
Partie centrale de
Forest Mage (la version originale du roman de
Robin Hobb, sorti en trois volumes en France),
la magie de la peur est par définition un récit intermédiaire, l'auteur déclenchant l'histoire avec
le fils rejeté, et le concluant avec
le choix du soldat. A cela s'ajoute le fait que
Forest Mage est qui plus est
pris par le même symptôme, coincé entre
Shaman's Crossing et
Renegade's Magic.
On comprend mieux alors pourquoi le lecteur a l'impression qu'il ne passe pas grand chose dans
La Magie de la peur, cette partie n'étant là que pour poser les bases de ce qui va
se dénouer dans les épisodes suivants. Mais malheureusement, le lecteur a déjà une idée claire de ce qui va se passer, et s'ennuierait ferme si
Robin Hobb n'avait pas un talent de conteur certain. Elle est d'ailleurs, à l'instar de son aînée
Ursula Le Guin, l'un des rares auteurs à "oser" faire de l'heroic-fantasy sans combat (ou très peu), où les héros
n'ont pour seul but que de mener une vie tranquille, et son avant tout pris dans des difficultés de tous les jours. Ici, Jamère doit lutter pour sa subsistance, affrontant le regard des
autres en raison de son obésité, la nature avare de la région dans laquelle il vit, ainsi bien sur que ses propres démons intérieurs (rappelant en cela beaucoup le
Fitz de
l'assassin royal).
Etrangement (ou alors au contraire très logiquement), alors même qu'il est devenu obèse, Jamère se retrouve de plus en plus confronté aux femmes. Que ce soit son
ancienne fiancée, Carsina, absente physiquement de
la magie de la peur mais omniprésente dans la psyché de son héros; Yaril, sa sœur, qu'il se doit de
protéger de leur père (mais pour cela, il doit avant tout se trouver un foyer); Epinie, sa cousine, mariée à son meilleur ami Spic, qui lui a ouvert les yeux sur la position
de la femme dans la société qui est la leur; Amzil, une jeune veuve, à moitié prostituée, à moitié sauvage, que Jamère va rencontrer et qui va
prendre une place importante dans la vie de celui-ci, et bien sur toujours la femme-arbre, que Jamère a tuée dans
le cavalier rêveur, mais qui l'obsède toujours. Et à cela vient s'ajouter Fala, une prostituée de la ville
de Guétis. Comme si cela ne siffusait pas, dans la suite,
le choix du soldat viendra s'en rajouter une nouvelle, Olikéa l'ocelionne!
Robin Hobb chercherait-elle à nous dire que même un obèse a le droit à une vie sexuelle? Déjà dans les
romans précédents, le gros Gord était la risée de certains de ses collègues de la cavalla, mais n'en avait pas moins une femme qui l'aimait.
Quand au reste, à savoir la découverte de ses pouvoirs magiques, et du conflit que cela développe chez le personnage (vers qui doit-il se tourner? Vers les siens, ou vers les
ocellions), l'arrivé d'un nouveau personnage, l'éclaireur Faille, vient quelque peu relancer la dynamique d'une trame qui avait bien du mal à se mettre en branle.
Si l'on ne peut reprocher à
Robin Hobb de prendre son temps à poser son monde, creuser la psychologie de ses personnages, et
installer son histoire, il est toutefois dommage de noter que la trop forte ressemblance avec les précédents écrits de l'auteur vient diminuer l'intérêt d'une saga
pourtant originale, loin des poncifs d'un genre qui n'a souvent rien à dire, ce qui n'est pas le cas ici.