David Weber, même s'il reste dans le même univers que celui de sa saga
Honor Harrington, décide pour un temps de s'éloigner de son héroïne pour s'intéresser à des
personnages secondaires, voir nouveaux. Les raisons en sont multiples. Premièrement, cela permet à l'auteur de creuser certaines intrigues secondaires (Manpower, les esclaves
génétiques, l'annexion du Talbot, etc.). Deuxièmement, cela autorise des écarts quand à la ligne directrice imposée par le personnage même d'Honor Harrington
(c'est à dire un personnage qui ne doute pour ainsi dire jamais, qui excelle en tout ce qu'elle fait, et, plus que tout, qui oscille toujours entre les mêmes planètes, à
savoir Manticore, Gryphon et Grayson, ...). Enfin, cela permet de relancer le suspense inhérent au destin des personnages. Sur ce point particulier, en effet, il est difficile d'envisager
que
David Weber ne se débarrasse de son héroïne avant qu'il n'est définitivement fait le tour de son sujet. Alors
qu'avec des personnages nouveaux, ou tout du moins secondaires, tout est permis. Et l'auteur nous a habitués à faire disparaître de façon définitive des personnages
qu'il nous avait appris à aimer. D'autant plus que là, les héros sont des aspirants, donc à peine plus que des enfants (le prolong ayant pour conséquence d'accentuer
encore plus cet effet), des bleus qui vont se retrouver propulser au milieu, comme toujours, d'une explosion de violence extrême.
Les thèmes majeurs de l'œuvre de l'auteur son toujours là, à savoir recherche de l'excellence, aussi bien morale que professionnelle, sens du devoir et du sacrifice, dureté
de la guerre (et des luttes politiques), et féminisme (les personnages les plus influents de la saga sont pratiquement tous des femmes, en particulier les héros).
L'Ombre de Saganami est de plus le premier roman de l'auteur ouvertement post 11/09; les descriptions des attentats de Nordbrandt sont à proprement parler une retranscription science-fictionnelle
des attaques terroristes du 11 septembre, impact psychologique et politique compris, avec tout ce que cela sous entend d'implications externes, en particulier de gouvernements hostiles. Encore une
preuve de la force de synthèse et duniversalité que permet la science-fiction, là où un autre genre littéraire (que se soit le mainstream ou même le polar)
n'autorise pas.
On retrouve dans ce roman nombre de personnes secondaires de la saga principale, ainsi que d'autres introduits ou apparus dans des anthologies (non traduite à ce jour en français) toujours
dans l'Honorverse. Et comme pour les romans principaux de la saga, le plaisir est au rendez-vous,
David Weber arrivant encore et toujours
à rendre ses combats spatiaux haletants. Sa technique est toujours la même, à savoir une longue introduction (une ou plusieurs centaines de pages), suivie d'une confrontation
marquée par une longue attente (plusieurs dizaines de pages), avec au final un déferlement de violence et de mort en à peine quelques lignes. Un style qui a fait ses preuves, et
qui fonctionne à chaque fois, et qui donne au lecteur envie d'en lire encore et toujours plus.