Le Voyage fantastique est un roman à part dans l'œuvre de son auteur,
Isaac Asimov. Il s'agit en effet de son seul
travail de novélisation de toute sa carrière. Ce n'est pas que les demandes manquèrent, loin de là, mais
Asimov
n'avait jusque là (et n'aura plus jamais) trouvé du sujet suffisamment intéressant de son point de vue d'écrivain, pour le pousser à traduire en mots la vision
d'un autre. D'ailleurs, dans un premier temps, l'auteur refusera l'offre faite par Bantam Books de novéliser le film éponyme de
Richard Fleischer. Ce n'est que parce que
l'éditeur se montra convainquant que le père de
Fondation et
des Robots acceptera de faire une exception.
Isaac Asimov s'attaquera donc à traduire en roman le scénario d'
Harry Kleiner, lui même tiré d'une
histoire due à
Jerome Bixby et
Otto Klement, et adapté par un autre auteur de science-fiction,
David Duncan,
alors même que le tournage du film (un film à très gros budget, avec
Stephen Boyd,
Raquel Welch,
Edmond O'Brien et
Donald Pleasence) n'est pas
terminé. Et comme d'un côté tourner ce genre de films est très long, et de l'autre
Isaac Asimov avait une
cadence d'écriture élevée, l'adaptation romancée du film fut prête avant que le film ne fut terminé!
Il faut aussi préciser que l'
auteur, trouvait que le scénario était peu crédible d'un point de vue scientifique,
et était même parfois incohérent (la fin en particulier, qui voit les débris du sous-marin rester dans le corps du malade, alors qu'il devrait en toute logique retrouver
une taille normale et donc causer la mort de Benes).
Isaac Asimov proposera donc dans sa version romancée de régler ses
problèmes.
L'histoire racontée dans ce
voyage fantastique est donc celle qu'une équipe de scientifiques, miniaturisés et envoyés dans le corps d'un malade, dont la survie est
primordiale pour l'équilibre Est-Ouest, afin de guérir une lésion inopérable par des techniques classiques. C'est donc l'occasion de voyager dans le corps humain,
ramené à la taille d'une bactérie, qui nous est proposée ici, le tout sur base de course contre la montre (les héros ont en tout et pour tout une heure pour entrer
dans le corps, atteindre et guérie la blessure, et rejoindre l'extérieur avant de retrouver leur taille normale), avec une pointe d'espionnage (un traitre se trouverait glissé au
sein de l'expédition).
Isaac Asimov arrive, avec son background solide de scientifique, à décrire de façon
réaliste l'infiniment petit qui règle le fonctionnement de notre corps, tout en donnant un vernis crédible à cette miniaturisation et à ses impacts sur
l'extérieur. Si l'histoire peut ressembler à du
Asimov dans son mélange entre science-fiction pure et
crédibilité purement scientifique, le tout mâtiné d'action, d'humour, et de relativement peu de violence, on ressent tout de même l'influence extérieure (on ne
peut plus normale dans le cas présent) par le lien fort avec la politique mondiale et plus particulièrement la Guerre Froide
(
Isaac Asimov n'ayant pour ainsi dire jamais pris partie dans son œuvre pour l'un ou l'autre camp, son humanisme le projetant vers des
contrées plus philosophiques et moins politiques), ainsi que par la paranoïa ambiante qui en découle. Par contre, et là ou se retrouve en plein univers
Asimovien, l'enquête que même le héros quand à l'identité du traitre est typique de l'auteur et de son
amour pour les mystères (cf sa série policière des
Veufs Noirs).
Le Voyage Fantastique est un roman qui est facile à lire, ce qui est le cas de tous les écrits d'
Isaac Asimov, son style
étant d'une limpidité exemplaire, passionnant, au suspense maitrisé, mais auquel il manque le petit plus qui fait de son
cycle de Fondation une œuvre qui marqua la S-F du XXème siècle de façon indélébile.