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![]() L'adaptation de bandes-dessinés au cinéma à la côte en ce début de millénaire. En plus de tous les comics (Spider-Man, C-Men, Les quatre fantastiques, Iron-Man, et nombre d'autres), on retrouve Sin City, 300, et du côté des français Michel Vaillant, Astérix, bientôt Tintin, et bien entendu Blueberry. Cette dernière fait partie des plus connues en France, et est due à Jean-Michel Charlier au scénario et Moebius au dessin. Très riche, aussi bien visuellement que thématiquement (Blueberry fut l'une des toutes premières B.D. grand public à explicitement parler de sexe, et même de drogue), la mythique bande dessinée n'avait jusque là peu attiré les producteurs du Septième Art. Il faut dire que le western n'a plus trop la côte, en particulier en France. Mais en y attachant quelques stars, et en y mettant la forme, il est tout à fait possible d'attirer un certain public, surtout si le film ne coute pas trop cher. Jan Kounen décide de se concentrer sur deux épisodes des aventures de Blueberry, La Mine de l'Allemand Perdu et Le Spectre aux Balles d'Or, respectivement tomes 11 et 12 de la saga. Mais pas uniquement, puisque le réalisateur de Dobermann va aussi aller chercher l'inspiration dans Blueberry 1900, en particulier dans le rapport entre le héros et la drogue. En effet, Jan Kounen se passionne pour le shamanisme et les drogues psychotropes, et veut avec Blueberry s'attaquer à un sujet qui lui tient à coeur et qui surtout n'a que très peu été traité au cinéma. Cette approche sera saluée par Jean Giraud, alias Moebius, mais totalement désapprouvée par les descendants de Jean-Michel Charlier, et en particulier son ayant droit de fils, Philippe Charlier (qui n'avait déjà par apprécié l'approche de Blueberry 1900). Résultat, si le nom de Moebius reste attaché au film, celui de Jean-Michel Charlier disparaît purement et simplement. ![]() Le film prend de (très) nombreuses libertés vis à vis de la B.D., comme par exemple les origines de Mike Blueberry, qui devient cajun, ceci pour expliquer la présence d'un acteur français, Vincent Cassel, dans la peau du héros. Le rôle fut pourtant initialement proposé à une star américaine, financement U.S. oblige, en la personne de Val Kilmer, mais la star refusa. Furent ensuite approchés Willem Dafoe et Benicio Del Toro, mais Jan Kounen, suite à une discussion sur le shamanisme avec son ami Vincent Cassel, arrive à l'imposer dans le premier rôle (alors qu'il devait à l'origine tenir un rôle secondaire, celui de Prosit). Ce choix s'avère d'ailleurs être une très bonne idée car l'acteur a indéniablement une gueule, qui de plus s'accorde à merveille au monde du western. Milla Jovovich se voit proposer le rôle de Maria, mais tenue par un autre tournage, elle ne peut se libérer, et c'est l'actrice/chanteuse Juliette Lewis qui obtient le rôle. Son père à la vie, Geoffrey Lewis, y jouera d'ailleurs son père à l'écran (comme Angelina Jolie et Jon Voight dans Lara Croft Tomb Raider). Nombre de vedettes viennent compléter le casting, comme Michael Madsen, Ernest Borgnine, Tcheky Karyo, Djimon Hounsou, et Temuera Morrison. Ce dernier, surtout connu pour avoir joué l'armée des clones dans Star Wars Episode II: l'attaque des clones, mêle s'il n'est pas indien (c'est un pur maori de Nouvelle-Zélande) peut très facilement passer pour un native american, il a de plus le charisme nécessaire et suffisant pour le rôle. Si sur le papier le casting est plaisant, il s'avèrera que les personnages seront souvent totalement sous-employé (comme par exemple celui d'Ernest Borgnine), voir peu crédible (ceux tenus par Michael Madsen et Juliette Lewis). Visiblement, le cinéaste ne s'est pas trop intéressé à l'histoire. ![]() En effet, la passion de Jan Kounen pour le shamanisme va pratiquement tourner à l'obsession, surtout suite à son initiation au rituel ayahuasca, prise de drogues psychotropes comprise. Cette ouverture à un monde nouveau chamboule totalement l'univers du réalisateur, qui ne s'en remettra jamais tout à fait. Et de faire de son film une déclaration d'amour pour ces rituels mal connus, voir totalement inconnus. Blueberry, l'expérience secrète fait la part belle aux trips hallucinogènes, en animation infographique en 3D, avec comme but avoué de rendre à l'écran les sensations visuelles d'un tel trip. Le film n'est d'ailleurs qu'une initiation shamanique s'étalant sur 2 heures, tout comme en son temps 2001, l'odyssée de l'espace, était une initiation quasi religieuse sur les origines de l'homme. Les deux films ont d'ailleurs en commun de longues expériences visuelles particulièrement fatigantes pour les rétines. Surtout, dans le cas de Blueberry, lorsque ces images sont comparées à celles, splendides, des magnifiques décors naturels (qui, bien entendu, n'ont pas été tournés aux U.S.A., mais dans le désert de Tabernas en Espagne, comme un nombre incalculable de westerns). La photographie de Tetsuo Nagata est d'ailleurs le point fort du film. ![]() Le reste laisse par contre beaucoup plus à désirer, l'histoire étant par exemple très confuse, à la limite du cohérent, et les motivations des personnages sont difficilement compréhensibles. Les critiques, aussi bien des professionnels que des spectateurs, ont d'ailleurs pointé du doigt le manque de crédibilité du film, son côté décousu (on a bien trop l'impression de voir des saynètes sans rapports les unes aux autres), ainsi, bien entendu le manque de fidélité par rapport au matériau d'origine. Par contre, il existe une communauté de fans de ce film, qui ont salués la qualité des images, ainsi bien sur que la vision novatrice et respectueuse du chamanisme et de son côté le plus incompris: la prise de drogue psychotrope. Mais ce sujet peut facilement faire un excellent reportage (ce que Jan Kounen s'empressera de faire, avec Darshan - L'étreinte), il en est autre chose en ce qui concerne une oeuvre cinématographique. |