
Suite et fin des aventures du capitaine Terekhov, commandant de l'HMS Hexapuma, et de ses hommes (et femmes) d'équipage. Toujours mené de main de maître par un
David Weber qui non seulement a su créer un univers complexe, détaillé et crédible, mais qui en plus sait de
par sa narration nous faire trembler pour ses héros. En particulier parce que le lecteur sait (ou devrait commencer à savoir) que l'auteur n'hésite jamais à tuer des
personnages importants, voir même principaux. Et
l'Ombre de Saganami n'échappera pas à la règle de cette brutale et définitive mortalité, il est vrai
tout à fait logique au vu des violents combats décrits au fil des nombreux romans se déroulant dans l'Honorverse. Et ici, le capitaine Terekhov a du pain sur la planche, devant
à la fois affronter (et arraisonner) des pirates, mettre fin aux agissements de dangereux terroristes, et ce sur deux planètes pour le moins éloignées, et, cerise sur le
gâteau, empêcher Manpower et consorts d'envahir l'amas de Talbot. Le capitaine devra faire preuve d'intelligence, de ruse, et même d'audace, pour défendre les couleurs de la
Reine de Manticore, voir, qui sait, survivre à ce qui au départ semblait n'être qu'une balade de santé.
En changeant de héros,
David Weber laisse entendre au lecteur qu'il est tout à fait envisageable que celui-ci ne survive par
aux affrontements de ce roman, créant ainsi un suspense que d'aucuns auraient pu trouver manquant des derniers romans de sa saga principale, le cycle d'Honor Harrington. Et cela fonctionne
à merveille, d'autant plus lorsque les manticoriens semblent être avantagé par les événements (meilleure préparation apparente, meilleur équipement,
...).
En s'écartant de sa trame principale (la guerre entre la République de Havre et le Royaume de Manticore), l'auteur se penche sur des parties pratiquement inexplorées de son
univers, comme par exemple l'impact psychologique, économique et social du au choc de la rencontre entre deux civilisations aux niveaux technologiques très éloignés, en
particulier d'un point de vue militaire. Est-il seulement possible de lutter contre un tel adversaire (et ce quand bien même cet "adversaire" n'aurait nulle ambition d'invasion)? La
société en retard survivra-t-elle au choc causé par la rencontre? La majorité des sociologues pensent aujourd'hui que la nation la moins évoluée imploserait
sous l'influence de la plus puissante (en particulier dans le cas d'une rencontre extra-terrestre), et
David Weber pense visiblement la
même chose, ce que les réactions des puissants de l'amas du Talbot cristallisent très bien, au travers de leurs différentes réactions.
De plus, l'auteur analyse très bien l'intérêt que peut représenter un peuple à priori sans ressource notable pour une entreprise surpuissante, comme c'est le cas de
Manpower et de ses alliés; ainsi que les manigances de ses mêmes dirigeants, capable de par leur poids de faire trembler même les plus puissantes des nations. Comme quoi la politique
internationale, les guerres, et mêmes les mouvements terroristes, ont bien souvent des motivations cachées, ou tout au moins des mécènes qui eux ont des ambitions tout
autre que celles affichées par les dits mouvements. Cette position de l'auteur est bien entendu à rapprocher de la guerre ouverte opposant alors les américains et Al-Qaïda, une
lutte où rien n'est vraisemblablement ce qu'il semble être, en tout cas aux yeux de
David Weber.
L'Ombre de Saganami, bien que s'ancrant totalement dans l'Honorverse, est sans doute l'œuvre la plus politiquement impliquée de son auteur. Une œuvre accusant pratiquement ouvertement
la politique américaine d'être soit trop influencée par les sentiments, soit au contraire calculée et montée sur un mensonge. Le tout en restant divertissant et
d'une lisibilité déconcertante, surtout au vu de la complexité de l'histoire, qui met en scène de très nombreux personnages (il suffit de voir l'annexe
résumant les personnages du roman pour s'en convaincre).
Encore une grande réussite pour
David Weber.