Le découpage français a fait que le lecteur lisant dans la langue de
Molière connaît le plus célèbre
des romans de
Frank Herbert,
Dune, en deux volumes, tandis que la sortie originale ne s'est faite initialement qu'en
un seul tome. Ce découpage (lié en partie à un choix marketing, mais aussi au format poche, que les américains ne connaissent
pas) ne doit en aucun cas faire oublier qu'il ne s'agit ni plus ni moins que l'un des plus grands romans de science-fiction jamais écrit, dont
seuls
le cycle de Fondation,
d'
Isaac Asimov, ou bien encore le saga
d'
Hypérion, de
Dan Simmons
peuvent se rapprocher, tant en termes de profondeur des sujets traités qu'en termes d'aura auprès du public.
Et encore, même ces deux cycles fabuleux ont bien du mal à lutter contre le contenu extrêmement dense de
Dune. Dans cette seconde partie, l'auteur s'intéresse essentiellement à la
genèse du héros, qui de personne réelle devient mythique, et dont tous les faits et gestes se retrouvent
exagérés par le bouche à oreille, et qui, de fil en aiguille, peut mener jusqu'à la création de nouvelles
religions. Ce qui déjà en soi est assez triste (on ne peut que réfléchir à nos religions contemporaines), devient
franchement dramatique lorsque les hommes commencent à tuer au nom de leur dieu/messie/héros.
Frank Herbert dénonce ce qu'il nomme le Jihad dans son roman, et que Paul cherche
à tout prix à empêcher. Une réflexion très intelligente sur la religion et ses dérives!
De même, l'auteur explique en partie les tensions actuelles entre les nations au travers du rapport fremen/Epice/empereur/Guilde. Tandis que
l'empereur (le dirigeant officiel du pays) pense être celui qui tire les ficelles, la Guilde, qui possède l'argent et seul permet le voyage
dans l'espace, domine en fait dans l'ombre l'univers connu (comme le font les grandes entreprises multi nationales). Cependant, les fremens, producteurs
de l'épice (le pétrole, faut-il le rappeler), démontrent que les vrais maîtres, ce sont eux, car ils ont le pouvoir de
détruire le produit pour lequel tout le monde se bat. De pouvoir de destruction, ils deviennent détenteur du réel pouvoir, et se
mettent à dominer l'univers. Tout comme aujourd'hui encore, les producteurs de pétrole font la pluie et le beau temps que l'économie
mondiale. Bien avant le premier choc pétrolier,
Frank Herbert l'avait bien compris,
et les lecteurs de
Dune aussi.
Avec ce cycle, qui se continue avec
Le messie de Dune,
Frank Herbert prouve
à ceux qui en doutent que la science-fiction reste le meilleur moyen de pointer du doigt les défauts de notre civilisation. Voir de
proposer de nouvelles façons de voir les choses.
Litanie contre la peur du rituel Bene Gesserit.
Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale.
J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur
sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.