
En 1986
Isaac Asimov sort le dernier volume (d'un point de vue chronologique) de sa
mythique saga,
le cycle de Fondation. Estimant que son cycle peut être
considéré comme terminé (même s'il s'ouvre la possibilité de le continuer, ce que malheureusement il ne pourra
jamais faire), il décide de revenir aux origines du mythe, en racontant la jeunesse d'Hari Seldon et de sa psychohistoire. Répondant
à une envie et de l'auteur et des lecteurs, cette préquelle permet de remplir le trou narratif laissé entre le génial
cycle des robots et
Fondation, le premier livre du
cycle de Fondation écrit par l'écrivain américain.
Se lancer dans l'écriture d'une préquelle n'est pas forcement en soi une bonne idée. En effet, du point de vue du lecteur, l'histoire
est déjà connue, on sait d'où l'on part et où l'on va. Autant dire que l'intérêt est forcément moindre
que dans une suite. D'un point de vue auteur, le risque est de faire faire à ses personnages des actions en contradiction avec les autres
romans de la saga. L'exemple le plus connu de séquelle est bien entendu la seconde trilogie de
la guerre des étoiles, de
George Lucas (
Episode I à
III). Malgré tous les
efforts des scénaristes, les incohérences entre le premier cycle des aventures de Luke et le second (racontant comme chacun le sait la
"naissance" de Dark Vador) sont nombreuses, et les fans ne les ont pas manquées. Les parallèles entre l'oeuvre de
George Lucas et
d'
Isaac Asimov sont d'ailleurs nombreuses; il est évident que le cinéaste
américain s'est nourri de l'univers du bon docteur (rappelons que Coruscant n'est ni plus ni moins que la copie de Trantor, la capitale
galactique de l'univers d'
Asimov, et que dans les deux cas l'histoire raconte, en toile de
fond, la chute du gouvernement galactique et son remplacement par un ordre nouveau). Mais là où
George Lucas peinera à garder une véritable cohérence entre
ses deux cycles,
Isaac Asimov s'en sortira avec brio, évitant pratiquement tous les
pièges liés à un flash back narratif, inhérent au principe même de préquelle.
L'un des risques majeurs de ce retour en arrière est lié au héros même, Hari Seldon. Personnage mythique jusqu'alors (et vu
comme tel pendant les 30 ans qu'ont durés l'écriture des différents romans du cycle), en devenant héros, qui plus est
héros de point de vue (pour avoir une explication complète de ce qu'est un héros de point de vue, voir l'essai
personnages et point de vue, de l'auteur américain
Orson Scott Card), le risque était fort de détruire le mythe. Deux
possibilités s'offrent alors à l'auteur: Soit avoir un Hari Seldon dont l'aura est déjà celle que les lecteurs de
Fondation et ses suites connaissent déjà (la solution de facilité),
soit de faire partir ce personnage de rien et de le faire évoluer vers les plus hautes cimes de la gloire. C'est bel et bien la seconde solution
que choisira l'auteur, comme on s'en doute, au risque de se planter, et de malmener l'aura de son héros (encore une fois, voir ce qu'il est
advenu du personnage de Dark Vador suite à la sortie de la prélogie
Star Wars). Heureusement, il n'en sera rien. Hari Seldon, en
redevenant humain, reste intéressant, voir passionnant. Un exemple: Alors qu'on ne le voyait jusqu'à présent que comme un
mathématicien farfelu mais génial, uniquement intéressé par sa science, on découvre dans
Prélude à Fondation un homme, attiré par les femmes, et plus particulièrement Dors Venabili, une grande partie de
l'humour du roman (typiquement asimovien) vient du rapport entre Hari et Dors. Le jeu de la séduction, moteur narratif typique, aussi bien en
littérature qu'au cinéma, fonctionne parfaitement dans ce roman.
Le plaisir lors de la lecture de ce roman est donc réel, les aventures d'Hari Seldon et de sa protectrice Dors Venabili sont passionnantes, et
riches en rebondissements (typique des romans de l'auteur). Cependant, les fins connaisseurs de la saga pourront être gênés par un
point: ce roman n'est ni plus ni moins que le remake déguisé de
Terre et Fondation, le précédent roman écrit par l'auteur. On
y retrouve pratiquement les mêmes thèmes d'un roman à l'autre:

Les robots, et plus particulièrement le Renégat, Daneel Olivaw. Dans les deux romans une
grande partie du mystère tourne autour de ce personnage, dont l'existence est tenue secrète. Dans les deux cas le héros, en
découvrant premièrement l'existence des robots, et deuxièmement l'identité de R. Daneel Olivaw, va avoir une
révélation quand à son destin et fera un choix capital (la psychohistoire pour l'un, l'avenir de l'humanité pour l'autre) pour
la Galaxie.

La femme accompagnant le héros (Dors Venabili pour
Prélude à Fondation,
et Joie dans
Terre et Fondation). Dans les deux cas elle est
soupçonnée par le héros d'être un robot, et dans les deux cas ce n'est pas la séduisante jeune femme qui le
démentira.

L'adoption. Là aussi dans les deux romans à un moment de leurs
pérégrinations la jeune femme accompagnant le héros adoptera un enfant (Fallom dans
Terre et Fondation, et Raych dans
Prélude à Fondation). Bien
entendu, à chaque fois cette adoption aura des conséquences positives pour les héros, et ils n'auront pas à le regretter.

Les visites à la
Gulliver. Nos héros (Hari dans un cas et Trevize dans l'autre)
cherchent à travers leurs voyages à avoir l'illumination sur leur avenir. Dans les deux cas ils se déplaceront de communautés
en communautés et trouveront à la fin leur destin. La seule différence (et elle est mineure) est que Trevize se déplace de
mondes en mondes, tandis que Seldon lui se déplace de secteurs de Trantor en secteurs de Trantor. L'isolement est pourtant identique à
chaque fois.
Pourquoi l'auteur a-t-il écrit deus fois le même roman? Pour des raisons de simplicité? Pour des raisons purement
financières? Lorsque l'on connaît un tant soit peu le plaisir d'écrire qu'avait
Isaac Asimov on est en droit de douter que ce roman ne soit qu'une simple façon de se
faire encore un petit peu plus d'argent. Etrange qu'un tel auteur ait utilisé par deux fois les mêmes ficelles, surtout dans le même
cycle.
Le plaisir est cependant bel et bien là, la lecture facile et captivante.
La suite du cycle est racontée dans le roman
l'aube de Fondation.