Jean Markale fait partie de ses auteurs qui posent problème. D'un côté, ils font montre d'une érudition (de façade)
qui force le respect. De l'autre, ils accumulent les théories les plus farfelues, et avancent nombre de preuves difficilement vérifiables. Le lecteur un tant soit peu suspicieux aurait
tendance (il y aurait sans doute raison) à classer cet auteur parmi les charlatans. Surtout qu'au long de sa carrière et de ses nombreux écrits, l'homme s'est attaqué
à des sujets aussi divers que la Triangle des Bermudes (
L'Enigme du triangle des Bermudes), le trésor de Rennes-le-Château
(
Rennes-le-Château ou l'énigme de l'or maudit), le Graal (
Brocéliande et l'énigme du Graal), l'Atlantide (
Carnac et l'énigme de l'Atlantide), et
bien d'autres encore.
Seulement voilà, sans même croire ce qui est écrit dans ce livre, le lecteur ne pourra pas s'empêcher de se dire que son analyse générale sur l'absorption des
religions anciennes par les nouvelles, et en particulier leurs habitudes de culte, sonne étrangement juste. Et correspond assez à ce que d'autres historiens et archéologues ont
pu noter. Ce qui, en fin de compte, remet en question nombre d'acquis religieux, en particulier, dans le cas qui nous concerne ici, sur le christianisme. Et en allant un petit peu plus loin dans la
réflexion, jusqu'à remettre en cause l'idée même du Dieu des chrétiens.
Par exemple,
Jean Markale rappelle, à juste titre, que le principe d'Immaculée Conception, aujourd'hui absolument indissociable
du personnage de Marie, est en fait un concept très récent, puisqu'il date de la bulle pontificale de décembre 1854, due à
Pie IX. Quand à la virginité
de cette même Marie, elle est certes plus ancienne, mais datant tout de même du deuxième concile de Constantinople (553). Qu'en déduire sinon que le dogme est aussi mouvant
que les hommes qui le font?
Mais ce qui intéresse
Jean Markale, c'est de "démontrer" que le culte marial, en particulier à Chartres, est plus ancien
que le christianisme, et qu'il est hérité de croyances druidiques et celtes. L'auteur en profite d'ailleurs pour rappeler que la fête de Noël, déclarée jour de
la naissance du Christ en 354 par le pape Liberus, n'est rien d'autre que l'accaparation de la fête de Mithra, qui avait lieu le 25 décembre, cette divinité perse ayant
été pendant des siècles (jusqu'à son interdiction en 391) l'un des principaux rivaux cultuels du christianisme. De même, l'image cornue du Diable serait une
récupération de Cernunnos, l'un des dieux Gaulois (qui habituellement, est plutôt associé à deux saints bretons, saint Edern et saint Théleau).
En dehors de l'auteur (qui, soit dit en passant, aime à se citer lui-même), peu de scientifiques ou d'historiens trouveront beaucoup de crédit dans ses théories, en partie
à cause d'un manque cruel de preuves (d'ailleurs,
Jean Markale lui-même présente ses idées comme étant des
théories, ce qui en dit long sur le crédibilité qu'il porte à son histoire).
Alors oui, son récit manque de preuve, accumule les théories fumeuses (on est loin, cependant, des délires d'un livre comme
l'Enigme sacrée), et s'éloigne pratiquement constamment de son sujet (la cathédrale de Chartres), mais pourtant
s'en dégage l'idée que les religions (et en particulier la religion catholique) ne sont rien d'autre que le mélange des religions passées, où le geste cultuel aurait
pris le dessus sur le sens, au point de perdre l'idée originelle. En cela, un livre comme
Chartres et l'énigme des druides mérite que l'on s'y intéresse, surtout
couplé à un livre comme
pour en finir avec Dieu
(
Richard Dawkins), qui aborde quand à lui le problème divin non pas d'un point de vue historique mais scientifique.
Chartres et l'énigme des druides ou l'un des rares cas où les charlatans rejoignent les hommes de science!