la prophétie décrite dans la nouvelle (la fin du peuple
des êtres humains véritables, les indiens) se déroule actuellement sous nos yeux.
Flash-back (1993)
Deux ans avant le film de
Kathryn Bigelow,
Strange Days,
Dan Simmons nous propose une histoire de drogue permettant de revivre
ses souvenirs, là ou le film passe par des enregistrements échangeables entre les consommateurs. Les similitudes entre les
deux oeuvres ne s'arrêtent pas là, le monde décrit dans les deux cas étant très proches, quoique
beaucoup plus chaotique et sombre dans le cas de la nouvelle de
Dan Simmons,
les besoins des consommateurs étant aussi étrangement identiques (viols, meurtres, amours passés). On peut
aussi voir un parallèle avec l'une des oeuvres les plus connues de
Philip K. Dick,
le maître du Haut château, avec sa
société américaine aux mains des industriels japonais, le pays ayant été vaincu, dans le cas
de
K. Dick par la guerre, dans le cas de
Dan Simmons le chois est laissé au lecteur (guerre, politique,
économie,...).
Dans cette nouvelle, l'auteur se penche sur les ravages bien évidement de la drogue, mais aussi et surtout des medias sur
la pensé (ou la non pensée) des gens, la télévision étant pour beaucoup une autre forme de
drogue. Voir à ce propos la bombe
Requiem for a dream de
Daren Aronofsky, avec sa plongée en chute
libre en enfer d'une femme droguée par sa télévision.
Plus qu'une histoire de science fiction, cette nouvelle est belle est bien la critique d'un Amérique actuelle, à la merci
des médias et de la course à la rentabilité. Une histoire soit sans rapport avec le sujet principal du film, mais
qui frappe fort là où ça fait mal. Encore une grande réussite de
Dan Simmons.
Le grand amant (1993)
Attention: Chef d'oeuvre!
Dernière histoire de ce recueil,
le grand amant nous plonge cette fois ci dans l'horreur de la plus terrible des guerre, la
Première Guerre Mondiale, au milieu des tranchées, via le journal intime d'un poète des tranchées fictif, le
personnage s'inspirant quand à lui de véritables poètes de cette si monstrueuse guerre, réutilisant les
poèmes de ces jeunes artistes, trop souvent mort dans les tranchées. Là encore, la talent de l'auteur frappe fort,
avec ses descriptions d'un réalisme absolu, nous livrant une des histoires retranscrivant le mieux cette période, au
même titre que le film
un long dimanche de fiançailles de
Jean-Pierre Jeunet l'a fait au cinéma.
L'appartenance au fantastique de cette nouvelle n'est qu'un détail, l'histoire étant un hommage aux hommes, et en particulier aux
poètes, qui se sont battus pendant cette guerre, pendant la bataille de la Somme en particulier, cette longue bataille ayant été
non seulement l'une des plus mortelles du XXème siècle ( 1,5 millions de morts sur 5 mois) mais aussi l'une des plus futiles.
On ne sort par intact d'une telle nouvelle!
La lecture de ce recueil est très fortement conseillée, les nouvelles prouvant que
Dan Simmons possède plus d'une corde à son arc, pouvant se lancer avec
succès dans de nombreux genres littéraires, faisant ainsi un pied de nez aux critiques voulant toujours cloisonner les auteurs, et en
particulier les auteurs de romans dit de genre.